Dans la journée d’hier, à
la surprise générale, Horacio Rodríguez
Larreta, chef du gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires,
avait autorisé ses administrés à faire une petite promenade
quotidienne d’une heure et aussitôt, dans les rues de la
capitale, on a vu un certain nombre de personnes le prendre au mot. C’était
d’autant plus surprenant que les
conditions de cet assouplissement du
confinement n’étaient pas réunies
puisque le décret présidentiel le
réservait aux villes de moins de 500.000 habitants. Trois millions
de personnes au moins habitent à Buenos Aires stricto-sensu.
Après
avoir donné un peu d’espoir
aux Portègnes,
Rodriguez Larreta a fait marche arrière
quelques heures plus tard
et co-signé un
communiqué avec quatre gouverneurs qui
n’autorisent pas ces promenades dans
leurs ressorts qui
abritent
eux aussi des
foyers de contagion : il s’agit des
provinces de Buenos Aires, Córdoba, Santa Fe et Tucumán. De
la part de
ce leader de l’opposition qui a marqué l’opinion en coopérant
pleinement jusqu’ici avec le gouvernement fédéral,
cette attitude laisse perplexe. Il
savait très bien que le décret excluait
sa ville. Sa coopération cacherait-elle
de méchantes arrière-pensées
alors qu’il a
fermement nié
toute intention partisane
il y a quelques jours.
Est-ce
pour vendre du papier, pour provoquer du
contentieux ou enflammer le
mécontentement dans la population qui reste confinée ?
Toujours est-il que
Clarín tâche de faire passer cette déclaration commune pour un
désaveu de la décision du président de la part des gouverneurs
signataires. Le communiqué commun est
présenté relevant d’un désaccord
politique avec le chef d’État (or plusieurs d’entre eux sont de
la même majorité). Dans ses pages intérieures, le tabloïd
titre : « Ils contredisent le président ».
Or
c’est faux :
Alberto Fernández n’a pas autorisé les Argentins à sortir, il a
laissé aux exécutifs locaux le droit d’ouvrir une possibilité à
leurs administrés en respectant
des conditions cumulatives particulièrement restrictives (voir mon
article d’hier sur la question).
Observez
d’ailleurs que cette tentative pour
induire le lecteur en erreur est beaucoup
plus subtile dans le gros titre sur
la une du journal. C’est la stratégie que suit
la presse de
droite, dite hégémonique,
pour tenter de déstabiliser le gouvernement de gauche.
"Attendre sans désespérer" dit le gros titre en jouant sur les mots comme d'habitude ! |
Cette
manœuvre est parvenue à créer des remous
et même un peu
de chaos : elle a obligé le président
et plusieurs de ses ministres à apporter des démentis là où il
n’y avait même pas la place d’une
tête d’épingle pour séparer
le niveau provincial et le niveau fédéral. Cette
décision présidentielle procède
d’une consultation fréquente et
régulière entre le chef d’État et les
gouverneurs qui se réunissent en visioconférence. On
peut parler de co-construction de la stratégie de crise. Une
co-construction que Mauricio Macri s’était beaucoup vanté d’avoir mise en place mais qui s’est brisée net dès la première
crise de son mandat, celle du paiement de la dette résiduelle en
2016.
A droite, il doit être insupportable
que Fernández soit capable de tenir le cap
dans la tempête (1), alors que
la crise qu’il
affronte bien plus grave que
celles qu’a connue Macri puisque
celle-ci est mondiale et inédite. Et
pire peut-être : il est clair que celui qui gouverne, c’est
bien le président et non pas, comme l’opposition le chante sur
tous les tons et continue à le clamer encore et toujours, la
vice-présidente, Cristina Kirchner, que la droite adore haïr,
calomnier et caricaturer.
Pour
aller plus loin :
lire
l’article de Clarín
(1) A l’avantage de
Fernández, il dispose d’un groupe de gouverneurs qui sont très
majoritairement ses alliés. Le groupe de gouverneurs qui faisait
face à Macri était moins homogène du point de vue politique et
idéologique. Il y avait même de plus en plus de tirage entre le
mouvement dominant de la coalition au pouvoir et l’allié
d’appoint, l’UCR, qui n’a pas cessé de ruer dans les brancards
pendant tout le mandat.