mercredi 22 juillet 2020

Página/12 sort le grand jeu contre l’épidémie et les autres journaux sonnent le tocsin [Actu]

"Attention ! crie le gros-titre
Prenez vos précautions, il se promène en liberté"

L’épidémie dessine actuellement une courbe exponentielle dont la forme spectaculaire n’est que trop bien connue en Europe, où elle est intervenue suite au retard que nous avons pris à nous confiner. Officiellement, en Argentine, le confinement a été décrété dès que les premiers patients sont morts. On pouvait donc espérer des résultats moins tragiques.

Courbe des décès au niveau national
Source : La Nación
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Sans doute le confinement est-il peu efficace dans un pays où les bidonvilles sont nombreux et où une bonne partie de la population la plus modeste ne peut pas faire le sacrifice de son travail à cause du grand nombre d’indépendants et de la trop grande fréquence du travail salarié au noir.

Toujours est-il que les chiffres font froid dans le dos. Ce sont la ville Buenos Aires et surtout la province homonyme qui sont à l’origine du phénomène : dans la capitale, nettement plus riche en moyenne que sa banlieue, le nombre de cas diagnostiqués double en 27 jours mais dans la Province, où se concentrent toutes les difficultés sociales, surtout dans l’ouest et le sud, ce délai baisse à 17,5. A elle seule, la province de Buenos Aires rassemble 3.477 cas diagnostiqués sur un total national de 5.344. Sur une population totale d’environ 46 millions d’habitants, les chiffres des morts et des personnes contaminées restent toutefois très inférieurs aux taux observés en Europe.

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Deux jours après le retour en phase 3 du déconfinement, qui autorise les habitants de Buenos Aires à faire du footing un jour sur deux selon le numéro de leur pièce d’identité, les numéros pairs un jour, les impairs le lendemain, comme en circulation alternée en France, Página/12 sort donc les gros moyens pour convaincre son lectorat de faire attention : un dessin de Miguel Rep qui se passe presque de traduction et entièrement de commentaire et une une, qui use à nouveau de l’arme de l’humour en détournant un vers célèbre qui conclut un grand classique du tango, Chorra (voleuse), composé et écrit par Enrique Santos Discépolo et créé par Carlos Gardel, qui l’interprétait avec un humour féroce (à écouter ici dans un enregistrement de 1928).

A gauche : C'est bon, tu l'as, ton masque...
Au centre : T'inquiète ! Cours.
Traduction © Denise Anne Clavilier
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La rédaction de Página/12 s’est contenté de mettre au masculin (le virus) cette phrase originellement au féminin (la voleuse, élevée par une famille d’escrocs, dont se plaint un pauvre boucher qu’elle a séduit avant de le réduire à la misère en dépensant sans compter l’argent de toute une vie de labeur) (1).

Pour aller plus loin :
voir les tableaux publiés par La Nación sur la situation de chaque province, dont quelques unes n’ont toujours aucun mort à déplorer.

Ajouts du 24 juillet 2020 :
lire cet article de La Prensa sur l'analyse de la montée de l'épidémie par le ministre de la Santé, lui-même médecin... Il y a trop de réunions privées, notamment des repas communs (asados) et des "apéritifs" (mateadas). Il en appelle à la responsabilité individuelle de chacun ;
lire l'article de La Nación sur les prévisions erronées du ministre de la Santé qui, en février, ne croyait pas que la pandémie toucherait l'Amérique du Sud.



(1) Chorra fait partie du répertoire que j’ai présenté, dans le texte et en traduction, dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, publié aux Éditions du Jasmin.