jeudi 11 octobre 2012

Le tango dans le quartier de Flores [Disques & Livres]


C'est une interview de Ángel Prignano, habitant de Flores, et auteur d'un essai intitulé El tango en el barrio de Flores, paru l'année dernière chez Editorial Biblos, qui est parue lundi dernier dans Página/12 et que mon agenda ne m'a guère laissé le temps de traiter...

Réparons ça de toute urgence car l'article est fort intéressant. L'essayiste y parle de cette relation très spéciale que le Portègne entretient avec son quartier, celui de sa naissance et celui où il vit, c'est d'ailleurs souvent le même.

Florilège...

¿Cómo aparece su pasión por el surgimiento y desarrollo del tango en el barrio de Flores?
Surge por el interés que tenía yo por saber dónde estaba parado, en qué barrio vivía, que es donde yo nací, quería saber cuáles eran las circunstancias de un pasado de mediados del siglo XX y veía que las cosas cambiaban rápido, quería conocer cuáles eran mis raíces, en qué circunstancias se desarrollaba la vida vecinal. Me interesa la vida de la gente de a pie, no me interesa la vida de los grandes héroes, me interesa la vida cotidiana, la historia popular, y rescatar un sinfín de gente que la historia llamada académica no trata, el submundo, lo que Gramsci llamaba la clase subalterna. Fui conectando historias de la gente, recogiendo testimonios orales, que hoy es una corriente muy importante dentro de la historia. Soy un producto de mi barrio, nací en el Bajo Flores, soy un vecino nyc, nacido y criado, no me fui nunca del barrio. En chiste digo que mi madre fue al mercado y cuando volvió se encontró conmigo en mi casa y se llevó una sorpresa. Eran momentos de transición, había que ir al Hospital Piñero, y en mi caso vino la partera y nací en mi casa; todas esas cuestiones me intrigaron de joven. Entonces fui tomando notas, recabé información de mi viejo, cuando en 1938 comenzó a hacerse la casa, en épocas en que era todo campos y bañados, sentí curiosidad por cómo era el barrio antes de nacer y comencé a investigar.
Angel Prignano, interviewé par Sergio Kisielewsky, in Página/12

- Comment apparaît votre passion pour le surgissement et le développement du tango dans le quartier de Flores ?
- Il surgit de l'intérêt que j'avais de savoir où je me trouvais, dans quel quartier je vivais, qui est celui où je suis né, je voulais savoir quelles étaient les circonstances d'un passé du milieu du 20ème siècle et je voyais que les choses changeaient vite, je voulais savoir quelles étaient mes racines, dans quelles conditions se développait la vie du voisinage. Ce qui m'intéresse, c'est la vie des gens qui sont à pied, pas la vie des grands héros. Ce qui m'intéresse c'est la vie quotidienne, l'histoire populaire, et sauvegarder une infinité de gens dont l'histoire que l'on nomme universitaire ne parle pas, le sous-monde, ce que Gramsci appelait la classe subalterne. Je me suis mis à connecter les histoires des gens, collectant des témoignages oraux, ce qui constitue aujourd'hui un courant très important dans l'histoire. Je suis un produit de mon quartier, je sui né dans le Bas Flores, je suis un habitant n&e, né et élevé [dans le quartier], je n'ai jamais quitté mon quartier. Pour blaguer, je dis que ma mère est allée au marché et quand elle est revenue elle m'a trouvé à la maison et ça a été une surprise. C'était une époque de transition. Il fallait aller à l'Hôpital Piñero et en ce qui me concerne, c'est la sage-femme qui est venue et je suis né à la maison. Toutes ces questions m'ont intrigué quand j'étais jeune. Alors je me suis mis à prendre des notes, j'ai recueilli des informations de mon père, quand en 1938 il a commencé à construire sa maison, à une époque où il n'y avait que des champs et des dépotoirs. J'ai ressenti de la curiosité pour ce à quoi pouvait ressembler le quartier avant ma naissance et j'ai commencé à chercher.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

¿De ahí surge el concepto de barrialidad?
Exacto, el porteño siente que pertenece a un barrio, cosa muy curiosa que yo no vi con tanta intensidad en otros países, en grandes ciudades de Europa. Hay una cuestión de pertenencia muy importante; el porteño necesita saber dónde está parado y el núcleo primario es el vecindario, que termina siendo el barrio; antes eran las cuatro cuadras a la redonda, uno jugaba a la pelota con el equipo que está a dos cuadras de la casa de uno, nos conocíamos, saludábamos al almacenero de la esquina, se ayudaba a otros que estaban haciendo sus casas acarreando los ladrillos. Las festividades, los cumpleaños en mi barrio se hacían con asado en la esquina. Y no hace mucho. No estamos hablando de la prehistoria. Eso al porteño le da el concepto de barrialidad: “Yo soy de tal lado”. Está el caso de la bibarrialidad, de personas que nacieron en un barrio, donde pasaron la infancia y la adolescencia y ahora están en otro barrio y tienen la barrialidad de nacimiento y la de adopción. La porteñidad es el diálogo entre barrios.
Angel Prignano, interviewé par Sergio Kisielewsky, in Página/12

