jeudi 22 octobre 2015

Dédicace de novembre : à Dourdan [ici]


Avant deux conférences, à Gretz-Armainvilliers (77) sur José de San Martín le samedi 28, et à Paris sur les contes de la tradition orale argentine le 1er décembre, voici le premier des salons du livre auquel je participerai le mois prochain : celui de Dourdan, organisé par l'association Tête de l'Art, les 14 et 15 novembre 2015 de 10h à 18h, pour les petits et les grands, de 7 à 107 ans comme dit la communication du salon.

En ce qui me concerne, j'y serai le samedi, toute la journée (mais seulement le samedi), sur le stand des Editions du Jasmin, et l'accent sera porté sur mon livre de contes, Contes animaliers d'Argentine, dans la collection Contes d'Orient et d'Occident, paru en juin dernier. Ce qui ne veut pas dire que les autres titres seront absents, loin de là.

Tous mes livres du Jasmin sur le stand à Merlieux (septembre 2015)

Le mate sera de la partie, comme sur tous les salons auquel je participe, comme à Merlieux (ci-dessus), Saint-Dié des Vosges ou Migennes. C'est plus élégant que l'habituelle bouteille d'eau minérale en plastique et, surtout, ça a plus de goût. Et puis ça tient chaud quand l'hiver arrive. Et si mon emploi du temps du vendredi me le permet, il y aura aussi quelques spécialités argentines solides, avant qu'elles se retrouvent aussi à l'intérieur de l'un de mes prochains livres...

Et vous pourrez également vous procurer sur notre stand (ou celui des Editions Philomèle) le petit livre à 1,50 € que le collectif d'éditeurs Bateau de Papier vend au profit des réfugiés du Moyen-Orient.

Tête de l'Art rendra cette année hommage à un enfant du pays, Michel Audiard, dont les scénarios et les dialogues nous font tant rire sur le grand écran et qui nous a quittés il y a déjà trente ans. Son biographe sera sur le salon pour nous parler de lui. Samedi soir, il y aura même une projection cinématographique, celle d'un classique tourné partiellement à Dourdan, avec un Lino Ventura comédien débutant. C'était en 1957 !

Le programme des deux jours
Cliquez sur l'affiche pour lire le contenu

Alors rendez-vous dès le 14 novembre au matin, bien au chaud, avec ou sans mate (vous n'êtes pas obligé d'aimer), mais en tout cas à l'Espace culturel René Cassin, à Dourdan, dans l'Essonne.

Entrée libre et gratuite.

Pour en savoir plus, allez visiter le site Internet (minimaliste) de la manifestation : Livre d'Orge (1).


(1) A l'intention de mes lecteurs hispanophones : c'est un joli jeu de mot entre "sucre d'orge" (tipo de caramelo bien tradicional, con sabor a niñez) et le nom de la rivière qui traverse Dourdan, l'Orge.

mercredi 21 octobre 2015

Ada Falcón en Lo de Jac [à l'affiche]


La chanteuse Ada Falcón, une des grandes voix associées à l'orchestre de Francisco Canaro, une voix de soprano telle qu'on les aimait beaucoup dans l'entre-deux-guerres et qui est aujourd'hui passée de mode, sera le sujet du prochain film de la session cinématographique chez Jacqueline Sigaut, du côté de Plaza Italia à Palermo, dimanche 25 octobre dans l'après-midi ou la soirée.

La vie de cette chanteuse fascine beaucoup les tangueros puisque après avoir été la muse et la maîtresse de Canaro, au grand dam de l'épouse légitime, elle se retira dans un couvent et finit sa vie sous le voile, dans un style passablement Grand Siècle. Ce qui convient on ne peut mieux à l'image de Canaro, qui n'était pas loin de se considérer comme un roi-soleil du tango et de la Buenos Aires des années 30 et 40.

Après la projection, débat avec la réalisatrice, Lorena Miñoz.

Il faut s'inscrire auprès de Jacqueline Sigaut pour participer à cette projection et je ne donne pas sur ce blog son adresse pour éviter qu'elle ne soit volée par des créateurs de spam qui l'inonderaient de leurs courriers indésirables. Mais Jacqueline n'a pas diffusé cette fois sa traditionnelle affiche avec ces informations.

Cet article me permet donc de vous faire connaître l'existence de ce documentaire, sorti en 2003 et multi-primé, dont la presse argentine avait parlé en son temps, comme ici dans Radar (Página/12) le 5 décembre 2003.

Pour en savoir plus :
consulter également la fiche du film sur le site Internet Cine Nacional.

Nicolás Ciocchini présente son nouveau disque à La Plata [à l'affiche]


Vendredi 23 octobre 2015, à 21h, le chanteur Nicolás Choco Ciocchini sera à l'Espace Don Juan de La Plata, à la jonction des rues 5, 69 et 70, pour présenter son nouveau disque, intitulé 11 derivas. Il sera entouré de plusieurs musiciens dont un pianiste de plus en plus en vue, Diego Schissi, et d'une chanteuse, Gisela Magri.

Choco est un excellent interprète qui sait servir le texte sans se mettre lui-même en avant. Ce n'est pas si fréquent dans notre époque narcissique.

mardi 20 octobre 2015

Biennale de Poésie du Tango YMCA-ANT [à l'affiche]


Jeudi, vendredi et samedi prochains, l'association YMCA et la Academia Nacional del Tango se joignent pour organiser trois jours autour des poètes du tango contemporain. Toute l'opération, du 22 au 24 octobre 2015, est orchestrée par la chanteuse Lucrecia Merico.

