Les Rois Mages, qui distribuent les cadeaux le 6 janvier dans tout le monde hispanophone, ont fait cette année un détour par Barrio de Tango. Leur passage m’a été signalé par mon éditeur qui, lundi soir, m’a annoncé la sortie, fin mars ou début avril 2010, d’un ouvrage qui lui aura demandé, à lui, un an (voire plus) d’un minutieux travail de mise en page et à moi plus 18 mois de recherche et de traduction non-stop en 2006-2007 suivi de 18 autres mois passés à peaufiner l’écriture, à établir les index et à cadrer les illustrations...
Le titre : Barrio de Tango (ça nous aurait étonné aussi qu’il en soit autrement, vous entends-je dire derrière vos écrans).
Le sous-titre : recueil bilingue de tangos argentins (vous vous en doutiez aussi, c’est sûr).
L’éditeur : Les Editions du Jasmin, dirigées par Saad Bouri (ça, vous ne pouviez pas le deviner).
Petite maison indépendante française fondée en 1997, les Editions du Jasmin ont leur siège à Clichy (92), à la limite nord-ouest de Paris.
Ce broli (libro en verlan), de 380 pages, présentera, dans le texte et en français, 231 letras (c’est ainsi qu’on désigne le texte d’une chanson en espagnol), 231 letras de tango, vals, milonga et candombe, dans et avec leur contexte, leurs non-dits, leurs sous-entendus. La sélection couvre une période qui va de 1916, année du premier tango-canción (je ne vous apprends rien), jusqu’en 2008. Elle concerne 96 auteurs (letristas) et plus de 100 compositeurs.
Barrio de Tango (le livre) est aussi un ouvrage illustré, avec dessins et photos (en noir et blanc pour que le prix de l’ensemble reste abordable pour tous, selon une politique commerciale constante des Editions du Jasmin, qui veulent mettre des ouvrages de qualité, agréables à lire et à tenir en main, à la portée du plus grand nombre). J’ai pris moi-même sur place, là-bas, en Argentine et toujours en hiver, lors de mes séjours, la plupart de ces clichés : j’avais envie d’entraîner le lecteur avec moi dans la Buenos Aires que j’aime, le plus loin possible des chromos touristiques (hideux et kitch, alors que l’authenticité portègne recèle un charme irrésistible)... D’autres illustrations m’ont été offertes, non pas tant à moi d’ailleurs qu’au public auquel le livre est destiné : photos inédites envoyées par le poète et essayiste Luis Alposta, par les labels discographiques indépendants Melopea (Litto Nebbia) et Pichuco Records (Francisco Torné), portrait original offert par le peintre Chilo Tulissi (et sa femme Teresa), et sans doute aussi des partitions originales des compositeurs et arrangeurs Javier González et Néstor Tomassini... (1)
La couverture du livre est l’oeuvre d’un grand maître du fileteado, le Maestro Jorge Muscia, membre de la Academia Nacional del Tango, où il est chargé de tout l’enseignement relatif aux arts plastiques. Jorge dispose d’un atelier dans le quartier de San Telmo, dans le coeur historique de Buenos Aires, un atelier qu’il est possible de visiter (sur rendez-vous, bien sûr). En sa qualité d’artiste, Jorge s’investit beaucoup au service de ce qu’il est convenu d’appeler chez nous le bien commun, à travers l’enseignement et le développement du tourisme culturel dans sa ville. Il est aussi l’auteur de la première oeuvre d’art plastique qui ait rendu hommage à Carlos Gardel dans sa ville natale de Toulouse, en Haute-Garonne, et celui d’un Obélisque modèle réduit de celui qui se dresse à Buenos Aires et qu’il a transformé en Totem porteño, avec, pour peintures de guerre, le tango et le visage de Carlitos.... Horacio Ferrer et Raúl Garello lui ont dédié un tango, El fileteador, que vous pouvez entendre dans Diálogo de Poeta y Bandoneón, un disque Pichuco Records et un DVD Aguila Taura (pour vous les procurer, voir la boutique en ligne de Zivals, dans la partie basse de la Colonne de droite).