- Est-ce de là que naît l'idée de quartiéritude ?
- Tout à fait. Le Portègne sent qu'il appartient à un quartier, un truc très bizarre (1) que je n'ai vue avec autant d'intensité dans aucun autre pays, dans aucune grande ville d'Europe. Il y a une question d'appartenance très importante. Le Portègne a besoin de savoir où il se trouve et son noyau premier c'est le voisinage qui finit par être le quartier. Avant, on avait les quatre cuadras à la ronde, on jouait au ballon avec l'équipe qui était à deux cuadras (2) de la maison, on se connaissait, on disait bonjour à l'épicier du coin de la rue, on aidait les autres à construire leurs maisons en assemblant les briques. Les fêtes, les anniversaires dans mon quartier, ça se fêtait avec un asado au coin de la rue. Et il n'y a pas longtemps de ça. Nous ne sommes pas en train de parler de la préhistoire. C'est cela qui donne au Portègne cette idée de la quartiérité : "Je suis de tel côté". Et il y a le cas de la bi-quartiéritude, ces gens qui sont nés dans un quartier où ils ont passé leur enfance et leur adolescence et maintenant ils sont dans un autre quartier et ils ont leur quartiéritude de naissance et celle d'adoption. La Portégnitude est le dialogue entre les quartiers.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

[...]

Llama la atención que se dedicó un tango con murga incluida a médicos del Hospital Piñero.
Era muy común cuando los músicos eran atendidos en algún hospital o algún médico lo atendía o lo operaban que en agradecimiento le dedicaran un tango. El hospital se inauguró en el año 1917, vino a cubrir una necesidad de atender la salud de la zona y el barrio, en especial del Bajo Flores, que era una zona desprotegida, y se llama Piñero porque Parmenio Piñero era el que donó la plata, era un rentista que falleció soltero y dejó escrito que se subastaran todas sus pertenencias y lo recaudado iría a la construcción de un hospital.
Angel Prignano, interviewé par Sergio Kisielewsky, in Página/12

- C'est étrange qu'on ait dédié un tango, incluant une murga, à des médecins de l'Hôpital Piñero.
- C'était très fréquent quand les musiciens étaient pris en charge dans un hôpital ou qu'un médecin les soignait ou les opérait, qu'en signe de remerciement, ils lui dédient un tango. L'hôpital a été inauguré en 1917. Il arrivait pour répondre à un besoin d'attention sanitaire dans la zone et le quartier, en particulier dans le Bas Flores qui était une zone défavorisée et il s'appelle Piñero parce que Parmenio Piñero est celui qui a donné l'argent. C'était un rentier qui est mort célibataire et il avait écrit qu'on vende aux enchères tous ses biens et que les sommes recueillies iraient à la construction d'un hôpital.
(Traduction Denise Anne Clavilier)


Usted dice que muchas orquestas y cantores entraron al mundo vía Flores.
Hugo del Carril entró al mundo por Flores y desarrollaron su vocación en el barrio con su amigo Floreal Ruiz. A Hugo y Floreal la muchachada del barrio los iba a buscar para que les cantaran serenatas a las novias. Se juntaban en el bar Colón, que estaba en avenida Eva Perón y Varela, guitarreaban, cantaban, tomaban algo. Hay una leyenda de Hugo del Carril que cortejaba a una muchacha que vivía en el Pasaje Renán al 1200, en las llamadas casitas municipales. Se apoyaba en un árbol chiquito para cantarle a la chica su serenata y dicen los vecinos que ese árbol se puede ver hoy que creció inclinado hacia la calle porque Hugo cantaba apoyado en el árbol hacia la ventana de la mujer.
Angel Prignano, interviewé par Sergio Kisielewsky, in Página/12

