"La Fifa a exilé Suárez" |
C'est un concert d'indignation ce matin après l'expulsion du Mundial du buteur en chef de la Celeste, Luisito Suárez, qu'une foule impressionnante est allée accueillir dans la nuit à l'aéroport de Montevideo, Président en tête, mais en vain : le joueur n'avait toujours pas quitté le sol brésilien lorsque les premières éditions matinales sont sorties en Uruguay. Il est rentré au pays dans la matinée montévidéenne, discrètement.
Impossible
de vous fournir tous les liens à tous les articles car chaque
journal publie une dizaine d'articles ou entrefilets sur l'affaire,
qui est analysée minutieusement sur tous les plans, sportifs,
politiques, diplomatiques, sans parler des hommages au joueur et des
spéculations sur la suite de sa vie professionnelle et personnelle
et de nombreuses attaques contre la FIFA, qui a toujours su s'attirer
la haine des Sud-Américains pour son comportement de grand
capitaliste de l'hémisphère nord. Difficile sur ce dernier point de
leur donner tort : la FIFA et le CIO sont bien à mettre dans le
même sac des organismes dévoyés qui ont fait du sport un
gigantesque business qui ne profitent qu'à une petite minorité de
super-privilégiés.
L'expulsion
de Suárez est comparée à celle de Maradona, lors de la Coupe aux
Etats-Unis, où le champion argentin avait été chassé pour un
supposé dopage, dont l'intéressé s'est toujours défendu et qui
était en effet douteux. En revanche, il ne fait guère de doute que
les Etats-Unis voyaient d'un mauvais œil un fidèle ami de Fidel,
qui n'avait pas la langue dans sa poche, faire le malin sur leur sol
et mettre en pièce leur encore piètre sélection nationale de
soccer. Ainsi, Pepe Mujica, le Président uruguayen, a fait savoir
qu'il avait téléphoné hier dans la soirée à Diego au sujet de la
sanction qui frappe le cher Luisito.
La Nación, journal argentin |
Il
faut dire aussi que l'environnement géographique est loin d'être
neutre pour la République Orientale. Il y a quelques jours, à
l'occasion des 250 ans de la naissance de José Artigas, je vous
disais que le héros national avait connu la plus sévère défaite à
Tacuarembó, devant les troupes brésiliennes. Mais il y a pire
encore car Montevideo a été fondée par quelques familles de Buenos
Aires précisément pour empêcher les Portugais du Brésil de
contrôler les rives est de l'Uruguay et du Río de la Plata. Le pays
même a sa raison d'exister dans la résistance au Brésil. Etre jeté
du Mundial brésilien par une instance qui a son siège au cœur de
l'Europe, à Zürich : le symbole est vraiment lourd !
C'est encore El Observador qui fait la une la plus sobre dans tout l'Uruguay "En serrant les dents" |
En revanche, Tribuna, le supplément sportif de La República, met le paquet ! "Luis, maintenant, c'est pour toi !" |
Les
journaux argentins adoptent un ton différent : plus posé, un
soupçon plus objectif (quoique !) et avec ce je ne sais quoi de
satisfaction bien porteña mais pas tout à fait assumée qui nous
rappelle qu'après tout, un Suárez de sorti, c'est une chance
albiceleste supplémentaire de mettre la mimine une nouvelle fois sur
la coucoupe ! Dire que les Argentins l'avaient ratée d'un
cheveu contre la Celeste lors de la toute première édition, en
1930, alors que la plupart des nations européennes avaient boycotté
sous prétexte que c'était la crise et que ça coûtait trop cher
d'envoyer des footeux aux antipodes... Antipodes qui fêtaient cette
année-là le Centenaire de leur indépendance si chèrement acquise.
Et puis les Argentins ont d'autres soucis : pour une blessure au
biceps, l'un de leurs joueurs doit déclarer forfait pour le prochain
match, contre la Nati. En cette veille de huitièmes de finale, foin
donc de la solidarité avec le petit voisin même si, hors du terrain
de foot, il appuie avec loyauté le gouvernement de Cristina dans son
conflit que oppose l'Argentine endettée aux hedge funds
nord-américains qui exigent avant lundi prochain le retour de leurs
sous dans leurs caisses déjà bien remplies.
Clarín, journal argentin En haut, la question de la dette et du paiement aux hedge funds En bas, une photo très provocatrice de Suárez Tout en bas, des nouvelles de l'équipe argentine |
Pour
aller plus loin :
Dans
les journaux uruguayens
lire
l'article de La República sur la solidarité de Fred, joueur de la
Seleção
lire
l'article principal de El País, qui offrira demain à tous ses
lecteurs un grand poster de Luisito
lire
l'article principal ex-aequo de El Observador, faisant du joueur une
cause nationale.
Dans
les journaux argentins :
lire
l'article, super-calme, de Página/12, qui relègue l'affaire très
loin dans ses pages intérieures
lire
l'article principal de Clarín, nettement plus footeux comme
journal ! C'est normal, le groupe compte aussi des canaux de
télévision et le foot, ça nourrit bien sa chaîne !
lire
l'article de Clarín sur l'accueil à l'aéroport
lire
l'article de La Nación sur le même sujet
lire
l'article de La Nación sur les réactions, fort peu solidaires, de
quelques sponsors du joueur exclu
Le poster gratuit de demain avec El País A droite : "Serment celeste" (jeu de mot entre symbole national et symbole divin) "Nous sommes tous Suárez !" |