lundi 27 avril 2020

Rétropédalage larretien [Actu]

"Marche arrière avec les sorties récréatives dans les grandes villes"
Le gros titre de La Nación tend à une certaine neutralité.
Mais la photo sème la confusion : il s'agit de Madrid
où les enfants ont été autorisés à sortir
dans une tout autre situation sanitaire
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Dans la journée d’hier, à la surprise générale, Horacio Rodríguez Larreta, chef du gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, avait autorisé ses administrés à faire une petite promenade quotidienne d’une heure et aussitôt, dans les rues de la capitale, on a vu un certain nombre de personnes le prendre au mot. C’était d’autant plus surprenant que les conditions de cet assouplissement du confinement n’étaient pas réunies puisque le décret présidentiel le réservait aux villes de moins de 500.000 habitants. Trois millions de personnes au moins habitent à Buenos Aires stricto-sensu.

Après avoir donné un peu d’espoir aux Portègnes, Rodriguez Larreta a fait marche arrière quelques heures plus tard et co-signé un communiqué avec quatre gouverneurs qui n’autorisent pas ces promenades dans leurs ressorts qui abritent eux aussi des foyers de contagion : il s’agit des provinces de Buenos Aires, Córdoba, Santa Fe et Tucumán. De la part de ce leader de l’opposition qui a marqué l’opinion en coopérant pleinement jusqu’ici avec le gouvernement fédéral, cette attitude laisse perplexe. Il savait très bien que le décret excluait sa ville. Sa coopération cacherait-elle de méchantes arrière-pensées alors qu’il a fermement nié toute intention partisane il y a quelques jours.

"Pour l'instant, les sorties récréatives à Buenos Aires
et dans sa banlieue ne seront pas autorisées" dit le gros titre
sur une photo ambiguë qui concerne là aussi l'Espagne
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Est-ce pour vendre du papier, pour provoquer du contentieux ou enflammer le mécontentement dans la population qui reste confinée ? Toujours est-il que Clarín tâche de faire passer cette déclaration commune pour un désaveu de la décision du président de la part des gouverneurs signataires. Le communiqué commun est présenté relevant d’un désaccord politique avec le chef d’État (or plusieurs d’entre eux sont de la même majorité). Dans ses pages intérieures, le tabloïd titre : « Ils contredisent le président ».

Or c’est faux : Alberto Fernández n’a pas autorisé les Argentins à sortir, il a laissé aux exécutifs locaux le droit d’ouvrir une possibilité à leurs administrés en respectant des conditions cumulatives particulièrement restrictives (voir mon article d’hier sur la question).

Observez d’ailleurs que cette tentative pour induire le lecteur en erreur est beaucoup plus subtile dans le gros titre sur la une du journal. C’est la stratégie que suit la presse de droite, dite hégémonique, pour tenter de déstabiliser le gouvernement de gauche.

"Attendre sans désespérer" dit le gros titre en jouant sur les mots
comme d'habitude !

Cette manœuvre est parvenue à créer des remous et même un peu de chaos : elle a obligé le président et plusieurs de ses ministres à apporter des démentis là où il n’y avait même pas la place dune tête d’épingle pour séparer le niveau provincial et le niveau fédéral. Cette décision présidentielle procède d’une consultation fréquente et régulière entre le chef d’État et les gouverneurs qui se réunissent en visioconférence. On peut parler de co-construction de la stratégie de crise. Une co-construction que Mauricio Macri s’était beaucoup vanté d’avoir mise en place mais qui s’est brisée net dès la première crise de son mandat, celle du paiement de la dette résiduelle en 2016.

A droite, il doit être insupportable que Fernández soit capable de tenir le cap dans la tempête (1), alors que la crise qu’il affronte bien plus grave que celles qu’a connue Macri puisque celle-ci est mondiale et inédite. Et pire peut-être : il est clair que celui qui gouverne, c’est bien le président et non pas, comme l’opposition le chante sur tous les tons et continue à le clamer encore et toujours, la vice-présidente, Cristina Kirchner, que la droite adore haïr, calomnier et caricaturer.

Pour aller plus loin :



(1) A l’avantage de Fernández, il dispose d’un groupe de gouverneurs qui sont très majoritairement ses alliés. Le groupe de gouverneurs qui faisait face à Macri était moins homogène du point de vue politique et idéologique. Il y avait même de plus en plus de tirage entre le mouvement dominant de la coalition au pouvoir et l’allié d’appoint, l’UCR, qui n’a pas cessé de ruer dans les brancards pendant tout le mandat.