Jeudi prochain, le 23 septembre, sortie à Buenos Aires du film de Eduardo Spagnuolo, Homero Manzi, un poeta en la tormenta, un long métrage dramatique qui raconte la courte et féconde vie du poète, journaliste, compositeur, scénariste, écrivain, cinéaste et militant de la cause nationale que fut Homero Manzi, né dans le domaine de Añatuya, en province de Santiago del Estero, le 1er novembre 1907, et décédé, à Buenos Aires, le 3 mai 1951, à seulement un peu plus de 43 ans. C’est son fils, le Maestro Acho Manzi, qui a participé à l’élaboration du scénario. Un gage d’authenticité, car Acho Manzi est très vigilant sur ce qui se fait, se dit et s’écrit sur son père.
C’est l’acteur Carlos Portaluppi qui prête ses traits au poète avec, semble-t-il, beaucoup de réalisme. Acho Manzi lui-même est interprété par le jeune Martín Slipak. Elément remarquable, le film ne passe pas sous silence la douloureuse aventure extraconjugale du poète avec son interprète de prédilection, la grande chanteuse, Nelly Omar, elle-même parolière et compositrice. C’est un aspect de la vie de Homero Manzi qui est resté pieusement tu jusqu’à la mort de l’épouse légitime, Doña Casilda, il y a quelques années seulement. Nelly Omar elle-même s’était bien gardé d’en dire un seul mot pendant près d’un demi-siècle et quand elle en parle aujourd’hui, on peut deviner une distance amère entre la vieille dame d’aujourd’hui et ses souvenirs terriblement prégnants (voir mon article sur l’interview qu’elle avait accordée fin avril à Página/12 avant son concert annuel au Luna Park).
Second élément qui mérite de retenir notre attention : le film ne s’arrête pas à l’oeuvre du poète ou de l’artiste (1) mais il parle aussi de son engagement politique et de son compagnonnage militant avec Arturo Jauretche, un militant radical comme lui et l’un des grands écrivains de l’identité nationale (avec Manzi lui-même et Raúl Scalabrini Ortiz, dont c’est officiellement l’année actuellement, voir mon article à ce sujet). Ensemble, Manzi (sous son vrai nom, Homero Manzione) et Jauretche fondèrent le mouvement FORJA, pendant la Década Infame, pour défendre et promouvoir l’identité argentine et l’indépendance économique, politique et géostratégique du pays à l’heure où celui-ci était à la botte d’abord de l’Angleterre puis des Etats-Unis et servait avant tout les intérêts commerciaux et diplomatiques de ces deux grandes puissances. La FORJA fut dissoute par ses fondateurs peu après l’élection à la présidence de la République de Juan Domingo Perón, dont Homero Manzi ne vit pas la seconde élection (voir l’article sur les grandes dates de l’histoire de la région, dans la Colonne de droite, partie médiane, dans la rubrique Petites chronologies).
Troisième élément à retenir : la présence du tango dans le film, sous forme musicale (la bande-son cite 28 morceaux écrit par Homero Manzi) et sous forme chorégraphique (cette partie a été conçue et dirigée par Dolores de Amo, dont j’ai parlé récemment, lorsqu’elle a été reçue à la Academia Nacional del Tango, voir mon article du 15 août).
Enfin, vous le savez, ce blog a emprunté son nom à l’un des plus grands tangos du Maestro Homero Manzi, Barrio de Tango, un tango écrit là aussi à la fin de sa vie, en 1948, lorsqu’il se savait atteint de ce cancer qui allait l’emporter après plus de trois ans d’une lutte acharnée pied à pied contre la mort et debout, à la présidence de la Sadaic. Ce choix de ma part n’était pas un hasard (voir l’explication tout en bas de l’écran).
Espérons (on peut toujours rêver) que ce film pourra être un jour projeté en France et en Europe.
Pour aller plus loin :
reportez-vous tout d’abord à l’interview vidéo de Acho Manzi, Eduardo Spagnuolo (le réalisateur) et Carlos Portaluppi (l’interprète principal), diffusée sur le site de Clarín (cliquez sur le lien).
Pour voir des images et des extraits du film, reportez-vous au site consacré au film lui-même ainsi qu’au portail du cinéma argentin qui présente une fiche très complète sur cette prochaine sortie.
Et pour en savoir plus sur Homero Manzi, en espagnol, allez visiter le site que Acho Manzi a ouvert sur son père. Certaines pages sont encore en construction mais le site présente déjà de très nombreux documents passionnants. Le lien se trouve dans la Colonne de droite, en partie inférieure comme tous les liens à des sites externes, dans la rubrique Troesmas (maestros en verlan, une manière à la fois respectueuse et désinvolte de saluer ces grands artistes qui ont fait du tango cette expression sublime de l’âme et du coeur portègnes).
Pour ce qui est des livres, il y en a un qu’il faut avoir lu (même s’il est en espagnol), c’est le Homero Manzi de Horacio Salas, sorti chez Vergata Editor, pour l’année Homero Manzi, en 2007 (centenaire de sa naissance) et dont le travail de recherche bénéficia du concours du Maestro Acho Manzi, lui-même compositeur (si vous ne le saviez pas déjà) de El último organito, un tango qu’Homero Manzi, qui venait d’apprendre sa maladie, a voulu signer avec son rejeton (à peine 17 ans à l’époque).
Et si vous préférez rester en français, vous devrez vous contenter de mes articles dans Barrio de Tango. Le lien est disponible soit en haut, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, soit dans la rubrique Vecinos del Barrio, à la section Toujours là...