Un frutero du marché de San Telmo (à la fin du mois d'août, avec les premières fraises, en bas à gauche)
Nouvel
épisode de ma série d'articles hebdomadaires où
je décris, depuis le 18 septembre, le programme du séjour
culturel à Buenos Aires que je vous propose pour le printemps prochain, qui sera aussi l'automne portègne (donc avec une faible différence de température).
Résumé
des épisodes précédents (pour lire les articles
concernés, cliquez sur le lien) :
La
synthèse initiale du programme des 14 jours (article du 18
septembre)
le
programme des jours 2 et 3 (le jour 1 est celui du vol aller)
Tous
ces articles sont rassemblés sous le mot-clé Viaje, sur lequel vous pouvez cliquez dans le bloc Pour
chercher, para buscar, to search, ci-dessus.
Aujourd'hui,
je vous présente le programme des jours 8 et 9, conçus sur un samedi et un dimanche (on pourrait penser à modifier certains détails sur des jours de semaine en tenant compte du calendrier variable de musées cités ci-dessous).
Une
grande partie de ces deux jours sera occupée par de longues
promenades à pied, où nous irons à notre rythme,
tranquillement, sans rechercher le record de kilomètres
parcourus mais en prenant le temps de savourer visites et parcours,
avec, le cas échéant, quelques pauses dans tel ou tel café
que nous trouverons sur notre chemin...
Le
8ème jour du séjour sera consacré à
découvrir la vie quotidienne d'hier et d'aujourd'hui.
Nous
commencerons donc par une visite du musée de la Ville de
Buenos Aires, Museo de la Ciudad, en fonction des expositions qui s'y
tiendront à ce moment-là, le musée disposant de
plusieurs locaux, tous dans le même bloc architectural, situé
à l'angle des rues Alsina et Defensa. Ce musée est
installé dans un ancien hôtel particulier, transformé
ensuite en plusieurs appartements L'actrice et comédienne
argentine Niní Marshall (1903-1996) y passa une partie de son
enfance (elle était née dans le quartier de Caballito)
et le musée lui rend d'ailleurs un discret hommage. Elle fut
surtout une interprète comique, d'un talent qui a marqué
plusieurs générations, une sorte d'Arletty argentine,
pour vous donner une idée de la manière dont ce nom
résonne dans la mémoire nationale...
Sur
le site Internet du musée, hébergé par le
portail de la Ville de Buenos Aires, vous trouverez un "tour
virtuel" (recorrido
virtual) au contenu très "touristique"
au sens grassement commercial du terme. C'est passablement décevant
à regarder mais ça vous permettra de reconnaître
et repérer un peu les lieux une fois sur place (tout est
photographié un dimanche d'été, pendant la feria
de San Telmo, laquelle est en train de perdre son caractère
convivial et authentiquement populaire pour devenir un centre
commercial à ciel ouvert pour gadgets internationaux....
Préférez donc et de loin les pages consacrées
aux collections, aux expositions temporaires, à l'histoire du
quartier et du musée, si toutefois vous lisez l'espagnol car
le site est unilingue).
Dans
les alentours immédiats, on trouve encore pas mal de bâtiments
d'un grand intérêt historique. Nous verrons, à
quelques mètres de là, la façade de la maison de
María Josefa de Ezcurra, la belle-sœur
de Juan Manuel de Rosas (voir le programme des jours 6 et 7 consacrés
aux quartiers de Palermo et de Recoleta) et la supposée et
sans doute éphémère maîtresse de Manuel
Belgrano. Cette vieille demeure cossue du 19ème siècle
est en cours de restauration, elle n'est donc pas encore ouverte au
public. Croisons les doigts : si elle l'est enfin en mai prochain, on
la visitera !
A
quelques centaines de mètres de là, se dresse le
mausolée du général Belgrano (1770-1820),
l'autre grand héros de l'indépendance avec José
de San Martín. Il repose dans un tombeau monumental, veillé
par deux flammes éternelles, dans le patio du couvent Santo
Domingo, toujours occupé par une communauté
dominicaine, le long de Avenida Belgrano.
Fils
d'un couple d'Italiens ayant immigré (déjà !) à
Buenos Ayres comme on écrivait alors, Don Manuel fut un
juriste, un économiste, un homme de lettres, un traducteur, un
fondateur d'écoles primaires et d'écoles techniques. Il
se transforma en chef d'armée pour reprendre Buenos Aires aux
Anglais en 1806 main dans la main avec Santiago de Liniers, ce
Français qui s'était mis au service du roi d'Espagne et
que l'administration coloniale de Buenos Aires allait nommer
elle-même vice-roi en 1807 (nous aurons visité ce qu'il reste
de la maison de Liniers au jour 2 de notre séjour).