Sur fond de Croix du Sud, cette constellation de quatre étoiles qui n’est visible qu’au sud de l’équateur et qui symbolise l’Argentine aux yeux de ses habitants, un couple de danseurs, Aurora Lubiz et Luciano Bastos, qui exercent leurs talents eux aussi à Buenos Aires (ici photographiés par Ciro Jeolás). Ils étaient, récemment encore, au nombre des professeurs qui animaient le Festival Bailemos Tango, en décembre dernier, dans un grand hôtel de San Telmo (voir mon article à ce propos). Lorsque vous aurez en main le livre, vous pourrez admirer, dans sa taille définitive, le très beau filete qui entoure le buste des deux danseurs et la très subtile asymétrie de la composition qui est le sceau de ce fileteador (2). Et puis regardez comment le pied d’Aurora désigne la première étoile de la Croix du Sud, dans ce ciel nocturne qui nous est inconnu et qui révèle à nos imaginations de Septentrionaux le "ciel perdu" (cielo perdido) et les étoiles avec lesquelles Homero Manzi éclairait les "marches sans querelle dans les nuits de Pompeya" (Ya nunca alumbraré con las estrellas / nuestras marchas sin querellas / por las noches de Pompeya) dans Sur, sublime tango co-signé avec Pichuco, Aníbal Troilo, qui fut avec Sebastián Piana, José Dames et Cátulo Castillo, l’un des compositeurs des nombreux chefs-d’oeuvre que ce grand poète nous a laissés en héritage, après une carrière aussi courte que féconde (Homero Manzi est mort avant d’avoir atteint ses 44 ans). Pour écouter Sur, chanté ici par Edmundo Rivero, cliquez sur le lien qui vous conduira vers Todo Tango.
Et puis je voulais aussi que cet ouvrage ait une postface.
Je souhaitais qu’elle vienne d’un des poètes présentés et traduits dans le livre.
Luis Alposta, sollicité par moi en août à Buenos Aires, a eu la gentillesse et m’a fait l’honneur d’accepter, sans hésiter une seule seconde. En octobre, il m’a envoyé par mail une des ces pages sobres et concises dont il a le secret et que vous pourrez lire en español, avec traduction en français en face (ouf !). Les lecteurs habituels de ce blog connaissent déjà bien Luis Alposta. Les internautes qui débarquent rencontrent peut-être son nom pour la première fois. En deux mots : c’est un poète, un essayiste et un médecin et vous pourrez vous en rendre compte en lisant les articles que je lui ai consacrés (cliquez sur son nom pour y accéder). Luis a beaucoup travaillé avec Edmundo Rivero jusqu’à la mort de ce grand créateur et interprète, en 1986. Edmundo Rivero a mis en musique, chanté et enregistré plusieurs de ses poèmes. Aujourd’hui, Luis travaille avec des musiciens comme Daniel Melingo, Juan Tatá Cedrón (le chanteur, guitariste et compositeur du Cuarteto Cedrón) et avec cet autre guitariste et compositeur du tango contemporain qu’est Acho Estol, qui anime avec sa femme, la chanteuse Dolores Solá, le groupe La Chicana qui se produira à Paris le 13 février prochain (Festival Au fil des Voix, à l’Alhambra dans le quartier de la République).
Luis Alposta est membre de la Academia Nacional del Tango, où il occupe le siège Tiempos Viejos (un tango à écouter ici chanté par Carlos Gardel) et il est Vice-président de la Academia Porteña del Lunfardo.
