jeudi 17 décembre 2015

Inculpation de Hebe de Bonafini pour incitation à la violence [Actu]

Photo d'archives de la chaîne TN (groupe Clarín)

Tandis que le juge d'instruction fédéral Daniel Rafecas hérite de plusieurs plaintes pour malversation, corruptions, enrichissement illicite et abus de l'usage de la chaîne de télévision publique contre l'ex-présidente Cristina de Kichner (ça tombe comme à Gravelotte !), voilà qu'un autre juge vient d'inculper la présidente de Madres de Plaza de Mayo, Hebe de Bonafini, pour incitation à la violence, pour un appel qu'elle a lancé à manifester le jour même de l'investiture, contre Mauricio Macri, qu'elle désignait alors comme son "ennemi".

Cet appel de Hebe de Bonafini était des plus contestables. Et oui, c'était bien un appel séditieux. Traiter d'ennemi le président élu démocratiquement juste parce qu'il n'a pas les mêmes idées que vous est par excellence un acte anti-démocratique. Mais elle n'a pas été suivie. Personne ne l'a rejointe le jour J, elle était toute seule sous son auvent sur une Plaza de Mayo qui allait être envahie par une foule en liesse. L'appel a été lancé dans le vide et la dame a plus de quatre-vingt ans et c'est une mère que la dictature militaire a privée de ses enfants en les tuant. La laisser tranquille ne ferait aucun tort à la démocratie et on pourrait se contenter de combattre ses idées antidémocratiques par le débat et avec des arguments politiques. Ce serait plus efficace et plus digne que de la traîner devant un tribunal (devant lequel elle pourrait être convoquée de manière plus justifiée pour rendre compte de l'usage qu'elle a fait des fonds publics qui lui ont été attribués pendant des années et qui est particulièrement trouble).

Cette inculpation, pour de simples paroles plus stupides que dangereuses, sent la revanche anti-kirchneriste. Cela pue !

Pendant ce temps, alors qu'un juge qui s'était chargé d'un certain nombre de procès contre Mauricio Macri, lorsque celui-ci était Chef de Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, vient d'annoncer son départ à la retraite (il ne peut pas se promener dans la rue sans se faire insulter), à quelques jours de la Nativité, la Conférence Episcopale Argentine vient d'appeler une nouvelle fois à la réconciliation et à la guérison des "liens abîmés" entre les Argentins (et les liens ont été abîmés par les deux camps depuis les années 1930, voire plus tôt encore...).
Au-delà des efforts politiques du Président et d'un certain nombre de personnalités de droite et de gauche, comme Daniel Sioli, les gouverneurs, la grande majorité des maires de la Province de Buenos Aires, Estela de Carlotto qui accepte de dialoguer avec le nouveau ministre de la Culture, l'ancien directeur de la Culture de la Province de Buenos Aires qui devient directeur des théâtres municipaux de la capitale fédérale, etc., à l'heure où le Gouvernement lève le contrôle des changes, ce qui entraîne automatiquement la dévaluation si redoutée de la monnaie nationale, qui devrait coter aujourd'hui à 14 pesos pour 1 dollar US sans marché noir des changes, et une épouvantable flambée des prix pendant les fêtes, ce sera de toute évidence un chantier difficile et plein de chausse-trappes, que de rabibocher entre eux les citoyens de ce pays divisé.

Et pourtant d'un point de vue anthropologique, c'est bien le moment où le processus devrait enfin déboucher sur un certain apaisement puisque toutes les grandes réconciliations nationales s'accomplissent environ un demi-siècle après l'événement traumatisant. Or le coup d'Etat s'est produit il y aura 40 ans le 24 mars prochain tandis que la démocratie et l'ordre constitutionnel sont revenus il y a 32 ans, ce qui correspond à un peu plus d'une génération (1).

Pour aller plus loin :
lire l'article de Clarín sur l'inculpation de Hebe de Bonafini
lire l'article de La Prensa sur le même sujet
lire l'article de La Prensa sur l'appel de la CEA à la réconciliation en ces fêtes de Noël et ce jubilé de la Miséricorde qui se célèbre dans toute l'Eglise catholique partout dans le monde.

Et la dame est coriace : un peu plus tard dans la journée, elle a vertement répliqué à son inculpation en redisant les mêmes choses... en assimilant clairement le nouveau gouvernement à celui de la Dictature militaire (à cause du programme économique). Lire à ce propos l'article de Clarín qui fait monter la sauce (parce que Clarín est très hostile à Madres de Plaza de Mayo).



(1) Les historiens comptent quatre générations par siècle.