Le jeudi, la rencontre se tient à l'Auditorium YMCA, Reconquista 439, à un jet de pierre de la cathédrale, à partir de 19h. Participeront Raimundo Rosales, María del Mar Estrella, Nélida Puig et Matías Marcelo. Eduardo Parise joue les maîtres de cérémonie.

Le lendemain, la rencontre se tient à la Academia Nacional del Tango, à la même heure, Avenida de Mayo 833, 1er étage, comme vous en avez l'habitude avec les plenarios et les autres soirés artistiques. Participeront Alejandro Martino, Antonio Libonati, Paula Castro et Daniel Olivera.

Le samedi, on se rassemblera au Café Tortoni, à la même adresse, au Salón Eladía Blázquez, à partir de 18h. Participeront Ernesto Pierro, Bibi Albert, Juan Seren et Claudia Levy, sous la modération à nouveau de Eduardo Parise.

Ariel Prat vendredi au Faro [à l'affiche]

"Allez voter, mais avant, allez voir Prat !"

L'auteur-compositeur interprète Ariel Prat, surtout connu comme artiste de murga (1), se produira, avec son foulard de pirate sur le crâne, ce vendredi 23 octobre 2015 au Bar Notable El Faro, que mes lecteurs connaissent bien, un petit restaurant de quartier qui fait la jonction entre trois quartiers dans l'ouest de Buenos Aires : Villa Urquiza, Villa Pueyrredón et Parque Chas (esquina La Pampa y Constituyentes).

Ce sera à 21h pour le début du service (la maison vous propose une carte légère et très simple, avec un plat mijoté, une pizza ou des empanadas, des desserts et des boissons, le tout pour un prix très modéré).

Droit au spectacle : 100 $ ARG.

L'affiche fait allusion à l'actualité du week-end : le premier tour de l'élection présidentielle et des élections législatives. Côté gouvernement, les jeux semblent faits si toutefois les instituts de sondage ne se trompent pas. Daniel Scioli rassemble déjà 41% des intentions de votes et son premier challenger, Mauricio Macri (2), atteint à peine les 28%. Daniel Scioli a commencé à présenter son équipe gouvernementale. Si le résultat ressemble à ces enquêtes préalables, ce sera le changement dans la continuité...


(1) Murga : musique et danse de carnaval, pleine d'une forte critique sociale et politique. Voir dans la Colonne de droite la rubrique Trousse lexicale d'urgence.
(2) La semaine dernière, une grande panne d'électricité a frappé trois quartiers du nord de Buenos Aires. Mauvais point pour Macri qui a laissé faire des travaux dans cette zone sans y prêter l'attention nécessaire : une foreuse a coupé des câbles de haute tension sur son chemin. Résultat : trois jours sans électricité à Palermo, Recoleta et Belgrano ! Là où vivent la majorité des électeurs de Macri... Ariel Prat est engagé du côté du kirchnerisme.

lundi 19 octobre 2015

Demain, lecture musicalisée de tangos à Toulouse [ici]

Solange Bazely

Demain, mardi 20 octobre 2015, de 19h30 à 20h30, Solange Bazely et l'altiste Solenne Burgelin feront une lecture musicalisée de tangos, à partir de traductions de quatre traducteurs différents : Solange Bazely elle-même, Pauline Nogués, Marcela de Grande et moi-même.

En ce qui me concerne, les traductions sont tirées de mes deux anthologies, Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins (Editions du Jasmin) et Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango (Tarabuste Editions).

La soirée se tient dans le cadre des Rugissants à la Cave Poésie, 71 rue du Taur, dans le vieux Toulouse.

Entrée : 5 €.

"Si le tango est existentiel, qu’il a le mal du pays et la nostalgie en héritage, disent les deux artistes, il se conjugue également au présent. On le disait en crise dans les années 60, à l’agonie dans les années 70, mort dans les années 80, et voilà que dès les années 1990, de nouvelles générations de poètes et de compositeurs se sont réappropriées le genre pour dire leur colère, leurs revendications, leur quotidien, les aberrations du monde, avec ironie parfois. 
Paroles de Héctor Negro, Horacio Ferrer, Raimundo Rosales, Alejandro Szwarcman, Marcela Bublik, Alfredo Rubín, Alorsa, Acho Estol, Juan Serén, Eugenio Mandrini… dans des traductions de Denise Anne Clavilier, Pauline Nogues, Marcela de Grande et Solange Bazely."

Réservation des places par téléphone : 05 61 23 62 00 ou par mail : contact@cave-poesie.com ou sur Festik.

Pour une fois, un article en forme de selfie [Retour sur Images]

Plaza San Martín en Buenos Aires el 17 de agosto pasado. Estoy en el palco
con Fabiana Mastrangelo a mi lado
Le 17 août après-midi, hommage de l'Instituto Nacional Sanmartiniano à Buenos Aires
Je suis sur l'estrade à côté de Fabiana Mastrangelo.
Agrandissez la photo si vous voulez y voir quelque chose !

Unas fotos mías este invierno en Buenos Aires y Mendoza
¡sólo para lucirme !

Godoy Cruz, à Mendoza, le 27 août dernier
entre la conseillère chargé de la culture, Gabriela Testa
(pressentie pour le ministère du tourisme provincial), la brune
et Mariana Caroglio, directrice de l'Education municipale, la blonde,
Aux extrémités, à gauche, Fabiana Mastrangelo
et à droite Marta Babillón, directrice de la médiathèque locale

Cette année, à Buenos Aires comme à Mendoza, j'ai eu plusieurs rencontres qui ont donné lieu à des photos où j'apparais et qui ont déjà figuré sur ma page Facebook comme sur mon site Internet. Il était temps de les publier aussi sur mon blog, histoire de ne pas faire de jaloux et avant de publier d'ici quelques jours un autre retour sur images sur les sites sanmartiniens dans la Province de Mendoza.

