Dans
le cadre de sa défense (détail important), l'ex-informaticien du
procureur Alberto Nisman, retrouvé mort chez lui le 18 janvier
dernier, vient de faire des révélations fracassantes sur les mœurs
patronales de son employeur. L'homme se trouve aujourd'hui inculpé
pour avoir remis son arme au juge, à la demande de celui-ci. Or
cette arme a servi au crime, commis par quelqu'un qui n'avait donc
pas l'autorisation de s'en servir (seul le propriétaire en dispose), et ce qu'il s'agisse d'un suicide ou d'un meurtre. Pour la justice portègne
qui a en charge le dossier, il s'agit de savoir si le propriétaire
de l'arme a été complice de la mort du magistrat ou s'il a commis
un acte assimilable à ce qu'est dans nos droits européens la non-assistance à personne en danger (il n'est en aucun cas accusé
d'avoir tué ni même d'avoir incité le juge à se suicider).
Depuis
le début de cette affaire, on se demandait ce que pouvait faire dans l'entourage professionnel d'un magistrat cet informaticien aux fonctions très floues. L'incertitude et la perplexité avaient engendré des rumeurs et des ragots, on entendait parler de relation homosexuelle, hypothèse qui se renforça lorsque l'ex-femme du procureur fit interrompre les expertises sur les disques durs saisis chez son ex-mari...
Par ailleurs, très vite aussi, on a découvert que Alberto Nisman n'était pas le plus sympathique des hommes. En témoigne l'indifférence ou la peur de ses gardes du corps qui sont restés les bras ballants pendant onze heures d'affilée le dimanche 18 janvier avant de s'inquiéter, alors qu'il n'était jamais descendu de chez lui comme convenu vers 9h du matin. Les gardes du corps ont expliqué aux enquêteurs que Nisman montait facilement sur ses grands chevaux lorsqu'ils montraient le bout du nez sans une invitation expresse de sa part, qu'il était autoritaire et rogue. On commençait aussi à savoir qu'il fréquentait beaucoup les mannequins, les dancings et sans doute les lieux de drague chics. Deux de ces compagnes d'un jour ont déjà été entendues par les juges auxquels elles ont dit ne l'avoir rencontré que ponctuellement et en tout bien tout honneur.
Par ailleurs, très vite aussi, on a découvert que Alberto Nisman n'était pas le plus sympathique des hommes. En témoigne l'indifférence ou la peur de ses gardes du corps qui sont restés les bras ballants pendant onze heures d'affilée le dimanche 18 janvier avant de s'inquiéter, alors qu'il n'était jamais descendu de chez lui comme convenu vers 9h du matin. Les gardes du corps ont expliqué aux enquêteurs que Nisman montait facilement sur ses grands chevaux lorsqu'ils montraient le bout du nez sans une invitation expresse de sa part, qu'il était autoritaire et rogue. On commençait aussi à savoir qu'il fréquentait beaucoup les mannequins, les dancings et sans doute les lieux de drague chics. Deux de ces compagnes d'un jour ont déjà été entendues par les juges auxquels elles ont dit ne l'avoir rencontré que ponctuellement et en tout bien tout honneur.
Or c'est une spectaculaire vie de pacha, incompatible avec ses revenus déclarés et
son traitement de magistrat fédéral, que différents éléments de
l'enquête commencent à révéler, reléguant dans l'ombre les
soupçons de meurtre émis contre la Présidente et le Gouvernement
aussitôt le corps découvert.
