vendredi 25 septembre 2009

Le Café La Poesia déclaré sitio de interés cultural par la Legislatura Porteña [Actu]

Décidément, c’est la fête à Horacio Ferrer (1) en ce moment ! Je vous ai déjà parlé de la sortie de son tout dernier livre, qu’il dédicace en fin d’après-midi à Zivals ce soir même (lire l’article) et de la remise d’un doctorat Honoris Causa à l’Université USAL (Universidad del Salvador) mercredi prochain (lire l’article). Depuis la capitale argentine, en août, je vous avais relaté le très beau spectacle qui lui rendait hommage au Festival de Tango de Buenos Aires, au Teatro Avenida, pour les 40 ans de la création de Balada para un loco (lire l’article). Eh bien, lundi en huit, ce sera encore un autre hommage qui lui sera rendu dans un cadre particulièrement symbolique et à n’en pas douter très émouvant pour lui...

Le Café La Poesia, où Horacio Ferrer a fait la connaissance de sa femme, l’artiste peintre Lulú (Lucía) Michelli,

¿Te acordás del café La Poesía,
esa mágica noche en San Telmo?
Buenos Aires urdió nuestro encuentro,
tan romántica y dulce Lulú.
(Lulú, vals, paroles Horacio Ferrer, musique Raúl Garello) (2)
Te souviens-tu du café La Poésie,
De cette nuit magique à San Telmo ?
Buenos Aires ourdit notre rencontre,
Si romantique et si tendre Lulú.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

sera officiellement déclaré (3) sitio de interés cultural (ça se traduit tout seul) le lundi 5 octobre à 11 h du matin (ça, en revanche, c’est moins agréable : Horacio Ferrer est un nochero, il vit plus volontiers la nuit que le jour... Alors 11 h du mat ! Quel est le legislador (4) qui a inventé pareille torture ?).

Le Café La Poesia fait l’angle des rues Bolivar et Chile et c’est dans le quartier de San Telmo (c’est écrit au-dessus !).

Au cours de cette cérémonie, le Maestro (on y arrive) recevra la statuette du Mozo Notable (le garçon de café remarquable) pour l’ensemble de sa carrière (elogio a la trayectoria).

Felicitaciones, Maestro !
Et félicitations aussi au patron de La Poesia et à tout le personnel de ce sympathique café de ce tout aussi sympathique coin de San Telmo (y a-t-il d’ailleurs à San Telmo un coin antipathique ?)

Pour en savoir plus :
Dans la Colonne de droite, vous trouverez plusieurs liens thématiques qui vous guideront au milieu des 850 articles déjà publiés dans Barrio de Tango (celui-ci est précisément l’article n° 850 et je suis fière et heureuse qu’il rende hommage à un poète que j’admire beaucoup, que j’adore traduire même si je sue sang et eau à chaque fois, à l’exception notable de Lulú d’ailleurs, et à un homme auquel je voue une très respectueuse affection) :
les poètes et les Troesmas dans la rubrique Les artistes (Horacio Ferrer figure sous l’un comme sous intitulé), Barrio de San Telmo dans la rubrique Quelques quartiers, villes et lieux pour savoir ce qui se passe dans ce coin du centre historique de la capitale argentine et enfin le raccourci Horacio Ferrer, dans la rubrique Vecinos del Barrio qui se traduit Les habitants du quartier (section Poètes).
Dans la partie basse de la Colonne de droite, vous trouverez aussi le lien vers le site de la Academia Nacional de Tango, que le Maestro Ferrer a fondée il y a 19 ans et qu’il préside toujours aujourd’hui.

(1) "c’est la fête à" : expression française très populaire, très fréquente et néanmoins épouvantable barbarisme au regard de l’Académie Française. Mélange entre "c’est la fête de quelqu’un" (anniversaire, fête patronymique, remise de prix) et "faire la fête à quelqu’un" (bien l’accueillir, lui souhaiter la bienvenue, l’honorer, lui rendre hommage). A ne pas confondre avec l’expression "c’est sa fête !", qui est une antiphrase (c’est l’intonation du locuteur qui vous l’indiquera) et qui veut dire exactement l’inverse, à savoir que la personne n’est pas "à la fête" : elle passe un mauvais moment. Par exemple, étant donné que la cérémonie est à 11h du matin, on pourrait presque dire, pour s’amuser et faire un mot d’esprit (parce que ce n’est pas tout à fait exact), que pour Horacio Ferrer, la cérémonie à 11h du mat, "ça va être sa fête !" Voir plus bas dans la suite de l’article l’explication horaire...
(2) Cette valse a été enregistrée à deux reprises et les deux enregistrements valent le détour... Par le chanteur uruguayen, feu Gustavo Nocetti, qui était aussi un ami personnel du Maestro Horacio Ferrer, dans Homenaje a Woody Allen, édité par Melopea Discos (avec l’orchestre dirigé par le Maestro Raúl Garello lui-même), en 1992. Et par Horacio Ferrer en personne, qui le récite sur solo de bandonéon du Maestro Garello, dans Diálogo de Poeta y Bandoneón, édité par Pichuco Records pour le CD et par Aguila Taura pour le DVD, en 2004.
Dans les poèmes et letras qu’il a écrits pour sa femme (pardon, "pour la femme dont il est l’homme", selon l’expression qu’il emploie lui-même -il faut l’inventer tout de même !), Horacio Ferrer cite plusieurs cafés et plusieurs lieux de Buenos Aires, avec cette précision hallucinante qu’ont les poètes de cette ville pour évoquer la matérialité urbaine en mélangeant un réalisme hallucinant et une vision très personnelle, métaphorique souvent chez Horacio Ferrer, surréaliste chez Homero Expósito, romantique chez Enrique Cadícamo, glauque chez Celedonio Flores, magnifié par le temps qui passe chez Homero Manzi...
(3) La declaración de interés cultural est une forme de distinction qui provient d’une institution (ici l’assemblée législative de la Ville Autonome de Buenos Aires, mais ce peut être un conseil municipal, un gouvernement provincial, un ministère national, une Academia au sens solennel du terme, pas au sens de simple école artistique...). En l’occurrence, la déclaration par une assemblée législative procède d’un vote en bonne et due forme, suivi de l’édition d’un document écrit, voire d’une cérémonie avec dévoilement de plaque et tous les symboles qui peuvent accompagner une remise de décoration... A Buenos Aires et dans toute l’Argentine en général, c’est une distinction qui a beaucoup de valeur.
(4) Legislador : parlementaire, membre élu du Parlement. En France, on dira volontiers dans ce cas "représentant du peuple".