mercredi 6 juillet 2011

En campagne électorale, tous les coups sont-ils permis ? [Actu]

Ces derniers jours, un certain nombre de Portègnes ont reçu un coup de fil bizarre qui se présentait comme une enquête d'opinion classique, avec recueil des informations traditionnelles sur l'âge, l'état civil et le statut professionnel, avant d'en venir à deux questions qui valent leur pesant de dulce de leche :

"Savez-vous que le père de Daniel Filmus est architecte et qu'il travaille avec Schoklender ?" Puis, lorsque le sondé ou supposé sondé répond que non -et pour cause, le père de Daniel Filmus était commerçant et à 80 ans, ça fait maintenant belle lurette qu'il est à la retraite- le sondeur reprend : "Et maintenant que vous le savez, vous voteriez tout de même pour lui ?" On croit rêver.

Daniel Filmus, le candidat péroniste qui se présente contre Mauricio Macri, pour le mandat de Chef de Gouvernement de la Ville autonome de Buenos Aires, vient de porter plainte en justice contre cette opération manifeste de déstabilisation, puisque, si vous avez suivi les derniers épisodes sur Barrio de Tango, les deux questions tentent d'impliquer Daniel Filmus dans un scandale de détournement de fonds publics qui touche un certain nombre de salariés de l'ONG Madres de Plaza de Mayo, salariés qui ont été licenciés par l'association et dont le plus élevé en grade et en responsabilité, Schoklender, est inculpé de graves malversations (voir mon article du 6 juin 2011 à ce sujet).

Daniel Filmus pense que c'est Mauricio Macri qui a commandé ce sondage bidon mais on ne prête qu'aux riches, et Mauricio Macri a déjà beaucoup de casseroles. Il est impliqué en effet dans un nombre invraisemblable de carambouilles politiques, qui vont d'un scandale d'écoutes téléphoniques de ses adversaires politiques à celui de coups et blessures contre les sans abris de Buenos Aires par l'intermédiaire d'une milice de barbouzes placée sous ses ordres, en passant par de nombreuses convocations devant la Justice ou la Legislatura, auxquelles il n'a jamais daigné se rendre, je vous en passe des vertes et des pas mûres. Mais comme il n'a encore jamais été condamné dans aucun de ces procès, sa candidature à sa réélection est valide.

Si ce sondage bidon a bien existé, s'il n'est pas inventé de toute pièce par l'opposition portègne (et pour l'instant, on n'en sait rien), ce serait un signe non négligeable que la grimpette sondagière de Daniel Filmus inquiète de plus en plus un camp politique qui est, sinon celui de Macri lui-même, du moins très proche de lui, or lui-même a reconnu il y a quelques heures que son élection au premier tour était hors de sa portée. Il est en effet quasi-certain maintenant qu'il y aura deux tours à Buenos Aires, le premier dimanche prochain, 10 juillet, et le second, qui opposera les deux formules arrivées en tête dimanche (très certainement Macri-Vidal pour la droite libérale, et Filmus-Tomada pour la gauche péroniste), le 31 juillet 2011, puisqu'à l'heure actuelle, Mauricio Macri n'atteint dans aucun sondage les 40% d'intentions de vote au premier tour. Or, à Buenos Aires, pour être élu lors du premier tour de scrutin, il faut recueillir la majorité absolue, donc 50% +1 des voix exprimées (1), alors qu'au niveau national, 45% +1 des voix exprimées suffit à élire le Président de la Nation, puisque tel est son titre exact.

Autre entourloupe politique du jour, qui laissera sans voix mes lecteurs européens : le Club 17 de Agosto de Villa Pueyrredón, où Madame Vidal, candidat vice-chef du Gouvernement portègne, accueille les sans-abris lorsque le thermomètre flirte avec le 0° Celsius à Buenos Aires, en sa qualité de toujours Ministre du Développement social, alors que le lieu n'est pas habilité pour cet usage, ce Club, que le juge Roberto Gallardo a ordonné avant-hier de fermer (voir mon article d'hier à ce propos), était toujours ouvert à l'heure du bouclage des quotidiens ce matin. "Cause toujours, Bobby, tu m'intéresses", c'est la seule réponse ou plutôt c'est la non-réponse que le Gouvernement portègne a faite au pouvoir judiciaire de son ressort. S'en n'est pas occupé ! Il a autre chose à faire en ce moment, c'est la campagne électorale et samedi, on n'a plus le droit de rien dire avant le scrutin. Donc pas une minute à perdre avec des histoires de fausses factures que ce centre permettrait d'émettre et d'encaisser dans des petits arrangements financiers entre ministères.

Pour en savoir plus :
comme toujours dans des cas-là, aussi près du scrutin de surcroît, seul le journal auquel le scandale apporte des arguments en faveur de son champion en parle (2). Donc direction Página/12 (les autres ont d'autres sujets de conversation).
Lire l'article de Página/12 sur le faux sondage
Lire l'article de Página/12 sur la non-exécution de l'ordre de fermeture du Club 17 de Agosto

(1) A Buenos Aires comme au niveau national, on ne décompte pas les votes blancs ni les bulletins nuls comme voix exprimées. En Uruguay, à l'élection présidentielle, on tient compte des votes blancs pour déterminer le nombre de voix exprimées.
(2) L'honnêteté me porte à préciser tout de même que le site de TN, la chaîne tout info du groupe de presse Clarín, a mis en ligne une dépêche sur le sujet, dans la matinée, à 11h36 (heure d'Argentine).