En la Pinacoteca Sanmartiniana Fidel Roig Matóns en Mendoza el 28 de agosto
Le 28 août, visite de la Pinacoteca Sanmartiniana Fidel Roig Matóns, entre les deux fils du peintre
et en compagnie de la directrice et de l'adjointe au maire chargée de la culture

La Pinacoteca Fidel Roig Matóns est une collection léguée par le peintre lui-même, un émigré catalan arrivé à Mendoza au début du XXème siècle et qui se passionna pour l'épopée de José de San Martín, la grande geste qui a fait entrer Mendoza dans l'histoire argentine. Fidel Roig lui consacra un immense travail de recherche historique, de reconnaissance dans les Andes dans des conditions dantesques et de création picturale. L'homme y perdit la vue à cause de la réflexion solaire sur les neiges éternelles. Les tableaux de Fidel Roig Matóns sont reproduits dans de nombreux ouvrages sur San Martín et ont inspiré la réalisation de plusieurs films, dont le célèbre El Santo de la Espada, avec le grand acteur argentin Alfredo Alcón dans le rôle du général.

Cette pinacothèque exceptionnelle est installée dans les locaux de la mairie de Mendoza. Ci-dessus, la salle du conseil avec en arrière-fond la traversée des Andes de janvier 1820, que San Martín fit dans une litière, chargé à dos d'hommes par les fameux 60 Grenadiers de la chanson (Los 60 Granaderos). Il était alors malade et incapable de traverser par ses propres forces.

Deux jours plus tard : visite au Campo Histórico El Plumerillo à Las Heras,
où San Martín instruisit son Armée des Andes
Avec le personnel du musée, le chanteur Omar Hernández et son épouse
Tertulia en el Campo Histórico El Plumerillo con el cantautor Omar Hernández
su señora y el presidente de la Asociación cultural sanmartiniana de Mendoza
el profesor Rolando Alberto Lucero que se desempeñó como organizador de todas las visitas

Le 2 septembre, grande excursion dans le sud, pour aller donner une conférence à l'Alliance Française de San Rafael. Sur la route, arrêt à San Carlos, où le maire, Jorge Andrés Difonso, m'offre une autre tertulia des plus cordiales : l'avant-veille, il m'a entendue à la radio et voulait me connaître puisque je devais passer par la bourgade qui abrite les vestiges du Fort San Carlos, où San Martín tint une grande rencontre avec les Pehuenches, des Indiens nomades dont il voulait l'appui pour son expédition libératrice du Chili. Tout ceci est raconté, bien entendu, dans San Martín à rebours des Conquistadors et San Martín par lui-même et par ses contemporains, que j'ai publiés aux Editions du Jasmin et que je présenterai à nouveau le 28 novembre 2015 dans le cadre des Conférences de la Société d'histoire de Gretz-Armainvilliers (77).

Jorge Difonso est à droite, en veste grise
Entre lui et moi, le directeur du musée du Fuerte San Carlos
à ma droite, Rolando Alberto Lucero

Et nous revenons à notre point de départ, le 17 août 2015 à Buenos Aires, avec le Plenario du soir et la photo traditionnelle des conférenciers dans le Salón de los Angelitos Horacio Ferrer, Academia Nacional del Tango.

Entre Gabriel Soria, le président (à droite)
et Pepe Kokubu (le nouveau Secrétaire académique)

Le lundi suivant, le 24 août, toute la Academia était attendue au siège pour une présentation solennelle à midi du premier Congrès de Tango qui s'ouvrait le jeudi suivant.
Photo de famille sur l'estrade ! Je suis en jaune, en haut, sur la droite.

Nicolás Ledesma présente son nouveau disque [à l'affiche]


Ce jeudi 22 octobre 2015, à 21h, au Centro Cultural Torquato Tasso, Defensa 1575, le pianiste Nicolás Ledesma présentera un nouveau disque intitulé Cuando llora la milonga (quand la milonga pleure), son cinquième album riche de 16 pistes.

La semaine dernière, Leonardo Liberman l'a interviewé dans le cadre des émissions en espagnol de RAE et cet entretien est disponible en écoute à la demande, sur le blog du journaliste, El Mirador Nocturno, comme sur le blog de RAE, la station internationale de Radio Nacional.

samedi 17 octobre 2015

Deux mois plus tard, la 117e petite-fille se montre [Actu]

Photo Mario García pour Los Andes
Si la photo a été prise dans le studio de Radio Nacional,
on peut s'étonner de voir un écriteau marqué Radio Nihuil

Le 31 août dernier, alors que je sillonnais la Province de Mendoza, l'ONG Abuelas de Plaza de Mayo annonça l'identification du cent-dix-septième adulte recherché au nombre des cinq-cents enfants volés à leurs parents sous la dictature pour des motifs politiques. Il se trouve que cette personne était la fille d'un couple mendocin et que ses deux grands-mères, toujours en vie, étaient parmi les militantes de Abuelas dans la province. Quelle n'a pas été ma surprise de sentir une hostilité sourde envers leur cause et l'association elle-même parmi les Mendocins en général et encore plus parmi tant de ces admirateurs de San Martín au milieu desquels je naviguais un peu partout (1). La contradiction me paraissait et me paraît toujours patente puisque San Martín a mené, dans cette même ville de Mendoza et sur cette terre (2), le labeur d'y implanter le principe des droits de l'homme, de la liberté politique individuelle, du respect des personnes et de la vérité entre 1814 et 1816 au point d'en marquer à jamais l'identité mendocine ! Or tous ces sanmartiniens voient bel et bien cela en San Martín, je n'ai vu aucun d'entre eux le prendre pour un partisan du régime dictatorial comme cela peut arriver ailleurs en Argentine, notamment à Buenos Aires...

