En cette journée mondiale de la Danse, instituée par l’Unesco, Página/12 fait le
point sur la situation socio-économique des professionnels de tango,
danseurs et autres métiers, en ce temps de confinement.
L’enquête
du quotidien de gauche montre la sévérité de la crise pour ces
artistes laissés sans aucune ressource dans la mesure où toutes
leurs activités sont interdites et qu’avant l’épidémie, ils
travaillaient à 90 % au noir.
Les
danseurs professionnels de tango ont deux sources de travail :
donner des cours et se produire sur scène dans ce qu’on appelle
des cena-shows, des spectacles pour touristes montés la plupart du
temps par des hommes d’affaires sans scrupule qui exploitent un business et tirent un maximum de fric aux gogos de
touristes qui n’y voient que du feu parce que la soirée (spectacle inauthentique et nourriture quelconque) est
comprise dans le forfait du voyage organisé. Que les artistes y
soient payés avec un lance-pierre ne me surprend guère ! Il
n’y a qu’à regarder les affiches pour se douter que c’est le
genre de la maison (1).
De
plus, l’enquête de Página/12 montre aussi le triste sort fait aux
danseuses qui ont des enfants, les discriminations dont elles sont
l’objet, les remarques sexistes qu’elles se prennent en pleine
face lorsqu’elles commencent une grossesse et les conditions
effarantes dans lesquelles elles doivent garder leurs minots dans les
coulisses parce que leur cachet ne leur permet pas de s’offrir les
services du baby-sitter…
On
se croirait retourner à l’opéra de Paris au dix-neuvième
siècle !
C’est
effarant et c’est aussi cet envers du décor qu’il faut dénoncer
pour que cesse cet espèce de nouvel esclavage que fait naître la
cupidité des uns et le tourisme de masse des autres. Il faut espérer que cette crise l'aura définitivement tué et qu'on n'y reviendra plus une fois que le virus ne sera plus une menace mortelle pour les êtres humains.
Pour
aller plus loin :
lire
l’article de Página/12 sur le dénuement des travailleurs du
spectacle de tango
lire
l’article de Página/12 sur les conditions professionnelles faites
aux danseuses de tango.
(1)
Il y a quelques années, j’ai fait une expérience révélatrice.
Alors que je montais un circuit avec un voyagiste français, l’agence
réceptrice à Buenos Aires a voulu nous imposer un tarif aberrant
pour une soirée à la Academia Nacional del Tango (que j’aurais
bien entendu montée moi-même puisque je suis membre de
l’institution) : 140 € par personne pour un spectacle et un
verre de l’amitié avec les artistes (c'était plus cher que las soirée de la Saint-Sylvestre à l'Opéra Bastille). Une fois à Buenos Aires, j'en
ai donc parlé au secrétaire académique qui a sauté au plafond puis deux jours plus tard au président qui m’a confirmé ce que je pressentais : aucune
agence n’avait pris contact avec lui pour la moindre activité avec un voyagiste européen. La somme ainsi imposé au client français était à 90 % destinée aux caisses de l'agence réceptive. Ce monde du tango-danse-spectacle est immoral et il
n’y en pas un pour rattraper l’autre, que ce soit les salles ou
les agences.