D'une
part, sept photos extraites de la mémoire du téléphone portable du
magistrat défunt ont filtré dans la presse et Perfil (1) les a
publiées. Elles révèlent un mode de vie très sea, sex and sun,
rempli de belles filles fort peu vêtues et pas farouches, parfois
même un peu trop proches de proxénètes patentés, sur des plages
caribéennes ou mexicaines façon hamac-et-cocotiers (connues pour accueillir toute l'année la jet-set internationale), très loin de l'image
poupine, sobre et digne d'un magistrat auquel, de son vivant, tout le
monde donnait le Bon Dieu sans confession. Il apparaît qu'il ne
reculait pas devant les dépenses somptuaires que ce soit pour ses
destinations de voyage (fréquents, seul ou en galante compagnie),
ses achats fonciers (qu'il opérait à travers un prête-nom choisi
parmi ses employés), les hôtels de luxe dans lesquels il
descendait, dînait ou allait se divertir, etc.
D'autre
part, il y a les déclarations faites hier, en conférence de presse,
par l'avocat de Diego Lagomarsino, l'ex-informaticien mis en cause, que
l'ex-épouse de Nisman, Sandra Arroyo Salgado, s'efforce depuis le début de convaincre de
l'assassinat de son ex-mari. Et ces déclarations viennent confirmer
d'autres déclarations faites par Arroyo Salgado, qui pensait
s'en servir contre l'informaticien : Alberto Nisman avait un compte joint secret à l'étranger, avec sa sœur et sa mère, un compte ouvert sous un prête-nom et dans lequel il
pouvait puiser à sa guise puisqu'il avait une procuration alors que
les deux femmes n'y avaient jamais accès. Or cet homme de paille,
c'était Lagomarsino et ce que sa défense vient de révéler
(preuves à l'appui), c'est que dès qu'il percevait son salaire (41
000 $ ARG en valeur actuelle reconstituée), il en reversait la moitié (en
liquide, semble-t-il), chaque mois depuis sept ans, y compris pendant ses vacances, sur ce compte
secret ouvert à New York. Le relevé de ce compte était envoyé rue Roosevelt, à Buenos Aires, au domicile de la mère du procureur,
celle-là même que les gardes du corps avaient appelée, le 18
janvier sur le coup de 20h, pour qu'elle vienne leur ouvrir la porte
de l'appartement dans lequel le juge semblait s'être retranché et
d'où il ne donnait aucun signe de vie depuis le matin, 9h...
Sandra Arroyo Salgado,
elle-même juge fédérale dans la banlieue nord et
ultra-résidentielle de Buenos Aires (San Isidro), dit avoir appris
il y a quelques jours l'existence de ce compte, de la bouche même de
ses ex-belle sœur et belle-mère, qui, aussitôt convoquées par la
justice pour répondre de ces faits nouveaux et probablement délictueux,
se sont faites porter pâles plutôt que de comparaître (malaise
cardiaque pour l'une et crise de panique pour l'autre). Or c'est
l'ex-épouse qui, la première, a révélé l'existence de ce compte non déclaré, pensant y impliquer l'ex-informaticien dont elle croyait qu'il possédait le login et le mot de passe que les deux autres
co-titulaires ne connaissaient pas. C'est parce que depuis la mort
de leur frère et fils, elles ne pouvaient plus accéder au compte qu'elles s'en seraient ouvertes à Arroyo Salgado, qui s'est
empressée d'aller dénoncer les faits à la justice !
Vous
avez réussi à tout suivre ? Plutôt compliqué, comme
histoire, et, il faut bien le reconnaître, presque aussi
abracadabrant qu'un feuilleton que les scénaristes tirent dans tous
les sens pour le faire durer jusqu'à la fin de l'été...
Les sept ans de vaches grasses Une allusion au racket sur le salaire de Lagomarsino |
Ces
rebondissements mettent donc à mal le "Cristina bashing" développé
par l'opposition et les journaux de droite depuis le 19 janvier et
ils rendent ce terrain tellement glissant que les rédactions
semblent ne plus bien savoir par quel bout prendre l'affaire. Il
devient clair qu'on ne peut plus ériger le juge décédé en
chevalier blanc d'une noble cause (la défense des victimes d'un
lâche attentat antisémite sur le sol argentin) mort en martyr du
fait d'un lâche attentat perpétré par de vilains barbouzes à la
solde d'un méchant gouvernement corrompu. La corruption n'est
peut-être pas dans le camp que l'on dénonçait...