Et c'est encore ce que cette hostilité, plus marquée que sourde, que l'on voit surgir aujourd'hui dans les commentaires des lecteurs en ligne de Diario Uno, le second quotidien régional...

En gros titre : "J'ai été émue de me voir dans le sourire de mes parents"
En haut : rappel du Día de la Lealtad, le 17 octobre 1945
Ce jour-là, le peuple de Buenos Aires a sauvé Perón
d'un coup de force de ses ennemis politiques

Hier, aux côtés de ses deux grand-mères, dans les studios de Radio Nacional Mendoza, Claudia Domínguez Castro, qui a retrouvé son patronyme de naissance, comme le veut la loi argentine, a tenu une première conférence de presse. Toutes les trois vivent dans la Province de Mendoza.

En août dernier, la jeune femme avait tenu à conserver l'anonymat et n'avait pas voulu rencontrer immédiatement sa famille de naissance, ce qu'elle fit cependant quelques jours plus tard. Pourtant, elle a reconnu hier avoir toujours su qu'elle était une enfant adoptée, une situation plutôt rare parmi les adultes déjà identifiés. Elle a aussi remercié ses parents adoptifs qui ont su selon toutes apparences l'aimer avec tendresse et l'ont élevé avec respect, ce qui est de plus en plus le cas pour les petits-enfants identifiés depuis quelques années. Probablement parce que ceux qui ont été confiés à des sbires du régime qui savaient donc d'où venait l'enfant ont été éduqués dans une atmosphère d'hostilité plus ou moins ouverte et ont traversé un conflit psychologique qu'ils ont pu surmonter en peu d'années lorsqu'ils se posaient des questions sur leur identité et les conditions de leur venue au monde. De leur côté, ceux qui sont identifiés maintenant déclarent souvent avoir été aimés par leur famille d'adoption. Ils est donc probable qu'ils ont hésité plus longtemps, sachant que s'ils s'avéraient être des enfants volés, leurs parents auraient à subir des poursuites judiciaires. Et c'est sans doute le cas de cette personne qui s'est toujours su adoptée. En effet, il s'agit d'une instruction en droit pénal, elle peut donc conduire ces parents adoptifs derrière les barreaux si le juge démontre qu'ils avaient connaissance de la falsification de l'état-civil du bébé. Ces parents qui ont adopté à l'issue d'une procédure frauduleuse, on parle d'ailleurs à leur propos d'apoderadores (ou voleurs d'enfants), sont actuellement en prison ou viennent d'achever leur peine et c'est ce qui est arrivé autour des premiers identifiés, dont plusieurs ne cachent pas le ressentiment, voire la haine qu'ils éprouvent maintenant envers eux.

Los Andes de ce matin
L'information est à la une, en bas
Juste au dessus, un problème lié à la gestion des déchets
dans la proche banlieue de Mendoza

Comme il reste environ 400 personnes à retrouver sur le demi-millier recherché, il se pourrait que seule une minorité des enfants volés aient été confiés à des sbires du régime et que la grande majorité ait été recueilli par des couples de bonne foi à travers des voies qui avaient toute l'apparence de la normalité, comme c'est le cas du petit-fils n° 116 qui a raconté qu'il avait été confié quelques heures ou jours après sa naissance, en très mauvaise santé, à un orphelinat où le pédiatre en titre l'a soigné puis adopté, sans imaginer que les deux jeunes gens civils qui avaient laissé le bébé pouvaient être liés au régime dictatorial en place.

La jeune femme qui a montré son visage hier à Mendoza est la fille d'un couple de militants léninistes, une minorité parmi les persécutés du régime, la majorité des 30 000 disparus ayant été des péronistes de différentes obédiences. Un mois et demi après avoir appris la vérité, elle se félicite de ce qu'elle vit et est apparue radieuse, dans une relation très affecteuse envers ses deux grands-mères, qu'elle a la chance de pouvoir rencontrer, à 37 ans !

La une de Página/12 du 1er septembre 2015

C'est un fait que l'association Abuelas de Plaza de Mayo fait tout ce qui est possible pour respecter le délai dont la personne a besoin pour digérer psychologiquement ce qui lui arrive, sans lui faire violence.

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 d'aujourd'hui
lire l'article de Página/12 du 1er septembre, que je m'étais contenté de partager sur ma page Facebook sans avoir le temps de la commenter sur ce blog
lire l'article de Clarín (au ton nettement moins hostile qu'il le fut il y a quelques années)
A Mendoza même :



