Il
y a deux ans, lors d'une émission de télévision animée par Jorge
Lanata, l'une des vedettes les plus vulgaires du groupe Clarín, qui cherche toujours le
sensationnel et le scandaleux, voire le crapuleux, une femme s'est
présentée comme secrétaire du président Néstor Kirchner, déjà
mort depuis des années. A ce titre, elle a déclaré à l'antenne
qu'elle avait connaissance de plusieurs livraisons de sacs de billets
de la Casa Rosada, siège du gouvernement fédéral, jusque chez le
Gouverneur de la Province de Santa Cruz, dont était originaire
Néstor Kirchner et où il repose depuis son décès en octobre 2010.
De l'argent fédéral aurait donc permis à ce gouverneur de
s'enrichir personnellement ou aurait fait de cet élu un homme de
paille pour les époux Kirchner.
La
machine judiciaire s'était donc mise en branle contre le Gouverneur
et son épouse et plusieurs autres personnes mises en cause par la
dame en question.
Or
il se trouve que cette personne, Miriam Quiroga, n'a jamais été la
secrétaire de Kirchner, que son bureau n'était pas situé en face
du sien comme elle le prétendait (elle aurait tout vu grâce à
cette localisation dans la Casa Rosada), qu'enfin les sacs de billets
n'ont jamais existé que dans son imagination... et le plan marketing
d'un livre de fausses confidences sur les droits d'auteur duquel elle
comptait pour vivre : Mis años con Kirchner – lo que ví (le
titre à lui seul, "mes années avec Kirchner, ce que j'ai vu" laisse supposer qu'elle était la maîtresse du
président, lequel était, de notoriété commune, un époux très
épris de sa femme et réciproquement, ce qui insupporte
particulièrement l'opposition qui préférerait une relation bien
scabreuse et ignoble, mais non !)
Le
juge en charge de l'instruction vient de signer un non-lieu général
en insistant bien pour faire savoir qu'il ne levait pas la main de la
justice de dessus les inculpés au bénéfice du doute ou pour
insuffisance de preuves mais parce que les faits qui avaient
déclenché l'enquête n'existaient pas et n'avaient jamais existé.
Cette
employée de bureau subalterne, attachée à la correspondance
publique du Président (elle triait et traitait les lettres envoyées
par les citoyens à l'occasion des manifestations auxquelles
participait le chef de l'Etat), n'a jamais vu qu'un seul sac passer
du bureau présidentiel à un autre situé près du sien et encore ce sac ne
contenait-il que du courrier, comme elle a fini par le reconnaître
devant le magistrat instructeur, qui avait toutefois poussé la
conscience professionnelle jusqu'à effectuer une perquisition à la
Casa Rosada (avec le bruit que vous imaginez dans la presse
d'opposition), ordonner une reconstitution des faits qui a montré
l'incompatibilité entre la topographie réelle du bâtiment et les
faits inventés par la dénonciatrice, vérifier le patrimoine des
époux santacrucègnes, etc. sans jamais rien trouver qui soit
répréhensible. Pour le moment, on n'entend pas parler de poursuite
ni contre Quiroga ni contre Lanata pour dénonciation de faits
inexistants ou dénonciation calomnieuse comme ce serait le cas dans
de nombreux pays européens.
Tout
s'est donc passé comme avec l'invraisemblable réquisitoire du
procureur Nisman contre Cristina, qui a volé en éclat
lui aussi par trois fois, devant trois juridictions différentes (voir mes articles du 27 février, du 24 mars et du 21 avril derniers).
En
revanche, Mauricio Macri, qui se présente comme candidat néolibéral
à la Présidence de la Nation après huit ans à la tête de la
Ville Autonome de Buenos Aires, a vu maintenir son inculpation pour
les écoutes illégales qu'il a ordonnées et dont il s'est
servi au détriment de deux victimes de l'attentat contre l'AMIA,
deux hommes qui penchent à gauche et ont monté une association de
victimes distincte de l'AMIA du fait d'un désaccord profond
avec l'instrumentalisation politique de la cause dont l'AMIA joue en
permanence depuis vingt ans. Mauricio Macri est poursuivi par la
justice portègne depuis 2010 dans cette affaire et on ne compte plus les démarches de
ses avocats pour délayer la procédure et l'aider à se dérober aux enquêteurs
par tous les motifs possibles et imaginables.
Pour
aller plus loin :
sur
le non-lieu pour les transferts financiers imaginaires,
vous ne pourrez lire qu'un article de Página/12. Les autres
quotidiens, qui ont fait beaucoup de bruit autour des fausses
révélations de cette émission stupide, restent muets ce matin. Ben
voyons !
En
revanche, et c'est assez étonnant, on trouve quelque chose sur le
site Internet de Ambito Financiero, un journal fort peu suspect de pencher à gauche et d'ailleurs les réactions survoltées de ses
lecteurs indiquent leur surprise.
Sur
le maintien de l'inculpation de Macri, on peut lire un article détaillé dans Página/12 et quelque chose de plus rapide dans Clarín, mais rien dans La Nación ni La Prensa.
(1) Une allusion à la reprise des procès contre les bourreaux de la dictature de 1976-1983, alors protégés par les lois d'amnistie que Kirchner a fait révoquer en 2005.