lundi 14 septembre 2009

Hier, Juan Vattuone a fait un tabac à Harrods [à l'affiche]

Rédigé à Buenos Aires le 26 août 2009

C'était hier soir, 26 août, à 19h, dans le cadre du Festival. La salle de concert, installée tout au fond de l'ancien grand magasin anglais, au rez-de-chaussée, était pleine. Et des gens debout derrière le cordon délimitant ce qui servait de salle. Un public hyper-enthousiaste, chaleureux, visiblement heureux de retrouver cet artiste.

(photo ajoutée le 26 septembre 2009)

Un show d'une heure, pas plus, il y avait un orchestre typique qui passait juste derrière. S'il n'y avait pas eu cet autre concert pour limiter le temps, Juan Vattuone enchaînait sans problème quatre bis sans un pli. Il n'aura eu le temps que d'en faire un seul.

Le show d'hier était un nouveau spectacle à quatre, pianiste, guitariste, danseuse et lui-même, en chanteur, composé en accord avec son tout prochain disque, qui doit sortir en octobre : Escuchame una cosa (une expression toute faite qu'on pourrait traduire par Ecoute-moi une minute).

Un spectacle, comme toujours avec Juan, qui raconte le monde avec un accent politiquement incorrect, qui dénonce la mainmise du show business sur la culture populaire et son jaillissement spontané, et qui proclame Ni olvido ni perdón (titre du premier morceau de son premier disque, Tango al mango) pour tous ces régimes qui au long du 20ème siècle cherchèrent (et cherchent toujours) à écraser, à faire disparaître la culture spécifique de ce pays (et de tant d'autres avec) pour laisser le champ libre à la grosse artillerie du business planétaire avec lequel on peut faire des économies d'échelle (une seule campagne de pub pour la planète entière)...

Comme toujours, il s'agit dans sa quasi-intégralité d'un spectacle de sa propre composition, paroles et musique, avec un ou deux morceaux tirés du répertoire mais comme il le dit lui-même : "si je ne chante pas du tango traditionnel, ce n'est pas parce que je ne l'aime pas, tout au contraire. Mais parce que d'autres le font et mieux que moi" (il a droit de le penser et nous celui de ne pas le croire... Chacun selon ses goûts). Ses chansons parlent des enjeux d'aujourd'hui et de demain, de ses racines à lui, de sa grand-mère noire (ou plutôt métisse selon nos catégories européennes), de l'importance que revêtent pour lui ces origines humbles et proscrites du tango, des femmes et du sort pénible que la société leur réserve (ce qui ne l'empêche nullement de balancer froidement au public une vanne selon laquelle lorsqu'un couple se sépare, lorsqu'un amour finit, c'est toujours la faute des deux, la faute de la nénette (la mina)... et la faute de la mère de la nénette. Le public a mis deux secondes avant de se mettre à rire (lui, il se fendait la pipe sur scène, ravi de l'effet produit !).

Dans ce show, et il en est très fier, sa fille, Julieta, danseuse et chorégraphe, participe en interprétant seule, sans partenaire, une chanson de son père. Beau contrepoint dansé à l'interprétation musicalement riche mais gestuellement très statique du papa, coiffé de son éternel bonnet, qu'il passe son temps à s'enfoncer sur les yeux.

Pour l'accompagner à la guitare, son ami Victor Lasear (un amigo de toda la vida, m'a-t-il dit en me présentant ensuite dans les coulisses).

Très prochainement, je compte bien vous présenter un travail bibliographique, fait par la femme de Juan Vattuone, Silvana Boggiano, un travail de recherche sur la genèse du tango, qui, si j'en crois la conversation d'hier, s'annonce passionnant. J'attends le bouquin pour vous en parler, lorsque vous pourrez vous le procurer.


Une fois n'est pas coutume, je publie une photo où j'apparais. Pour deux raisons, la première parce que cette photo fait partie d'une série de clichés pris à la demande de Juan Vattuone dans les coulisses après le spectacle, la seconde parce que c'est une photo où je ne me trouve pas aussi peu photogénique que d'habitude...

Pour en savoir plus : Juan Vattuone dispose d'un raccourci dans la Colonne de droite, dans la rubrique Vecinos del Barrio, section les Auteurs-compositeurs interprètes. En cliquant sur ces raccourcis de la partie supérieure de la Colonne de droite, vous accédez à l'ensemble des articles relatifs à ces artistes ou à ces thématiques parus dans Barrio de Tango.


Ajout du 13 septembre : pour aller plus loin, lire l'article de Karina Micheletto, dans l'édition de Página/12 du 11 septembre 2009.