En
mai 1810, Belgrano fut l'un des membres de la Junta de Mayo (collège
gouvernemental) qui remplaça le vice-roi Cisneros, déposé
la veille (voir mes articles de mai 2010 sur cette Semana de Mayo).
Par la suite, il se battit dans le Haut-Pérou (1), qu'il
chercha à maintenir dans la juridiction de Buenos Aires de
1811 à 1820. En 1812, Belgrano fut le créateur du
drapeau national (dont on a fêté au début de
cette année les 200 ans).
De
sa vie privée, à part des ragots destinés à
le déconsidérer aux yeux du peuple qui ne cessa de
l'admirer et de l'apprécier, on sait peu de choses mais il a
eu une relation amoureuse avec María Josefa de Ezcurra et il
en a eu un fils, que ce catholique dévot et pratiquant
n'aurait jamais reconnu. A ce que l'on peut reconstituer, il fut
éduqué par Juan Manuel de Rosas qui lui donna son nom
en premier patronyme, accolé à celui de Belgrano, qui
apparaissait ainsi comme le nom de la mère, ce qui avait sans
doute pour objectif de préserver l'honneur de María
Josefa.
Belgrano
mourut chez lui, à Buenos Aires, des suites du paludisme
contracté en 1812 à Tucumán,
épuisé par la maladie et tant d'années de lutte
dans des conditions matérielles et politiques épouvantables.
Pour autant qu'on puisse le savoir aujourd'hui, la cause immédiate
de sa mort fut un œdème
(le diagnostic de l'époque est celui d'une hydropisie).
Dans
un premier temps, il fut enterré comme un miséreux,
qu'il était devenu en ayant tout sacrifié à sa
patrie, et son corps échappa de peu à la fosse commune.
La Gaceta de Buenos Aires, l'organe officiel du gouvernement, qui,
l'année précédente, avait salué, comme il
convenait, la mémoire d'un autre général émérite
mort dans la fleur de l'âge, Antonio González Balcarce,
ne mentionna même pas la mort de Belgrano. Plus tard, sa
mémoire fut même roulée dans la boue par
l'oligarchie des années 1860 et suivantes (Sarmiento, Mitre,
Avellaneda, Roca, etc..), ce qui fut le cas pour tous les
révolutionnaires de la tendance sociale (Moreno, San Martín,
Castelli, French, Berutti, Monteagudo, etc...). Et de manière
très ambiguë pour lui comme pour San Martín, on
lui rendit aussi des honneurs dithyrambiques, en le limitant
étroitement à son rôle militaire, avec
l'installation de sa très martiale statue équestre
devant la Casa Rosada, sur Plaza de Mayo (programme du jour 2) et
celle de ce tombeau aussi pompeux que celui de San Martín dans
la cathédrale (jour 2).
Une galerie marchande dans une vieille casona du 19ème siècle,
à l'emplacement supposé de la maison de French,
l'un des leaders du soutien populaire à la révolution de Mai :
el solar de French. Rue Defensa, à la hauteur de Plaza Dorrego (San Telmo)
à l'emplacement supposé de la maison de French,
l'un des leaders du soutien populaire à la révolution de Mai :
el solar de French. Rue Defensa, à la hauteur de Plaza Dorrego (San Telmo)
Après
le déjeuner, qui est libre et que nous prendrons à
notre guise, ensemble ou non, comme chacun le souhaitera, nous
passerons cet après-midi à nous promener dans le
quartier, qui fourmille de petites rues très caractéristiques,
de vieilles casonas patriciennes qui connurent des fortunes diverses
à partir de 1871, quand elles furent abandonnés par
leurs propriétaires qui fuyaient dans leurs chacras de
Recoleta la contagion de la fièvre jaune (voir notre programme du 7ème jour). Après le luxe que nous aurons pu
apprécier les deux jours précédents, à
Palermo et à Recoleta, nous découvrirons ce quartier de
classe moyenne, donc encore populaire. Le contraste sera saisissant. Deux pays différents en une seule ville !