- Vous dites que beaucoup d'orchestres et de chanteurs sont venus au monde grâce à Flores.
- Hugo del Carril est venu au monde à Flores et on a développé sa vocation dans ce quartier avec son ami Floreal Ruiz. La jeunesse du quartier, c'était Hugo et Floreal qu'elle allait chercher pour chanter des sérénades aux fiancées. Ils se retrouvaient au bar Colón qui était à l'angle de Avenida Eva Perón et de la rue Varela, ils jouaient de la guitare, ils chantaient, ils buvaient un coup. Une légende veut que Hugo del Carril, qui courtisait une jeunette qui habitait dans le passage Renán au numéro 1200, dans ce qu'on appelait les petites maisons municipales. Il s'appuyait sur un arbrisseau tout petit (3) pour chanter à la petite sa sérénade et les habitants disent que ce même arbre on peut le voir aujourd'hui parce qu'il a grandi penché vers la rue parce que Hugo chantait appuyé sur l'arbre vers la fenêtre de cette femme.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Los tangos, en sus letras, reflejaron las consecuencias de la crisis del ’30, tangos sobre el Bajo Flores, el barrio Varela “que das un poco de aristocracia al trabajador” (4). Refleja la lucha por una vida mejor...
Además empezaron los tangos contestatarios en la década del ’30, mostraron su razón de ser; el tango es una ópera italiana en tres minutos, el drama que se desarrolla en ese tiempo es una maravilla, vemos al letrista, el poeta va interpretando lo que se vive en el barrio, por eso es una música popular que nos representa por excelencia, sobre todo al pueblo de Buenos Aires, aunque muchos músicos, cantores y poetas vinieron del interior. En los años ’30 la clase acomodada y la Iglesia se empiezan a preocupar por el léxico, se empiezan a preocupar por el lunfardo y aparece la censura entre el ’43 y el ’49, pero ya venía de los años ’30.
Angel Prignano, interviewé par Sergio Kisielewsky, in Página/12

- Les tangos, avec leurs textes, reflétaient les conséquences de la crise de 1930, des tangos sur le Bas Flores, le quartier Varela, toi qui donnes un peu d'aristocratie au travailleur. Il reflète la lutte pour une vie meilleure...
- Et par dessus le marché, les tangos contestataires ont commencé dans les années 1930, ils ont fait preuve de leur raison d'être. Le tango, c'est un opéra italien en trois minutes, le drame qui se déroule dans ce temps-là est une merveille. Il faut voir le parolier. Le poète interprète ce qui se vit dans le quartier, c'est pour cela que c'est une musique populaire qui nous représente au plus haut point, par-dessus tout le peuple de Buenos Aires, même s'il y a beaucoup de musiciens, de chanteurs et de poètes qui sont venus de l'intérieur [du pays]. Dans les années 1930, la classe aisée et l'Eglise commencent à s'inquiéter du lexique (5), on commence à s'inquiéter du lunfardo et apparaît la censure entre 1943 et 1949 mais elle venait déjà des années 30.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

[...]

Pour lire l'interview intégrale :
consultez la page du livre sur le site Internet de l'éditeur



(1) Pas si bizarre que ça si l'on songe à la place qu'occupe dans la culture de Buenos Aires le phénomène de l'immigration qui a formé le pays depuis sa toute première colonisation (y compris avec cette forme forcée d'immigration que fut la déportation des Africains) et qui a atteint des sommets dans les années 1880-1930, avec ce qu'on appelle encore la grande immigration. Que les descendants de ces gens aient nourri un besoin viscéral et transgénérationnel de s'enraciner dans un lieu qui soit enfin le leur après avoir perdu celui de leur naissance n'a rien de très surprenant. Mais l'auteur est sans doute trop plongé dans son vécu et dans sa réalité locale pour s'en rendre compte. Et remarquez ensuite cette comparaison non pas avec d'autres villes d'Amérique mais encore et toujours avec l'Europe. Celle dont les immigrants de 1880-1930 venaient dans leur immense majorité.
(2) Cuadra : consultez la Trousse lexicale d'urgence, dans la partie médiane de la Colonne de droite.
(3) C'est l'attitude désinvolte que décrit aussi Homero Manzi dans Sur, lorsqu'il se revoit, à la sortie du collège, attendant sa petite amie « appuyé contre la vitrine ». Voir Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, Editions du Jasmin, mai 2010, p 234.
(4) Citation d'un tango intitulé Barrio Varela, de Sebastián Rafael Loiácono et Paulino Mazzeo (que je découvre grâce à cette interview).
(5) La censure du lunfardo et des argentinismes sévit de 1943 (après le coup d'Etat du GOU, le 6 juin, qui préserva l'Argentine du conflit mondial, alors que les Etats-Unis la pressaient d'entrer en guerre de leurs côtés, et qui fut l'oeuvre d'une alliance nationale de courants politiques très divers, mais tous d'accord sur cet unique point : il fallait préserver la neutralité argentine) jusqu'en 1949, quand Perón, désormais solidement implanté dans le pays avec un appui populaire qui ne pouvait plus lui faire défaut, renonça peu à peu aux égards qu'il avait eus jusque là pour l'Eglise et la communauté catholique pratiquante.