En août dernier, à Buenos Aires, j'ai entendu tout le monde me dire pis que pendre de la campagne d'alerte gouvernementale menée autour de la grippe A tant au niveau du Gouvernement central qu'au niveau de la Ville de Buenos Aires elle-même. Au quotidien, mes interlocuteurs à Buenos Aires avaient le sentiment d'avoir vécu un hiver normal, sans plus ni moins de malades que d'ordinaire, et personne ne comprenait vraiment le caractère radical des mesures prises par les pouvoirs publics (voir mes articles relatifs à la grippe A en Argentine, en cliquant sur le mot-clé dans la rubrique Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus). Il est vrai que la quasi-totalité de mes interlocuteurs à Buenos Aires sont des artistes et que les artistes ont été, avec les commerçants de proximité, les premières victimes colatérales des mesures en question : suspension de la saison théâtrale, fermeture des centres culturels, raréfaction du public à peu près partout, y compris dans les restaurants et les cafés. La situation n'était donc pas rose pour eux. J'ai même entendu dire que le Brésil avait mené une campagne particulièrement mal intentionnée pour détourner ses ressortissants (et peut-être les autres touristes étrangers intéressés par l'Amérique du Sud) d'aller passer les vacances d'hiver en Argentine. Si les rumeurs alarmistes (mais ce qui s'appelle alarmistes) qui ont couru au Brésil visaient bien ce but, il semble hélas qu'il ait été atteint. Les touristes brésiliens étaient apparemment beaucoup moins nombreux à Buenos Aires, au mois d'août en tout cas et à ce que j'ai pu en voir, qu'ils ne l'étaient lors de mes précédents séjours.
Et puis les chiffres officiels sont tombés : le Brésil, dont l'équipe nationale de foot avait menacé de ne pas venir disputer un match à Buenos Aires pour cause de pandémie en juillet, est en fait le pays où l'on compterait le plus grand nombre de morts de la grippe A, en nombre absolu. 899 morts au Brésil, contre 593 aux Etats-Unis et 514 en Argentine. Clarín en profite pour faire un article au ton subtilement narquois tout en reconnaissant qu'établi selon le taux de mortalité, ce triste palmarés change du tout au tout. En fait, le Brésil arrive alors en 5ème position mondiale. Et tout ça pour une maladie qui ne fait ni plus ni moins de dégâts que la grippe saisonnière, laquelle en fait beaucoup sans qu'on en dise jamais rien en temps ordinaire.
Les chiffres de l'aéroport d'Ezeiza au moins de juillet montre les effets cumulés de la crise économique internationale et de la grippe A sur le tourisme international en Argentine : 38,7 % de touristes étrangers en moins qu'en juillet 2008. Et les touristes qui sont venus se sont serrés la ceinture : ils ont dépensé 43,5% de moins que l'année dernière. Sur la totalité de l'année déjà écoulée (7 mois), le nombre de visiteurs a chuté de 17% et leurs dépenses de 26%. Ces chiffres proviennent de l'enquête de tourisme internationale que conduit l'INDEC, le très contesté institut des statistiques nationales argentin. Selon cette même enquête, en juillet, le nombre d'Argentins partis à l'étranger a augmenté de 11,4% par rapport au même mois de 2008 mais eux aussi ont réduit leur budget (-10% par rapport à juillet de l'année dernière).
C
es chiffres confirment l'inversion de tendance notée dès cet été, sur les chiffres de janvier et de février dont je vous avais parlé en leur temps (cf. mes articles de janvier à mars sous la rubrique Economie, en cliquant sur ce raccourci dans la Colonne de droite par exemple, ou en cliquant sur le même raccourci dans les mots-clés de la rubrique Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus).
Il se trouve qu'il faut écouter l'INDEC, même si ses détracteurs sont très nombreux : en Argentine, tout ce qui est officiel est de toutes manière suspect par principe et parfois tout à fait à tort, en tout cas maintenant. L'institut n'est donc peut-être pas aussi peu fiable qu'on le dit. Depuis le début de l'année, l'INDEC avance des chiffres très rassurants sur le ralentissement de l'inflation et mon expérience de consommatrice dans Buenos Aires en ce mois d'août 2009 m'a clairement montré que tel est bien le cas pour l'habillement, l'alimentation et les produits culturels (places de concert, disques, livres...). Les exemples concrets que j'ai donnés à mes interlocuteurs les ont le plus souvent laissés bouche-bée : tous ont l'impression que cette année tout est beaucoup plus cher que l'année dernière. Et en fait, pas tant que ça...
Au début de l'année, lorsque les indices de l'INDEC ont commencé à montrer ce ralentissement spectaculaire de l'inflation, j'avais moi-même signalé dans les entrées de ce blog que ces chiffres étaient publiés en période électorale et que le calendrier politique pouvait avoir une influence dessus. Mais sur place, j'ai constaté la simple réalité portègne (attention : ce qui se passe à Buenos Aires ne reflète pas la totalité de la situation dans le reste du pays).
Pour aller plus loin :
Lire l'article de Clarín sur les effets de la double crise sur le tourisme et l'autre sur les chiffres de la grippe A.