Après
avoir la plupart du temps servi de conventillo (2) jusqu'à
l'orée des années 1930, ces vieilles casonas abritent
maintenant des studios d'artistes ou des galeries d'artisans, des
restaurants au cachet inimitable, pas toujours bon marché, ou
des brocantes (les fameux cambalaches portègnes), parfois
mêmes des hostels (sorte de maison d'hôtes où
chaque client dispose d'une chambre et partage le reste des
installations avec les autres, cuisines, salles de bain, salles de
séjour et à manger, patios...).
Nous
visiterons à coup sûr le marché de San Telmo, un
marché couvert tout ce qu'il y a de plus quotidien à
Buenos Aires, à ceci près qu'il dispose aussi d'une
très belle partie brocante que les autres n'ont pas. Ce marché
a été fondé en 1887, lorsque l'immigration qui
déferlait sur Buenos Aires a obligé la ville a aménagé
des lieux d'approvisionnement un peu partout dans le sud où
s'amassait cette population pauvre. Elle le fit en 1893 dans l'actuel
quartier de l'Abasto (les Halles), et dans les mêmes années
sur Avenida San Juan, avec le Mercado San Juan, qui existe toujours
lui aussi (mais il est moins vivant et moins achalandé que le
Mercado San Telmo). Je vous montrerai quelques secrets des
bouchers, des charcutiers (ceux dont je suis cliente quand je suis à
Buenos Aires), des boulangers-pâtissiers et des fromagers de
là-bas, très différents de leurs homologues
d'ici. Nous admirerons les compositions magiques des marchands de
fruits et légumes, avec sans doute, en mai, pas mal de prunes,
de raisins, de figues, de poires d'automne (à Buenos Aires, en
fruits et légumes, on ne trouve guère que des produits
de saison car le pays importe très peu dans ce domaine, à
part les bananes et les ananas, qui viennent du Costa Rica, comme
pour nous). C'est là que vous pourrez, si vous le voulez,
acheter mate (3) et bombilla à prix local ou trouver des vieux
vinyles de tango dans leurs pochettes originales, des vielles cartes
postales, des vieux bouquins (y compris des éditions
françaises !)...
L'autre
must du quartier, c'est la très fameuse Plaza Dorrego, centre
névralgique de la Feria de San Telmo le dimanche (mieux vaut
la visiter un samedi quand elle est vide, on la voit mieux). Et si
nous avons assez de jambes pour cela, nous pousserons jusqu'à
Parque Lezama, un très bel espace vert devant le Centro
Cultural Torquato Tasso dont je vous parle fréquemment pour
ses très belles soirées musicales. Au Parque Lezama, se
trouve aussi le Museo Histórico Nacional, le MHN de son petit
nom. Ce musée n'est pas inclus dans le parcours déjà
fixé mais il fait partie de ceux que vous pourrez ajouter à
votre parcours personnel, soit ce jour-là, avec ou sans moi,
soit un autre jour, à votre guise. Le MHN raconte la création
de l'imagerie nationale, aux environs du premier centenaire du pays,
lorsqu'il fallait faire feu de tout bois pour intégrer cette
énorme masse d'immigrants qui affluaient de toute l'Europe. On
le fit à travers l'école obligatoire pour leurs enfants
et on le fit aussi en créant de toutes pièces des
images, devenues depuis autant de stéréotypes, pour
fédérer dans les mêmes représentations ce
qui devenait l'histoire commune à tous. Inutile de vous dire
que ce musée nous montre aussi combien cette imagerie est
éloignée de la la réalité historique
qu'elle prétend raconter...
Le
dîner est libre. La soirée aussi. Milonga pour ceux qui
brûlent de "raboter (4) la piste" (vous disposez dans la Colonne
de droite, dans la rubrique Eh bien ! Dansez maintenant, de liens
actifs et permanents vers plusieurs magazines de la communauté
portègne des danseurs, où vous avez toutes les annonces
des milongas jour par jour, quartier par quartier). Ce sera un bon
jour pour aller danser car, à Buenos Aires aussi, les milongas
du samedi sont favorisées par la grasse matinée du
lendemain dimanche. Concert (en fonction de l'affiche pour ceux qui
le souhaiteront, ils pourront m'en parler la veille pour que je
consulte mes sources, celles-là même avec lesquelles je
construis ce blog jour après jour). Ou dodo !
Le
lendemain, après le petit-déjeuner dominical, dans la
salle de réunion de l'hôtel, je vous dresserai un
tableau succinct de ce phénomène historique, politique,
démographique, économique, linguistique et culturel
tout-à-fait capitale dans la constitution de ce pays et
singulièrement de sa capitale que fut l'immigration massive
des années 1880-1930.