Dans Barrio de Tango (le livre), vous trouverez, dans le texte et en traduction française, un bon nombre de morceaux traditionnels et quelques autres récents, donc beaucoup moins connus, et même des inédits, dont une chanson de Alorsa (l’insertion de Para verte gambetear étant prévue depuis très longtemps, bien avant qu’une crise cardiaque ne nous enlève l’ami et l’artiste le 30 août dernier), un poème de Luis Alposta en hommage à Osvaldo Pugliese, un autre de Alberto Ortiz en hommage également au troesma (maestro en verlan) dont les enregistrements ont marqué les plus beaux moments de mon initiation au tango, une letra de Juan Vattuone et une autre de Alejandro Szwarcman.
Je les remercie tous du fond du coeur de leur générosité et de la confiance qu’ils me font en s’en remettant ainsi à moi pour faire connaître leur travail ici.
Parmi tous ces tangos qu’on entend si fréquemment dans les milongas, dans les cours et sur les compilations discographiques, Barrio de Tango (le livre) présente, en version originale et en traduction française, 23 letras de Homero Manzi (le recueil a été conçu pour le plus gros pendant l’année Homero Manzi, dans les 8 premiers mois de 2007), 14 letras de Enrique Cadícamo, 5 de Cátulo Castillo, 7 de Pascual Contursi, 11 de Enrique Santos Discépolo, 8 de Homero Expósito, 12 de Horacio Ferrer, 12 aussi de Celedonio Esteban Flores, 11 de Alfredo Le Pera. Vous trouverez aussi des tangos, des valses et des milongas de grands compositeurs consacrés par le temps et le succès : de Francisco Canaro, il y en a 4, de Juan D’Arienzo 5, de Carlos Di Sarli 4, de Carlos Gardel 13, de Sebastián Piana et de Astor Piazzolla 8 chacun, de Osvaldo Pugliese 9 et de Aníbal Troilo 10, pour ne citer qu’une huitaine de noms parmi les plus prestigieux.
Le livre se présente comme un guide touristique, une sorte de promenade dans Buenos Aires, sa géographie, son histoire, ses coutumes, son actualité artistique et urbanistique, puisque cette ville est intimement liée au tango et vice-versa, comme vous l’avez déjà bien compris si vous visitez ce blog régulièrement. Le recueil s’agence ainsi en 37 chapitres, comportant chacun 5 à 7 textes en version bilingue. On passera d’un chapitre à l’autre grâce à des récits d’une ou deux pages, qui éclairent, en français, des points cruciaux du contexte, car sans ce contexte, le lecteur non argentin passe à côté de la moitié des richesses d’un tango, quand ce n’est pas plus.
Le livre fera très prochainement l’objet d’une souscription dont je vous tiendrai informés.
Les animateurs du réseau tanguero francophone (professeurs de danse, associations, responsables de milonga et j’en passe) auront bien sûr la possibilité de passer des commandes groupées. Ils peuvent pour cela prendre directement contact avec Monsieur Saad Bouri, patron des Editions du Jasmin par mail (le fax et le téléphone sont sur son site), selon l'adage que les méthodes les plus simples sont aussi les plus efficaces.
Les libraires eux aussi peuvent d’ores et déjà se rapprocher de l’éditeur lui-même (par mail, ou téléphone ou fax selon leur préférence).
Barrio de Tango sera présenté, en France, en Belgique, en Suisse, ailleurs... au gré des invitations (conférence, rencontre-débat ou séance de signature) qui me seront adressées soit personnellement sur ma messagerie par mail, soit par l’entremise de Saad Bouri, des Editions du Jasmin (contact mail). Au fur et à mesure que des dates seront prises, elles seront annoncées dans ces colonnes.
Pour découvrir les Editions du Jasmin et leur catalogue consacré aux cultures du monde et à la littérature jeunesse, vous pouvez visiter le site de cette maison à la politique culturelle courageuse et originale (mail, fax, téléphone et adresses s’y trouvent qui vous permettront de prendre contact avec Saad Bouri, le directeur).
Pour en savoir un peu plus, en français, sur les auteurs et musiciens cités ci-dessus, vous pouvez cliquer sur leur nom dans la rubrique Vecinos del Barrio, dans la partie haute de la Colonne de droite, ou dans le corps même de l’article que vous lisez. Ces raccourcis et ces liens vous conduiront à l’ensemble des articles que je leur ai consacrés dans ce blog, à l’heure où vous parcourez cette page.