(1) La seule explication que j'ai pu recevoir est que ces retrouvailles opposent les Argentins les uns aux autres et creusent à nouveau des fossés entre eux à chaque fois que les plaies semblaient sur le point de se cicatriser. Ce n'est pas faux. C'est aussi ce qui nous est arrivé, à nous, en Europe, après l'Occupation nazie, la collaboration et la résistance armée contre l'occupant. Il nous a fallu plus de cinquante ans pour pouvoir analyser avec un peu de sérénité ces événements tragiques de notre histoire. Puis, nous, en France et en Belgique, nous avons connu un nouveau traumatisme, pire en France qu'en Belgique, avec la décolonisation et l'arrivée précipitée en métropole de nos ressortissants qui fuyaient les massacres en Algérie et au Congo. Là encore, il nous aura fallu un demi-siècle pour surmonter les souffrances et reconnaître la légitimité des revendications opposées des deux partis. J'espère que les Argentins, surtout s'ils admirent, avec juste raison, un personnage comme José de San Martín, sauront prendre patience et accepter qu'il faut donner du temps au temps.
(2) Il est vrai aussi que Mendoza occupe une position géostratégique très différente de Buenos Aires. Mendoza vit de très près et de façon très concrète le voisinnage, pas toujours facile, avec le Chili. La population locale en connaît les bons côtés mais aussi les inconvénients. Les Mendocins perçoivent beaucoup mieux que les Portègnes les rivalités territoriales entre les deux pays, les enjeux de développement local de part et d'autre de la frontière, qui parasitent sur le terrain le beau rêve de l'union continentale poursuivi par l'UNASUR et le MERCOSUR, et ces enjeux antinomiques ne datent pas d'aujourd'hui. Mendoza a été au premier rang pour constater que le Chili avait des vues sur la Patagonie argentine à plusieurs reprises au XIXe et XXe siècle. Mendoza est donc plus militariste que Buenos Aires, l'armée y a bien meilleure réputation qu'à Buenos Aires, y compris dans les milieux intellectuels et artistiques. C'est dans sa chair que Mendoza a expérimenté l'importance des forces armées alors qu'à Buenos Aires, l'expérience de l'Armée est dominée par le traumatisme des nombreux coups d'Etat, qui ont tous, depuis 1930, eu lieu dans la capitale fédérale où, à chaque fois, ils ont fait de nombreux morts civils dans la rue et causé des dommages matériels aux habitations des gens ordinaires.

Le Pablo Agri Cuarteto à la Usina del Arte ce soir [à l'affiche]

Pablo Agri est celui qu'on ne voit pas parce qu'il rit à gorge déployée !

Concert gratuit ce soir, samedi 17 octobre 2015, à 19h, à la Usina del Arte, avec Pablo Agri au violon, Emiliano Greco au piano, Lautaro Greco au bandonéon et Juan Pablo Navarro à la contrebasse, pour une soirée de tango instrumental de grande qualité.

Pablo Agri est l'un des grands violonistes de tango, digne successeur de son père !

vendredi 16 octobre 2015

Esta vez, ¡nos tocó a los franceses ! - Cette fois, l'interview est pour nous [ici]

Nota bilingüe



Después de muchas notas exclusivas en la prensa italiana, española, argentina, mexicana, estadounidense, llega la primera en un medio francés, revista muy popular y de baja calidad periodística, con más fotos que analisis. La propia corresponsal en el Vaticano, Caroline Pigozzi, muestra todos las síntomas del yomismo en grado alarmante. Sólo falta el selfie con Francisco.
En el sitio Web de Paris-Match, no se puede leer nada de lo que dijo el Santo Padre sino un reportaje sobre la propia periodista en la Casa Santa Marta. Para leer el documento en francés, no hay otra opción que comprar una copia (como lo arregló también Clarín hace varios meses).
La entrevista está brindada con la ocasión de la canonisación este domingo próximo de los esposos Martin, padres de Santa Teresa del Niño Jesús.

* * *

Et voilà la première interview du Pape en français.
On ne peut que regretter qu'elle ait été accordée à Paris-Match avec son optique people et superficielle, clairement établie dans la façon dont la journaliste se met elle-même en scène et se raconte, en trois langues sur le site Internet, à peu près autant qu'elle s'intéresse à l'interviewé. Pitoyable ! La France et les francophones dans leur ensemble méritaient mieux. Pourtant, si cette interview existe, c'est que la journaliste a su inspirer au Saint Père une très grande confiance, puisqu'il ne répond qu'à cette condition. Il faut donc lui reconnaître cette qualité.
L'interview a été accordée à quelques jours d'une canonisation qui touche la France catholique de très près puisque, dimanche prochain, les bienheureux Louis et Zélie Martin, parents de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, la carmélite de Lisieux, déclarée récemment Docteur de l'Eglise, seront élevés aux autels, selon l'expression traditionnelle.

Heureusement, comme d'habitude dans ces cas-là, sans la mise en scène de l'hebdomadaire que je trouve ridicule et si agaçante (1), L'Osservatore Romano a publié en intégralité les propos du Pape, en italien (2), dans son édition d'hier soir, datée d'aujourd'hui.

L'Osservatore Romano, édition d'hier, page 8
Intégralité de l'interview en italien
Cliquez sur l'image pour lire

Pour aller plus loin :
se connecter à la page Facebook de Paris-Match
lire l'article de Paris-Match sur les modalités de l'interview en français
(il existe aussi en anglais)
lire l'article du blog Big Browser, du Monde, très critique sur la mise en scène de cette information-spectacle, ce dont l'hebdomadaire s'est fait une spécialité.

Pour avoir le son de cloche de l'intérieur du Vatican
lire le résumé en italien (je n'ai rien trouvé en espagnol)
lire également l'intégralité de l'entretien en italien sur la page Internet de L'Osservatore Romano, avec deux des photos publiées par le magazine ainsi que la couverture.



(1) Mais c'est le style emblématique du magazine ! Et puis, c'est sans doute le plus prestigieux numéro de toute l'histoire de cette rédaction. Pensez donc, l'interview d'un Pape !
(2) L'interview a été menée moitié en italien moitié en espagnol.

Hommage à Emilio Balcarce lundi prochain à la Academia [à l'affiche]

Emilio Balcarce en 2000 sur la scène du Teatro Colón
une image tirée du film de Caroline Neal, Si sos brujo, sur la  naissance de l'OET
Photo Bodega Films

La Academia Nacional del Tango consacrera sa soirée académique du troisième lundi du mois, ce 19 octobre 2015 à 19h30, au Maestro Emilio Balcarce (1918-2011), compositeur, arrangeur, chef d'orchestre et bandonéoniste, qui a co-fondé la Orquesta Escuela de Tango qui porte désormais son nom.