Pour vous en donner simplement une
petite idée, imaginez qu'entre 1870 et 1895, soit en un quart de siècle
sur un phénomène qui s'attela sur 50 ans, la population
de Buenos Aires, au sens strict, a augmenté de 370%, alors
même que l'épidémie de fièvre jaune avait
tué 7,3% des habitants à l'été 1871.
Seule la première guerre mondiale parvint à interrompre
quelque temps ce flot d'immigrants qui débarquaient jour après
jour, par navire de 1000 passagers à la fois au bas mot, sur
le port, dans sa partie aujourd'hui transformée en port de
plaisance de Puerto Madero.
Comme
vous pouvez l'imaginer, il reste peu de témoignages urbains de
ce phénomène qui ne fut pas, bien au contraire, ce
qu'attendait ses initiateurs, les gros propriétaires terriens
qui s'emparèrent du pouvoir en 1880 à l'occasion
d'élections grossièrement truquées, ce qu'on
appelle la Generación del 80, l'un des gouvernements les plus
corrompus de l'histoire argentine, qui se maintint à la tête
de l'Etat, dans le népotisme, les prévarications et la
persécution forcenée de toute forme d'opposition
démocratique ou anarchiste, jusqu'en 1916. Ils voulaient
attirer des capitaines d'industrie et des professionnels libéraux
anglosaxons et virent débouler des Galiciens sans terre, des
révolutionnaires italiens, des anarchistes russes, des juifs
d'Europe de l'Est et des Libanais maronites qui fuyaient la politique
turquisante de l'Empire Ottoman...
Après
ma conférence, une bonne partie de notre journée se
passera donc dans ce qui est aujourd'hui le Vieux Port et constitue
désormais le quartier ultra-moderne et ultra-chic de Puerto
Madero. Ce qui est tout compte fait une victoire posthume de la
Generación del 80 ! Nous nous rendrons d'abord au Museo de la
Inmigración, qui est actuellement en travaux. S'il est ouvert
en mai, on le visitera. Sinon, on pourra voir le bâtiment de
l'extérieur (en tout cas, je l'espère) car il s'agit
d'une institution très particulière, el Hotel de los
Inmigrantes, établissement sinistre où les nouveaux
arrivants, qui n'avaient personne pour les accueillir à leur
descente du bateau (5), étaient parqués, quelques jours
seulement et dans le plus absolu dénuement, histoire de ne pas
les habituer à être assistés, ce qui
(l'oligarchie le croyait et le croit toujours fermement) rend les
pauvres encore plus paresseux qu'ils ne le sont naturellement (6).
Aujourd'hui,
le port populeux, boueux, avec ses dockers en sueur et ces flots
incessants d'immigrants épuisés par le voyage en
troisième classe, a fait place à un élégant
quartier insouciant, qui a réhabilité pour son agrément
les quais, les hangars en briquettes rouge-sang et les grues jaune-orangé, y installant de fastueux cafés,
restaurants, hôtels et commerces de luxe, avec vue imprenable
sur la blancheur immaculée d'un spectaculaire pont suspendu
(Puente de la Mujer). La promenade est somptueuse et il faut faire un
gros effort d'imagination pour se représenter le phénomène
qui se produisit là pendant 50 ans...
Le long des quais, deux
bâtiments de la Marine Nationale ont été amarrés
définitivement pour être transformés en musée
: la frégate Sarmiento, le plus gros des deux, et la corvette
Uruguay, magnifiques voiliers qui furent, l'un, un navire-école
qui sillonna le monde (et vint longtemps rendre les honneurs à
San Martín le 17 août, dans le port de Boulogne-sur-Mer)
(7), l'autre, un bâtiment d'exploration qui fit plusieurs
missions scientifiques dans les eaux du pôle sud. Très
impressionnants l'un et l'autre. La visite n'a pas été
intégrée au programme fixé sur le papier pour dégager des marges de manœuvre
sur place mais si le groupe le souhaite, on pourra mettre le pied à
bord. En août, la visite s'élevait à 1 peso (ce
qui fait quelque chose comme 20 centimes d'euro). Je
n'ai donc pas jugé utile de faire inclure cette éventualité
dans l'établissement du devis qu'Intermèdes a calculé
et vous propose (2 785 € par personne, hors taxes aéroportuaires).
