Dimanche dernier, Página/12 publiait en article de une les bonnes pages de la biographie que sa journaliste, Sandra Russo, a consacrée à la Présidente argentine, Cristina Fernández de Kirchner, qui vient d'annoncer sa candidature à un second mandat (voir mon article du 22 juin 2011 à ce sujet).
L'ouvrage, édité par Sudamerica, est intitulé La Presidenta, historia de una vida. Il a été rédigé à partir d'entretiens exclusifs accordés à la journaliste par une dirigeante qui, si elle multiplie les annonces devant la presse pour faire connaître elle-même ses grandes décisions, garde ses distances avec la presse en général et la presse écrite en particulier. En quatre ans, elle n'a donné aucune interview à aucun périodique.
Dimanche, Sandra Russo livrait donc à la curiosité du peuple de gauche passablement intellectuel, le seul qui lise Página/12, quelques extraits de son livre, fort bien choisis entre confidences personnelles sur sa jeunesse, sa vocation d'avocate, ses combats militants et sa relation conjugale avec Néstor Kirchner, pour le deuil duquel elle porte toujours un noir rigoureux, et analyses de la politique qu'elle mène depuis son entrée à la Casa Rosada, or ce premier mandat (4 ans) est riche en décisions dont on peut constater à l'oeil nu qu'elles ont impacté la vie quotidienne des gens modestes et fait bouger quelques lignes politiques traditionnelles, sur un continent où ces lignes sont beaucoup plus rigides qu'en Europe.
L'article montre une femme qui se raconte avec naturel dans le langage de Madame Tout le Monde. Du grand art de la communication, mais ce n'est pas une surprise en ce qui la concerne (c'est une excellente communicante). Reste à savoir si le livre (et la responsable politique dont il dresse le portrait) sont à l'aune de ces extraits...
Ces bonnes pages arrivent quelques semaines après une très intéressante interview accordée, toujours à Página/12, par Amado Boudou, l'actuel ministre de l'Economie et futur vice-président, qui y expliquait, le samedi 9 juillet 2011, les grands axes de son action ministérielle et son programme de partenaire de formule électorale de Cristina Fernández de Kirchner. Cette longue interview, particulièrement instructive, met en lumière une personnalité assez atypique dans le paysage politique argentin, excessivement porté sur la langue de bois et les grandes déclarations aussi peu réalistes que fracassantes. Boudou, lui, tient un discours assez modeste, plein de bon sens et dans l'ensemble très terre-à-terre, en décrivant, avec une bonne dose de sérénité, une vision politique claire et rigoureuse. Il insiste en particulier sur la nécessité de séparer désormais en Argentine le service des intérêts particuliers, auquel l'Etat était beaucoup trop subordonné jusqu'à la faillite nationale de décembre 2001, ces intérêts qui sont ceux du patronat des différents secteurs économiques, de l'intérêt général, une séparation volontariste et combattante qui fait émerger le politique, comme un domaine de décision propre, qui fait émerger l'Etat, selon sa propre formule. Or cette mise en avant de l'intérêt général sur les intérêts particuliers, c'est le principe même que l'Europe a si difficilement et si lentement mis en oeuvre tout au long du 19ème siècle après que la Révolution Française l'ait énoncé à travers la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Et en tant qu'observatrice étrangère qui passe tous les ans quelques semaines là-bas, j'ai la très nette impression que c'est bien ce qui est en train de se passer en Argentine. Et tous les Argentins sont loin de s'en rendre compte, y compris ceux qui sont de bonne volonté...
Dans les bonnes pages de dimanche dernier, Cristina Fernández de Kirchner estime que cette révolution en douceur est l'héritage laissé par son défunt mari, l'ancien président Néstor Kirchner (sur Néstor Kirchner et sa disparition en octobre 2010, voir mes articles).
Pour aller plus loin :
lire l'article de Sandra Russo dans Página/12 de dimanche
lire l'interview de Amado Boudou dans Página/12 du 9 juillet 2011