mercredi 22 juillet 2015

Le soudain virage à gauche de Macri fait couler beaucoup d'encre [Actu]

Dès les résultats de l'élection à Buenos Aires acquis, dimanche soir, Mauricio Macri a modifié son discours, en applaudissant soudain différentes mesures sociales prises par le Gouvernement national, qu'il n'a pas cessé de critiquer vertement depuis huit ans. Lui-même affirme qu'il n'a pas changé de position. Mais le fait est que les résultats de son dauphin, Horacio Rodríguez Larreta, et de son challenger, Martín Lousteau, qui a bien failli passer en tête, montrent un revirement net de l'électorat portègne et une gauche devenue capable de faire enfin taire ses divisions et de se rassembler lorsque l'exécutif est en jeu.

Le sujet est abordé dans l'article qui surmonte la photo footeuse

C'est là une surprise car jusqu'à présent, ce vote utile n'existait pas (ou si peu) à Buenos Aires et même un peu plus largement en Argentine. Or Buenos Aires et la Province homonyme rassemblent un quart de la population du pays et la Province est nettement à gauche (elle reste fidèle à Daniel Scioli, le gouverneur kirchneriste pré-candidat à la présidence de la Nation). Quant aux autres Provinces, elles sont dans leur majorité à gauche elles aussi et kirchneriste pour la plupart d'entre elles. Son élection à la Présidence s'annonce donc compromise quand les sondages continuent à montrer Daniel Scioli en tête de tous les candidats.

Macri, assis, dicte son prochain discours.
"Aerolineas doit être géré par l'Etat... Les retraites et YPF, gérés par l'Etat aussi...
Ah oui ! L'Etat devrait être géré par le privé."
(traduction Denise Anne Clavilier)

Outre ce dessin de une, signé Daniel Paz pour l'image et Rudy pour le texte, Página/12 consacre trois articles à l'analyse de ce changement de discours, aussi inattendu que le vote uni de gauche dans la capitale fédérale. Il est possible que cette nouvelle stratégie fasse un peu peur aux kirchneristes qui connaissent les capacités de séduction du toujours fringant chef du Gouvernement de la Ville de Buenos Aires (je l'ai vu personnellement et il a une vraie présence, un charisme indéniable).

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 sur le débat politique déclenché par le repositionnement de Mauricio Macri
lire l'analyse que fait le journaliste de Página/12, Washington Uranga, de ce discours inusité dans la bouche du leader néolibéral argentin
lire l'analyse, toujours dans Página/12, d'une philosophe, Verónica Torras, doctorante en Droits de l'Homme à l'Université de Lanús (située dans la banlieue sud, en plein fief de Scioli)

Pour un point de vue qui prend de la hauteur, écouter l'interview de José Octavio Bordón, ex-Gouverneur de Mendoza et Ambassadeur honoraire d'Argentine aux Etats-Unis (sous Néstor Kirchner), dans La Nación (en vidéo intégrée). Il y fait le tour des questions politiques et géostratégiques qui font la campagne électorale en cours.
Bordón est un sociologue formé à l'université jésuite de Buenos Aires, il dirige aujourd'hui l'un des instituts de recherche et d'enseignement de la Universidad Nacional de Cuyo, à Mendoza. De 1987 à 1991, il a été Gouverneur de cette Province (1), le second après le retour à la démocratie.
De sensibilité socialiste au sein de la Coalición Cívica fondée par Elisa Carrió en 2007 et qui a cessé d'exister en 2011 (2), c'est un opposant à l'actuelle présidente mais il tient un discours mesuré et équilibré, avec des arguments en faveur d'une autre politique et non pas des insultes ou des accusations stériles, et qui sait reconnaître, c'est rare !, la valeur personnelle de ses adversaires et les réussites qu'ils ont obtenues (3). Bref, c'est un démocrate, un vrai. Et puis, un atout qui le fera aimer de mes lecteurs : il apprécie notoirement la musique de tango, un genre qui s'est bien implanté à Mendoza, à côté de la tonada locale..
En 2008, il avait accordé une interview à Página/12.
En 2013, il en a accordé une autre, audio, à Unidiversidad (la radio de l'Université de Cuyo).


(1) Il a été élu sous les couleurs du Partido Justicialista, celui-là même dont sont issus Néstor Kirchner et son épouse, Cristina.
(2) Voir mes différents articles à ce sujet en cherchant les noms dans le moteur de recherche interne située en haut à droite (en tout cas, dans la configuration Windows).
(3) En général, ces trois interviews journalières, enregistrées dans le mini-studio de télévision installée dans la rédaction de La Nación sont très intéressantes. Je n'ai pas le temps de les écouter toutes mais elles rappellent le grand journal qu'est traditionnellement La Nación, même quand les questions de l'intervieweur sont, comme c'est le cas ici, assez tendancieuses. En fait, c'est l'invité qui remet les pendules à l'heure, dans cette interview-ci.