Si
le temps le permet (c'est-à-dire s'il ne pleut pas), nous
irons nous promener aussi sur la Costanera Sur ou dans la Réserve
écologique, deux bandes de terre qui ont été
gagnées sur le fleuve avec la technique des polders hollandais
pour abriter flore et faune, en particulier une riche biodiversité
d'oiseaux de toutes tailles...
Dans
la soirée, nous partagerons une nouvelle soirée
musicale, dans un lieu et avec des artistes qui dépendront de
ce que l'affiche nous offrira ce jour-là. Un mini-bus est
prévu pour nous emmener sur place et nous raccompagner à
l'hôtel en toute fin de soirée...
Et
le lendemain, nous aborderons enfin le sujet mythique de tout voyage
à Buenos Aires : le tango.
Nous y consacrerons deux journées
complètes pour pouvoir l'examiner sous toutes ses coutures,
musique instrumentale, chant, fileteado, danse, histoire et mémoire,
et même une conférence en français d'un
académicien qui ne sera pas moi (ça changera), un Argentin...
Suite
au prochain numéro !
Pour
aller plus loin :
visiter
la page Internet du Museo Histórico Nacional sur le site du
Secrétariat d'Etat à la Culture
visiter
la page Internet de la frégate Sarmiento sur le portail de la
Marine Argentine
visiter
la page Internet de la corvette Uruguay sur ce même portail
(1)
Le Haut-Pérou, attaché au vice-royaume du Río de
la Plata en 1776 lors de la scission en deux du vice-royaume du
Pérou, est devenu aujourd'hui la Bolivie.
(2)
conventillo (ou petit couvent) : nom dérisoire donné
par les immigrants aux logements délabrés, humides et
insalubres qu'ils s'organisèrent comme ils le purent pendant
la grande vague migratoire qui sera le sujet de notre 9ème
jour. Donc dans la suite de ce même article.
(3)
le récipient qui sert à confectionner le breuvage et
non pas la plante (yerba mate) qui s'achète au supermarché.
Je vous emmènerai si vous voulez. Ce n'est pas très
compliqué. Il y en a à tous les coins de rue.
(4)
sacar viruta al piso : littéralement "enlever
un copeau au plancher",
est une expression qui s'applique aux danseurs, si passionnés
qu'ils usent le plancher de la piste à force de danser...
C'est pour cette raison qu'une des milongas les plus connues de
Buenos Aires s'appelle la Viruta.
(5)
Berthe Gardes, par exemple, lors qu'elle arriva en mars 1893 avec son
bébé de deux ans dans les bras, un petit garçon
qui allait donner quelques lettres de noblesse à la musique
populaire du lieu sous le nom de Carlos Gardel, fut accueillie tout de suite par une de ses amies françaises, Anaïs
Beau, qui l'avait fait venir en lui offrant un emploi de repasseuse
dans sa blanchisserie. Elle échappa donc à l'enfer de cet Hotel de los Inmigrantes. Mais pour une Berthe Gardes, combien de
pauvres hères s'entassèrent là pour passer deux
nuits à même le sol, avec à peine un drap pour se
couvrir et un bagage en guise d'oreiller, paysans sans terre,
artisans chassés de leur métier par la révolution
industrielle désormais terminée, révolutionnaires
interdits de séjour dans leur pays de naissance ou famille
ashkénaze fuyant les pogroms de l'Empire russe qui ne connaissaient
personne à destination et n'avaient pas la moindre idée
réaliste du pays dans lequel ils débarquaient, croyant
encore pour quelques heures qu'ils allaient y faire une fortune
rapide...
(6)
Cet hôtel imitait les homes de charité qui accueillaient
les miséreux de Londres et où Chaplin enfant avait vécu
à plusieurs reprises. Et l'idée que l'assistanat invite
à la paresse, qui traînent dans le discours des
démagogues en Europe, est encore très, très
forte en Argentine, et l'actuelle politique de redistribution sociale
de Cristina Fernández de Kirchner fait ressortir ces vieilles
lunes un peu partout au café du commerce...
(7)
Actuellement, ce rôle de navire-école a été
repris par la frégate Libertad, qui se trouve depuis plusieurs
jours saisie dans un port du Ghana par des fonds financiers privés
créanciers d'une partie de la dette contractée par
l'Argentine avant la faillite de décembre 2001. Le
gouvernement argentin s'efforce de faire libérer le navire
mais l'opération juridique a été admirablement
bien montée par le fonds créancier et la frégate
semble au mouillage africain pour un bon moment...