La soirée est coordonnée par Roberto Martínez et Alejandro Molinari. Participeront le président Gabriel Soria et les deux autres co-fondateurs de la OET Emilio Balcarce, les compositeurs Ignacio Varchausky (contrebassiste) et Ramiro Gallo (violoniste).

Le tango rituel de la soirée sera Balada par un loco, de Astor Piazzolla et Horacio Ferrer, à l'occasion des 45 ans de la création de ce morceau révolutionnaire, qui a marqué une étape dans l'histoire du genre. L'enregistrement permettra d'entendre la voix de Horacio Ferrer, accompagné par le Bertero Big Band.

Entrée libre et gratuite, au 833 avenida de Mayo, 1er étage.

Le Sciammarella Tango à la Ideal le samedi [à l'affiche]


En octobre et novembre, l'orchestre féminin Sciammarella Tango se produit tous les samedis à 21h à la Confitería Ideal, un salon de thé très célèbre à deux pas de Avenida Corrientes, dans la rue Suipacha. Le concert de ces jeunes musiciennes est suivi d'une milonga après minuit.

Le groupe entend reprendre une ancienne tradition, celui de l'orchestre de jeunes filles (orquesta de señoritas), à ceci près que dans ces petits orchestres, qui jouaient plutôt de jour, il y avait toujours un garçon, selon les souvenirs de Aníbal Troilo qui y avait trouvé sa première place comme bandonéoniste à l'âge des culottes courtes.

Le rocker prend le Qhapaq Ñan [à l'affiche]

Campaña de comunicación turistica para ver en Canal Encuentro antes de opinar sobre su calidad... A mí me parece un poco raro!

Gustavo Santaolalla à la une des pages culturelles de Página/12 sur fond andin

Ce soir, la télévision publique argentine propose le premier épisode d'un documentaire à visée touristique en quatre partie qui n'est autre qu'un parcours produit par le musicien Gustavo Santaolalla, à la demande du Gouvernement, le long du Qhapaq Ñan, le Chemin royal de l'Inca, qui traverse sept provinces argentines : Mendoza, San Juan, La Rioja, Catamarca, Salta et Jujuy, du sud au nord.

La série est une co-production Canal Encuentro, Ministère du Tourisme, Conseil Fédéral du Tourisme, sous la responsabilité de Santaolalla, qui apparaît à l'écran en vedette médiatique. La réalisation a été confiée à Andrés Nicolás Cuervo. Sans surprise, la musique du film est signée Santaolalla. La diffusion se fera le vendredi à 21h sur Canal Encuentro et une rediffusion de l'épisode est programmée le mardi à 19h30 sur TV Pública. Le format est le moyen métrage typique de Canal Encuentro qui limite chaque documentaire à 25 ou 26 minutes.
Il est probable que d'ici peu, les épisodes seront disponibles en vidéo à la demande sur le site Internet de Canal Encuentro, la chaîne culturelle du groupe public.

Présentation issue de la documentation Canal Encuentro
A gauche la carte du parcours touristique montré dans le film
Au centre, un texte de Gustavo Santaolalla
Cliquez sur l'image pour lire le texte

Gustavo Santaolalla est un artiste bien en cour auprès de l'actuel gouvernement national argentin. Il s'est distingué, au niveau international, avec sa plongée au milieu des vieux tangueros de Café de los Maestros, où il a mis en scène une vision passablement nostalgique du tango, qui ignore complètement la « nouvelle vague » du genre, cette movida actuelle qui tourne autour des quinquagénaires et des formations de trentenaires, parfois même de musiciens plus jeunes encore. Gustavo Santaolalla est d'abord un musicien de rock. Il n'a que très peu de compétences historiques sur le sujet auquel il s'attaque avec cette série documentaire, un sujet difficile d'accès et sur lequel les universitaires eux-mêmes tâtonnent tant la documentation nous manque sur la civilisation de l'Inca. Alors quand il prétend avoir fait ce chemin à la manière des chasquis, il faut prendre cette déclaration avec prudence. Les chasquis étaient en effet ces messagers, à moins qu'ils n'aient été des chamans, dont les fonctions semblent avoir été de relier, grâce à cette grande route religieuse, administrative et commerciale, les populations établies dans le nord, en Colombie, aux Huarpes installés le long du Río Mendoza, dans l'actuelle province argentine homonyme, et assujettis à l'Empereur nordique longtemps avant l'arrivée des Espagnols dans ces terres.

Un vestige du Qhapaq Ñan le long de la route internationale reliant Mendoza à Santiago
J'ai pris la photo le 31 août dernier, dans la Cordillère, sur l'une des routes sanmartiniennes
Dans la vallée de Uspallata empruntée par l'avant-garde, sous les ordres de Gregorio de Las Heras
A l'arrière-fond, le Río Mendoza et la falaise qui court presque tout du long
Pour mesurer l'ampleur du décor, cliquez sur l'image et repérez le pont du vieux chemin de fer?

Il n'est donc pas dit que le documentaire, dont l'annonce est orchestré par la communication gouvernementale, soit aussi passionnant que ce qu'il en est dit. Mais il a le mérite d'exister et le producteur délégué celui d'avancer clairement son objectif : promouvoir le tourisme le long de cette route, récemment inscrite au patrimoine de l'UNESCO où sa candidature avait été porté par les six pays traversés, Argentine, Chili, Pérou, Bolivie, Equateur et Colombie (voir mon article du 22 juin 2014 à ce sujet).

