Dès
les résultats de l'élection à Buenos Aires acquis, dimanche soir,
Mauricio Macri a modifié son discours, en applaudissant soudain
différentes mesures sociales prises par le Gouvernement national,
qu'il n'a pas cessé de critiquer vertement depuis huit ans. Lui-même
affirme qu'il n'a pas changé de position. Mais le fait est que les
résultats de son dauphin, Horacio Rodríguez Larreta, et de son challenger, Martín Lousteau, qui a bien failli
passer en tête, montrent un revirement net de l'électorat portègne
et une gauche devenue capable de faire enfin taire ses divisions et
de se rassembler lorsque l'exécutif est en jeu.
Le sujet est abordé dans l'article qui surmonte la photo footeuse |
C'est
là une surprise car jusqu'à présent, ce vote utile n'existait pas
(ou si peu) à Buenos Aires et même un peu plus largement en
Argentine. Or Buenos Aires et la Province homonyme rassemblent un
quart de la population du pays et la Province est nettement à gauche
(elle reste fidèle à Daniel Scioli, le gouverneur kirchneriste
pré-candidat à la présidence de la Nation). Quant aux autres
Provinces, elles sont dans leur majorité à gauche elles aussi et
kirchneriste pour la plupart d'entre elles. Son élection à la
Présidence s'annonce donc compromise quand les sondages continuent à
montrer Daniel Scioli en tête de tous les candidats.
Outre ce dessin de une, signé Daniel Paz pour l'image et Rudy pour le texte, Página/12
consacre trois articles à l'analyse de ce changement de discours,
aussi inattendu que le vote uni de gauche dans la capitale fédérale.
Il est possible que cette nouvelle stratégie fasse un peu peur aux
kirchneristes qui connaissent les capacités de séduction du
toujours fringant chef du Gouvernement de la Ville de Buenos Aires (je l'ai vu personnellement et il a une vraie présence, un charisme indéniable).
Pour
aller plus loin :
lire
l'article de Página/12 sur le débat politique déclenché par le repositionnement de Mauricio Macri
lire
l'analyse que fait le journaliste de Página/12, Washington Uranga,
de ce discours inusité dans la bouche du leader néolibéral
argentin
lire
l'analyse, toujours dans Página/12, d'une philosophe, Verónica Torras, doctorante en Droits de
l'Homme à l'Université de Lanús (située dans la banlieue sud, en
plein fief de Scioli)
lire
l'article sur les dénégations de Macri dans La Nación.
Pour
un point de vue qui prend de la hauteur, écouter l'interview de José Octavio Bordón, ex-Gouverneur de Mendoza et Ambassadeur honoraire
d'Argentine aux Etats-Unis (sous Néstor Kirchner), dans La Nación
(en vidéo intégrée). Il y fait le tour des questions politiques et
géostratégiques qui font la campagne électorale en cours.
Bordón
est un sociologue formé à l'université jésuite de Buenos Aires,
il dirige aujourd'hui l'un des instituts de recherche et
d'enseignement de la Universidad Nacional de Cuyo, à Mendoza. De
1987 à 1991, il a été Gouverneur de cette Province (1), le second
après le retour à la démocratie.
De
sensibilité socialiste au sein de la Coalición Cívica fondée par
Elisa Carrió en 2007 et qui a cessé d'exister en 2011 (2), c'est un
opposant à l'actuelle présidente mais il tient un discours mesuré
et équilibré, avec des arguments en faveur d'une autre politique et
non pas des insultes ou des accusations stériles, et qui sait
reconnaître, c'est rare !, la valeur personnelle de ses
adversaires et les réussites qu'ils ont obtenues (3). Bref, c'est un
démocrate, un vrai. Et puis, un atout qui le fera aimer de mes
lecteurs : il apprécie notoirement la musique de tango, un
genre qui s'est bien implanté à Mendoza, à côté de la tonada
locale..
En
2008, il avait accordé une interview à Página/12.
En
2013, il en a accordé une autre, audio, à Unidiversidad (la radio
de l'Université de Cuyo).
(1)
Il a été élu sous les couleurs du Partido Justicialista, celui-là
même dont sont issus Néstor Kirchner et son épouse, Cristina.
(2)
Voir mes différents articles à ce sujet en cherchant les noms dans
le moteur de recherche interne située en haut à droite (en tout
cas, dans la configuration Windows).
(3)
En général, ces trois interviews journalières, enregistrées dans
le mini-studio de télévision installée dans la rédaction de La
Nación sont très intéressantes. Je n'ai pas le temps de les
écouter toutes mais elles rappellent le grand journal qu'est
traditionnellement La Nación, même quand les questions de
l'intervieweur sont, comme c'est le cas ici, assez tendancieuses. En
fait, c'est l'invité qui remet les pendules à l'heure, dans cette
interview-ci.