D'autant
que Lagomarsino avait été embauché par Nisman sur le budget qui
lui était alloué par la République pour mener son enquête sur
l'attentat contre l'AMIA (18 juillet 1994, 85 morts et 300 blessés),
que l'argent du compte new-yorkais serait donc le produit d'un
détournement de fonds publics et aurait pu servir à acheter un
terrain (qui ferait maintenant partie du patrimoine privé du
procureur) et à lui permettre de mener la vie de pacha que l'on
découvre depuis deux jours. Aucun adversaire politique de Cristina
Kirchner n'a jamais réussi à formuler contre elle la moitié du
début du commencement d'une accusation qui approcherait une
corruption aussi ignoble et pourtant Dieu sait si on lui a prêté
des tares et des vices depuis l'arrivée au pouvoir de son mari,
Néstor Kirchner, en 2003...
Par
conséquent, tout le monde s'en mêle :
la
juge d'instruction (2) porte plainte contre la Police Fédérale dont
elle soupçonne les services scientifiques d'avoir livré à la
presse les sept photos bunga bunga et confie à la Police
Métropolitaine (qui dépend de la Ville Autonome de Buenos Aires)
l'analyse des appareils saisis chez le procureur décédé
le
Premier ministre (Jefe de Gabinete), Aníbal Fernández, et plusieurs
ministres prennent la défense de la Police Fédérale (c'est tout à
leur honneur puisqu'elle dépend du Gouvernement fédéral)
la
Conférence épiscopale argentine (CEA), en marge d'une déclaration
sur la campagne électorale, demande que la lumière soit faite sur
l'attentat contre l'AMIA et la mort du procureur
et
l'Ambassade d'Israël, mise en place par le gouvernement Netanyahou et toute fraîche
requinquée par la victoire inattendue du Likoud, déclare qu'elle
souhaite que le prochain gouvernement argentin ne négocie pas avec
l'Iran (et de quoi je me mêle !).
Dans
une conférence de presse improvisée sur Plaza de Mayo, tôt ce
matin, le Premier ministre argentin a mis différents points au clair
devant une horde de journalistes très excités :
1°)
Le gouvernement n'a rien à faire de savoir avec qui couchait Nisman
mais veut découvrir si l'argent avec lequel il menait si grand train
est bien de l'argent public comme le suggère la défense de
Lagomarsino et comment un juge fédéral a pu pendant sept ans
racketter l'un des ses salariés, embauché à la condition expresse
d'accepter le dit racket.
2°)
L'attentat contre l'AMIA ne concerne pas la communauté juive. Elle
concerne l'Argentine. L'enquête sur cet attentat n'est pas une
affaire juive, c'est une affaire nationale, qui touche à la sécurité
intérieure. Or depuis le 18 janvier, la mort de Nisman a été
hyper-communautarisée par un certain nombre d'institutions juives
argentines, toutes de droite tendance Bibi N., qui politisent le
débat d'une manière partisane, contre le Gouvernement, en pleine
campagne électorale et alors que celui-ci, depuis 2003 et jusqu'à
ce jour, s'est toujours montré très actif pour aider la vérité à
sortir du puits (comme il l'a fait aussi pour les crimes de la
dictature, contre lesquels ces mêmes institutions juives n'ont
jamais pris position, comme si elles n'étaient pas civiquement
concernées).
Dans Página/12 ce matin, le caricaturiste Miguel Rep a saisi la situation dans une vignette qui n'a presque pas besoin de commentaire et qui fait référence à la grande manifestation du 18 février dernier, où la droite, plusieurs associations juives et une partie du monde judiciaire avaient défilé en silence en brandissant des pancartes Yo soy Nisman ou Todos somos Nisman, à la mode des manifestations françaises du 11 janvier.
