C'est
une exposition qui se tient depuis le 27 novembre et jusqu'au 12
décembre à Palermo, dans le campus de l'ex-Esma, au
pavillon de l'ONG des droits de l'Homme H.I.J.O.S (qui rassemble des
enfants de disparus sous la dictature), Avenida del Libertador 8200.
Son
titre exact est Industria Argentina Apadaga Encendida (Industrie
Argentine, Arrêt/Marche). Elle retrace d'une manière
politique et avec un discours partisan assumé la manière
dont sous la Dictature l'industrie argentine a été
systématiquement détruite par les pouvoirs publics pour
livrer le pays au marché nord-américain et comment avec
le retour de la démocratie il y a trente ans et notamment ces
dix dernières années (ce qui correspond aux mandats
présidentiels des Kirchner, mari et femme) ce secteur de
l'économie nationale a pu récupérer une
autonomie, des savoir-faire, des investissements et des plans de
développement à court, moyen et long terme.
Un mate de porcelaine et son support en cuir |
De
esta manera cerró la posibilidad de generar por nosotros
mismos productos argentinos. La destrucción contra el
tejido socio productivo continuó en los ’90, profundizando
el plan económico neoliberal implementado por el terrorismo de
estado.
En
la última década, con una fuerte decisión
política, recuperamos la industria en todo el país.
Recuperamos aquello que nos provee de bienes portadores de identidad
y soberanía, de trabajo y desarrollo autónomo.
La
industria argentina encendida, vuelve a ser motivo de orgullo.
Ministère
de l'Industrie argentin
Pour
concrétiser son modèle de soumission et de dépendance,
la dictature civico-militaire a fait disparaître et poursuivi
des militants qui se battaient pour un pays ouvert à tous,
sans exclusion, une société de justice sociale et de
valeurs solidaires. Elle a aussi détruit, au bénéfice
de quelques uns, le système qui était capable de
développer ses propres ressources, la production et le travail
qui assure l'autonomie.
C'est
ainsi qu'elle a fermé la possibilité de créer
par nous-mêmes les produits argentins. La destruction du tissu
socio-productif a continué dans les années 1990 (1),
creusant encore le chemin économique néolibéral
mis en place par le terrorisme d'Etat (2).
Dans
la dernière décennie, grâce à une forte
détermination politique, nous restaurons l'industrie dans tout
le pays. Nous restaurons ce qui nous fournit en biens porteurs
d'identité et de souveraineté, de travail et de
développement autonome.
L'industrie
argentine en marche redevient un motif de fierté.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
En
Europe, on restera stupéfait devant certains produits mis en
valeur par l'exposition, car il s'agit essentiellement d'objets
quotidiens, à faible valeur technologique, ceux que nous-mêmes
nous avons souvent, notamment en France, complètement
désinvestis et dont, avec un grand mépris, nous avons
délocalisé la production pour aller très loin
les faire fabriquer par des gens mal payés et sans protection
légale. En Argentine, un peu comme Arnaud Montebourg dans sa
marinière, on est fier de montrer que les bouilloires, les
postes de radio, les réfrigérateurs, les grilles de
barbecue ou les mates sont fabriqués à l'intérieur
des frontières. Et au lieu d'en sourire comme nous en avons la
tentation, nous ferions bien d'en prendre de la graine car il ne faut
pas passer à côté non plus des machines agricoles
(qui se vendent dans le monde entier), de l'industrie du médicament
(qui ne produit certes que du générique pour le moment
mais ça changera) et de la reprise d'entreprises par leurs
salariés, un modèle de gestion qui donne d'excellents
résultats là-bas.
Depuis
les débuts de la colonisation, les Argentins savent ce que
cela coûte de dépendre d'une industrie étrangère
pour tout et n'importe quoi, y compris les objets les plus utiles
dans la vie de tous les jours... Les titres des conférences et
débats organisés dans le cadre de cette exposition nous
laisseront rêveurs : "Le design pour l'intégration
sociale", par exemple...
Mettons alors de côté le ton presque martial de cette communication ministérielle
(3) qui peut nous paraître hors de propos, voire franchement
agaçante ou ridicule, et, resituant les choses dans leur contexte, intéressons-nous à ce que nos amis
argentins nous racontent avec leurs bouilloires, leurs allumettes,
leurs gazinières, leurs chaussures de sécurité et leurs ampoules à
basse consommation Industria Argentina (4).
L'entrée
est libre et gratuite, de mercredi à vendredi de 15h à
20h.
Pour
en savoir plus :
lire
la page de l'exposition sur le site Internet du Ministère de
l'Industrie (qui propose l'ensemble du catalogue à télécharger
en pdf, un catalogue fort intéressant à lire, malgré
le plaidoyer pro domo que font des rédacteurs tendancieux -en Argentine, mais tout ce qui touche à l'histoire est tendancieux)
lire
l'article de Página/12 de ce matin, dernier dimanche de la
manifestation.
(1)
Et pan sur le bec de Carlos Menem. Cela se justifie d'ailleurs quand
on sait à quelle catastrophe cette fièvre de
l'ultra-libéralisme et du tout-financier des années
1990 a conduit le pays : au krach de Noël 2001.
(2)
L'autre façon de désigner la dernière dictature
militaire.
(3)
Un ton aligné sur celui de la militance des droits de l'Homme
du pavillon qui accueille la manifestation.
(4)
En Argentine, on ne dit ni n'écrit jamais Made in Argentina,
une expression rappellerait trop la mainmise des Etats-Unis, et avant
eux de l'Angleterre, sur l'économie nationale. On réserve
ça aux gadgets fabriqués en Chine qui sont vendus aux
touristes à Caminito ou aux chutes d'Iguazu. Sur tous les
produits nationaux, y compris alimentaires, on tamponne un fier et
tonitruant : Industria Argentina.