Pour en savoir plus :
Ce matin, Página/12 publie une interview de l'artiste, qui ne me passionne pas personnellement (mais que ça ne vous empêche pas de vous faire votre idée personnelle). Pour ma part, j'attends de voir le "produit fini" pour me prononcer. Et peut-être retournerai-je alors à cette interview.
Hier, l'agence de presse nationale Télam publiait elle aussi une dépêche à ce sujet.
La série documentaire dispose d'une page Facebook et d'une présentation sur le site Internet de Canal Encuentro.

Le Qhapaq Ñan dispose d'un site Internet propre, d'une page Facebook plurinationale ainsi que d'une présentation sur le site Internet de l'office national du Tourisme argentin, Argentina Travel.

mercredi 14 octobre 2015

Semaine du Goût 2015 : Tortitas mendocinas [Coutumes]

Receta en francés (más allá de la foto) – introducción en castellano
Recette en français (après la photo) et introduction en espagnol

En Francia, se celebra ahora la Semana del Sabor. En esta ocasión, pongo en linea esta receta en francés de la tortita mendocina tal cual pudé hacerla yo desde unos meses para compartirlas en las ferias del libro por todo el país. Así que amigos mendocinos, a su Alianza Francesa cada uno en su lugar con el texto en la mano para saber si respecto la auténticidad de este tesoro provincial...
Ojo con el uso de Google Traducción automática ya con con ambos idiomas en el mismo texto corre peligro el software. ¡Se va a poner loco!
Bajo esta palabra-llave Gastronomie en Pour chercher, para buscar, to search, encontrarán otras recetas, las argentinas en francés y las francesas en castellano...

Mes tortitas au salon du livre de Merlieux, cachées derrière les livres

Pour cette Semaine du Goût qui a commencé lundi en France, une manifestation que, faute de temps, j'ai dû négliger l'année dernière ici, dans Barrio de Tango, voici une recette argentine en provenance de Mendoza, une spécialité qu'on ne trouve pas à Buenos Aires où elle est inconnue. Cette Tortita (galette) a l'avantage d'être d'une grande rusticité, donc très facile à faire, et cette simplicité témoigne sans doute de son origine très ancienne (probablement plusieurs siècles, soit peut-être à la fondation de Mendoza, en mars 1561, vingt ans avant la fondation définitive de l'actuelle capitale fédérale).

Ces galettes de pain, légèrement brioché ou non levé selon les goûts, sont l'en-cas préféré des Mendocins dans toute la province. On les trouve à peu près partout, dans les boulangeries, sur les tables des petits-déjeuners des hôtels comme des maisons d'hôtes, dans les réceptions (1), chez les particuliers qui les préparent pour eux-mêmes ou pour les vendre aux automobilistes ou aux ouvriers agricoles le long des routes qui traversent les vignobles et les vergers de la région.

Les tortitas sont plus ou moins luxueuses et plus ou moins saines selon la matière grasse employée. En général, ce sont des spécialités très caloriques : 400 kcal aux 100 gr. La faculté recommande donc une certaine modération dans la consommation de ces petites merveilles campagnardes.

Combien de temps en cuisine ?
Entre 1h30 et une journée, selon que vous choisissez la recette à base de pâte levée ou de pâte non levée.

Quels ingrédients ?
De la farine, de la matière grasse, de la levure de boulanger et du sel (très peu).

Le temps de cuison ?
Environ 20 mn par fournée, à 220°.

Quelle farine choisir ?
Eu égard au petit nombre d'ingrédients, je préfère les choisir tous très savoureux, à commencer par la farine, que je prends biologique avec, dans toute la mesure du possiblen un broyage à la meule de pierre. Certes, c'est nettement plus cher que la farine lambda de la grande distribution mais ce prix est largement compensé par la modestie de ces ingrédients. Et puis ces farines de moulins anciens ont vraiment de la typicité, car les meuniers, exigeants sur le grain, évitent les blés des gros semenciers qui travaillent pour l'industrie agro-alimentaire, ces blés trop chargés en gluten et au goût hyper-standardisé. Avec des mélanges de blés anciens, ils produisent des farines qui se distinguent au palais.
Mon dernier essai, pour la fête du Livre de Merlieux à la fin septembre :
mélanger à parts égales de la farine de blé type 65 et de la farine de petit épeautre type 70. Le résultat a été excellent.

Quelle matière grasse ?
Les livres de cuisine parlent presque tous de graisse animale, saindoux (porc) ou suif alimentaire (bœuf), moins chers en Argentine que le beurre. Dans les articles de diététique, on constate toutefois que les fabricants aujourd'hui travaillent en fait avec de la margarine (ce qui, en Argentine, veut dire à peu près tout et n'importe quoi, en particulier des huiles végétales ultra-raffinées et hydrogénées) ou des huiles végétales (pépin de raisin, tournesol ou olive). Pour ma part, lorsque je me mets aux fourneaux en France, je trouve plus commode d'employer du beurre et là encore je prends un beurre artisanal ou AOP demi-sel (plus goûteux que les produits des grands groupes agro-alimentaires). Cette année, dans la ville même de Mendoza, j'ai pu constater qu'on utilisait parfois le beurre pour des tortitas de luxe (2).

Confection de la pâte :
On peut donc faire une pâte non levée en prenant une mesure pleine de farine et 1/3 de mesure de matière grasse à température ambiante (3), à quoi on ajoute un peu de sel (une cuillère à café pleine pour 1 kg de farine). Il suffit alors de mélanger les ingrédients à la main en s'aidant d'un peu d'eau tiède. La quantité d'eau dépend de la capacité d'absorption de la farine. On obtient alors une pâte souple comme une pâte à pain. On la laisse reposer une heure avant de la mettre en forme et de l'enfourner.