Pour
aller plus loin :
lire
l'article de Página/12 sur les déclarations du camp Lagomarsino
lire
l'article de Página/12 sur la plainte contre la Police Fédérale
Argentine (PFA)
lire
l'article de Clarín sur les déclarations du camp Lagomarsino
lire
l'article de Clarín sur la plainte contre la PFA
lire
l'article de Clarín sur la déclaration des évêques argentins.
Clarín qui en rajoute une couche en publiant aussi une analyse très venimeuse de la position du Pape sur toute cette affaire
lire
l'article de La Nación sur les déclarations du camp Lagomarsino,
que la rédaction prend avec des pincettes en avançant la question :
pourquoi l'informaticien a-t-il accepté ce deal en signant son
contrat il y a sept ans ? Bonne question à laquelle la défense
a refusé de répondre (c'est d'ailleurs son droit)
lire
l'article de La Nación sur la plainte contre la PFA. Le quotidien y a
incrusté en vidéo les vingt minutes de conférence
de presse du Premier ministre publiées sur le canal Youtube de la Casa
Rosada. A écouter avec attention.
lire l'article de La Nación sur la déclaration de la Conférence épiscopale
lire
l'éditorial de La Nación sur le rapport entre le Pape et les
politiques argentins, plus digne et moins opportuniste que l'article
de Clarín tout en étant tout autant hostile au Gouvernement en
place.
Quant
à La Prensa, sur tous ces sujets, elle se contente de simples
entrefilets très brefs :
sur
les malaises respectifs des parentes du procureur décédé avant leur
audition par le juge à propos du compte new-yorkais non déclaré
aux autorités argentines.
Pour
entendre tous les points de vue, lire aussi le communiqué de
l'agence de presse catholique AICA sur le document publié par la
Conférence épiscopale (il porte uniquement sur la tenue des
élections et sur les enjeux de la démocratie, en matière
politique, administrative et socio-économique).
Vu l'évolution de la situation, je crée un mot-clé Affaire Nisman dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, pour permettre à mes lecteurs de regrouper les articles concernant ce dossier.
Ajout du 23 mars 2015 :
Lire le résumé en français de la déclaration des évêques sur le site News Va (Vatican)
Ajout du 23 mars 2015 :
Lire le résumé en français de la déclaration des évêques sur le site News Va (Vatican)
(1)
Perfil appartient à un puissant groupe de presse latino-américain,
présent en Argentine, en Uruguay, au Brésil, au Chili et au Pérou
ainsi qu'en Russie, au Portugal et en Angola, propriétaire de
nombreux magazines de mode et d'économie, le tout assez bling-bling
et souvent superficiel tout du moins pour les titres diffusés en
Argentine. Perfil n'est en aucun cas susceptible de rouler pour le
Gouvernement actuellement aux affaires.
(2)
Selon le droit pénal argentin, dans une procédure contre X, le
procureur garde la haute main sur l'enquête et le juge d'instruction
travaille sous son autorité. Une fois le ou les possibles coupables
identifiés, le juge d'instruction prend la main de manière
indépendante. Cela a été le cas avec l'accusation contre la
Présidente dans l'affaire des négociations avec l'Iran pour
laquelle le juge Daniel Rafecas a prononcé un non lieu qui vient
d'être infirmé en appel par le procureur (l'instruction pénale risque donc reprendre, à moins que la Chambre ne contredise le procureur et confirme l'ordonnance de non lieu - voir à ce sujet l'article publié par La Nación en fin de matinée).
En ce qui concerne la mort suspecte de Nisman, l'enquête se poursuit
contre X. En sa qualité de partie civile, son ex-femme a requis la
juge d'instruction de se saisir de l'affaire et de récuser la
procureure Viviana Fein. Il y a quelques jours, la juge d'instruction
a rejeté cette demande, respectant en cela la procédure. C'est donc
une juge qui vient de résister à la pression d'une consœur
fédérale super-politisée et partie civile qui se retourne contre
la Police Fédérale ! Quelle salade !