Pour découvrir les deux peintres dont j’ai parlé, Jorge Muscia et Chilo Tulissi, vous pouvez faire de même et vous reporter aussi à leurs sites respectifs. Vous en trouverez les liens dans la partie basse de la Colonne de droite (rubrique Artistes plastiques).
Pour ceux qui veulent se faire une idée préalable du style de mes traductions, au-delà des extraits que j’ai semés au long de mes déjà 1100 articles depuis le 19 juillet 2008, ils peuvent se rendre sur le site de Gisela Passi et Rodrigo Rufino, mes professeurs de tango ici en France (Colonne de droite, rubrique Eh bien dansez maintenant !). Sur la page Ecouter de la version française du site, Rodrigo et Gisela mettent en ligne diverses traductions que j’ai réalisées en exclusivité pour eux et leurs élèves, la mise en ligne est renouvelée périodiquement toutes les 2 à 3 semaines.
Il s’agit bien sûr de grands tangos du répertoire et ils ne figurent pas pour autant dans le corpus de l’anthologie à paraître dans trois mois. Dans un seul volume papier maniable, en version bilingue et avec des commentaires, il est en effet impossible de rassembler l’intégralité du répertoire traditionnel du tango. Celui-ci compte beaucoup trop de titres. Pas loin de 300 rien que pour le tango-canción et presque autant pour les morceaux instrumentaux ! Imaginez un peu ce travail de Romain ! (3)
En guise de conclusion et parce que c’est aujourd’hui Día de Reyes et que c’est donc le jour des cadeaux, je vous invite à cliquer sur le lien qui suit, pour écouter une très belle version de Barrio de Tango, le chef d’oeuvre immortel de Homero Manzi et Aníbal Pichuco Troilo, qui donne son nom à ce livre et à ce blog.
Ajout du 7 avril 2010 :
Lire mon premier article de présentation du disque joint (à l'ouverture de la souscription)
Lire mon second article sur le disque joint (avec facsimilé de la page du livre)
Lire mon second article sur le disque joint (avec facsimilé de la page du livre)
Lire mon article sur la 4ème de couv.
Les librairies où trouver Barrio de Tango (ajout du 10 juin 2010)
Les librairies où trouver Barrio de Tango (ajout du 10 juin 2010)
(1) Ce à quoi, les vedettes du jour, Gaspard, Melchior et Balthazar auront peut-être ajouté un bonus (sans supplément de prix, cela va sans dire). Mais chut ! On saura ça en sortie de presse. Je reviendrai vers vous avec la bonne nouvelle à ce moment-là. D’ici là, comme on dit à Buenos Aires pour attirer las buenas ondas : Pugliese, Pugliese, Pugliese... le compositeur a la réputation de porter chance et on l’invoque à tout bout de champs pour cela ! Je vous promets que c’est vrai.
(2) A Buenos Aires, vous pourrez rencontrer quantité de fileteadores plus faiseurs qu’artistes qui vous enseigneront que le secret de "leur art" consiste à décalquer sur papier le motif de droite pour le reproduire parfaitement à gauche. Le résultat donne un dessin qui, sur le coup, vous en fiche plein les mirettes et déclenche la mitraille photographique des cars de touristes mais au bout de quelques secondes, cette émotion se sera évaporée sans même que vous sachiez où elle est passée. Jorge n’utilise pas le papier calque, ni pour les fresques murales qu’il réalise dans les bâtiments publics (en particulier à l’Ambassade d’Argentine à Mexico), ni pour les enseignes, ni pour les décors de théâtre ni pour les pochettes de disque, ni pour les couvertures de livre que tous les connaisseurs de fileteado lui commandent d’un peu partout...
(3) Sans parler du prix exorbitant auquel serait vendue une telle somme....