On peut aussi confectionner une pâte levée.
Pour ma part, plutôt que d'utiliser la levure directement, je préfère utiliser un poolish, en délayant la levure de boulangerie dans de l'eau tiède à quoi j'ajoute une bonne cuillerée à soupe de farine avant de laisser pousser entre 20 minutes et une heure (en fonction de mon travail du jour). Il faut alors tenir compte du poolish pour la quantité d'eau globale. Les proportions sont les mêmes : 1 mesure de farine, ¾ de gras et la quantité de levure indiquée pour la quantité de farine choisie (en général, on prend un cube de levure fraîche pour 500 gr de farine et un cube correspond à un sachet de levure lyophilisée, qui varie de 7 à 8 gr selon les marques). Comme pour toutes les pâtes levées, il faut la pétrir au moins 10 minutes d'affilé avant de la laisser reposer une heure dans un endroit chaud (20-25°), puis rabattre la pâte, pétrir à nouveau et répéter l'opération plusieurs fois.
Plus la pâte aura levé et aura été travaillée, plus les tortitas seront légères et gonflées.

Mise en forme :
Prenez en main une boule de pâte de la taille d'une petite clémentine pour des toritas de taille traditionnelle (35 gr/pièce une fois cuite). Roulez-la sur le plan de travail pour une forme bien régulière avant l'écraser sous votre paume en un disque à la surface irrégulière (4) qu'il vous suffit maintenant de poser sur la plaque à pâtisserie (inutile de la graisser au préalable mais vous pouvez y disposer une feuille de papier cuisson, elle allégera le nettoyage à la fin de la cuisson).
Avant d'enfourner, piquer chaque disque de pâte avec une fourchette. C'est particulièrement important pour la pâte levée : cette technique évite à la croûte de se craqueler et de gonfler de manière anarchique, le résultat final n'en sera donc que plus joli.

Cuisson :
Enfournez dans un four préchauffé à 220°. Surveillez la cuisson de la première fournée dont le temps réel dépend de la qualité des ingrédients et des performances de votre four.

Dégustation :
Les tortitas se dégustent encore tièdes juste après leur sortie du four ou froides. En dehors du petit-déjeuner, elles accompagnent naturellement le mate mais aussi les autres infusions ou le café ainsi que les boissons rafraîchissantes de la saison chaude (5). On peut les manger nature ou avec de la confiture, du dulce de leche, du miel... Pourquoi pas les essayer avec du sirop de Liège en Belgique ? Ou en version salée avec certains fromages : brousse, chèvre frais, voire comté ou abondance ? Ou fromage de brebis basque avec sa confiture de cerises noires, ce qui est proche d'un dessert très répandue en Argentine, une tranche de fromage recouverte de pâte de coing (régal assuré).

Dans le sud de la Province de Mendoza, du côté de Tunuyán, j'ai goûté d'excellentes tortitas rustiquement cuites dans un vieux four à bois maçonné, dont elles sortent non pas dorées comme dans un four moderne mais cloquées et colorées de façon irrégulière comme on le voit à la surface de certains pains arabes, dont elles sont sans doute la version andine, par Andalousie interposée.

Une autre variante enfin consiste à frire les disques de pâte dans une sauteuse garnie d'une épaisse couche d'huile d'olive dans laquelle on les retourne à mi-cuisson ou à les plonger entièrement dans une friteuse remplie d'huile. Elles en sortent toutes tordues mais dorées et croustillantes. A consommer avec encore plus de modération que la variante au four, moins grasse.

Pour une recette en espagnol, voyez donc ce blog de cuisine argentin, Dos Cucharadas (deux cuillerées).

La tortita coupée en deux
Photo Mendoza on line (cliquez ici pour accéder à l'article)



(1) C'est ainsi que je les ai découvertes l'année dernière, au Centro Julio Le Parc, à Guaymallén, lors des pauses et cocktails du Congrès international d'histoire auquel m'avait invitée el Instituto Nacional Sanmartiniano.
(2) Il y a quelques années, dans cette même rubrique Gastronomie, je vous avais parlé de la cremona en vous disant qu'il valait mieux ne pas utiliser de beurre. Mais en août 2013, j'ai trouvé dans la rue Chile, entre Perú et Bolívar, à Buenos Aires, une boulangerie-pâtisserie de quartier qui propose de délicieuses petites cremonas au beurre. Dont acte.
(3) Certaines sources prévoient de faire fondre la graisse. Sans doute pour travailler la pâte à la cuillère ou au robot pétrisseur et ne pas y mettre les mains. Traditionnellement, c'est comme le pain, la pizza ou la brioche : ça se travaille a la mano ! Et pas d'inquiétude : avec cette proportion de gras, la pâte ne colle pas vraiment aux mains.
(4) La recette artisanale interdit l'emploi du rouleau à pâtisserie et de l'emporte-pièce mais je ne sais pas si les pâtissiers de fort débit continuent à tout faire à la main de la sorte. Dans certaines chaînes de pizza, on voit maintenant le pizzaiolo remplacer par une machine à étaler des boules de pâte à pain. Une véritable hérésie pour un Italien digne de ce nom. Idem pour la tortita mendocina !
(5) Les Argentins sont des consommateurs excessifs de soda et d'eaux aromatisées avec un choix très étroit : citron, orange, pamplemousse, citron vert et poire (le goût est super-chimique et tous ces produits si sucrés que certains en sont écœurants). Une bonne nouvelle : cette courbe de consommation qui constitue une véritable menace de santé publique a commencé à baisser très légèrement l'année dernière, malgré l'absence de campagne de sensibilisation de la part des pouvoirs publics, tandis qu'elle continue de monter dans le reste du sous-continent, envahi par une poignée de marques locales derrière lesquelles se cachent les géants mondiaux Coca Cola, Pepsi, Nestlé et Danone.