Pablo Avelluto, le nouveau ministre de
la Culture, présentera son cabinet et son programme d'action, lundi
21 décembre 2015, à 11h, au Museo Nacional de Arte Decorativo,
Libertador 1902, à Palermo.
photo diffusée par la Présidence argentine |
D'ores et déjà le ministre a donné à
connaître les grands axes de son programme politique dont l'objectif
n° 1 est de mettre en relief l'hétérogénéité de la vie
culturelle du pays, ce qui constitue un changement significatif
puisque jusqu'à présent tout allait un peu dans le même sens, dans
l'exaltation de valeurs perçues comme positives : le culte de
la patrie, du progrès social, du combat contre l'impérialisme, des
grands hommes présumés de gauche ou récupérés comme tels (1), toutes choses qui
se justifient très bien mais qui ne couvrent pas l'ensemble du
spectre ni des sensibilités ni des réalités culturelles du pays.
Dans son communiqué, Pablo Avelluto
dit vouloir renforcer la mise en place de concours ouverts et
transparents comme procédure ordinaire de nomination des directeurs
de musées et de théâtres nationaux, comme cela avait déjà été
mis en place il y a très peu de temps pour le Museo Nacional de
Bellas Artes.
Il entend consulter les professionnels
pour planifier les actions à mener en vue de promouvoir chacun des
domaines relevant de son ministère, encourager les publics
défavorisés à fréquenter les établissements culturels, notamment
dans le Gran Buenos Aires et le nord du pays (2), penser l'identité
culturelle dans un dialogue entre le niveau national et les niveaux
provinciaux pour rééquilibrer la manière dont l'Argentine se
conçoit elle-même, scanner et mettre en accès libre l'information
culturelle (3) et créer un réseau d'échanges entre les villes au
niveau national, continental et international (4) pour projeter
l'identité culturelle argentine dans le monde, un des points sur
lesquels il ne me semble pas injuste de dire que le précédent
gouvernement a échoué. Encore que non, on ne peut pas dire cela de
cette manière car en fait, ce précédent gouvernement a conservé
dans ce domaine très particulier de l'échange culturel
international une conception des choses et une pratique très
argentino-argentine, avec des arguments nationalistes qui étaient
parfois à la limite de la xénophobie et il tenait peut-être sur ce
plan un double langage (5), parlant de projection vers l'extérieur
sans y mettre les moyens en hommes et en budget tout en dépensant
comme je l'ai dit dans la première partie de la note 5 des sommes
faramineuses et improductives, faute de s'y prendre dans le bon sens,
en commençant par le terrain et en étendant progressivement
l'action hors des frontières.
Pour aller plus loin :
lire le communiqué officiel du ministère annonçant la présentation de lundi.
Ajout du 22 décembre 2015 :
lire l'article de Página/12
lire le second article de La Nación
lire le premier article de La Nación dès lundi
lire le communiqué officiel du Gouvernement sur la réunion telle qu'elle s'est tenue.
Ajout du 22 décembre 2015 :
lire l'article de Página/12
lire le second article de La Nación
lire le premier article de La Nación dès lundi
lire le communiqué officiel du Gouvernement sur la réunion telle qu'elle s'est tenue.
Sans oublier :
le nouveau directeur du Museo Nacional de Bellas Artes, Andrés Duprat, lui-même nommé après concours, va lancer un appel à candidatures en bonne et due forme pour attribuer le poste de Conservateur en chef (curador) de l'institution, après la fin du contrat du titulaire actuel. Lire l'article de La Nación sur le sujet.
le nouveau directeur du Museo Nacional de Bellas Artes, Andrés Duprat, lui-même nommé après concours, va lancer un appel à candidatures en bonne et due forme pour attribuer le poste de Conservateur en chef (curador) de l'institution, après la fin du contrat du titulaire actuel. Lire l'article de La Nación sur le sujet.
La désormais traditionnelle photo de famille dans un jardin... |
(1) Mariano Moreno, Manuel Belgrano,
José de San Martín, Manuel Dorrego, tous les fédéraux de la guerre civile ou peu s'en faut, l'inévitable Juan Domingo
Perón et son inséparable Evita, Madres et Abuelas de Plaza de Mayo,
Julio Cortázar... D'autres grandes figures, non inscrites dans le
panthéon péroniste, étaient relayées au second plan, oubliées ou
franchement maltraitées : Bartolomé Mitre et Domingo
Sarmiento, les intellectuels les plus puissants de leur temps et
nettement marqués à droite avec les préjugés de leur époque qui
ne sont plus les nôtres, Julio Argentino Roca, le très contesté
chef de l'Expédition du Désert qu'il faut pouvoir aborder dans sa
complexité et son temps, sans anachronismes, Hipólito Yrigoyen qui
avait le malheur d'être radical (et les radicaux sont historiquement
opposés au péronisme), Jorge Luis Borges passé de la gauche
radicale à une droite assez dure mais qui n'en était pas moins l'un
des esprits les plus brillants de son temps et un éternel candidat à
un Prix Nobel de littérature qui ne vint jamais... Et il y en a bien
d'autres qui méritent de trouver leur juste place dans l'histoire
politique, intellectuelle et esthétique du pays.
(2) Il y a beaucoup de travail à
effectuer dans des provinces comme Formosa, Chaco, Jujuy... Et on
attend dans ce cas que le gouvernement rétablisse très vite Claudio
Espector dans l'intégralité de ses fonctions à la tête des
Orchestres juvéniles et enfantins de la Ville de Buenos Aires et de
tout le reste du pays où le programme a été déployé par le
gouvernement précédent.
(3) Pour le moment, quand ces chantiers
ont été entamés et ils l'ont été dans de multiples cadres,
l'information n'a pas pu être mise en ligne en accès libre pour de
simples raisons matérielles : quand on met à disposition de
tout le public du contenu dématérialisé, il faut pouvoir protéger
physiquement les magasins où se trouve conservé le contenu
matériel, sinon il y a des cambriolages. C'est le casse-tête de
nombreuses bibliothèques publiques et des archives nationales et
provinciales. En revanche, une institution comme le Museo Nacional de
Bellas Artes a pu mettre d'ores et déjà en ligne une grande partie
de ses collections, que les pièces soient exposées ou non, et faire
de son site Internet une mine d'informations, avec des reproductions
en très haute définition d'une qualité parfaite.
(4) Ce n'est pas la première fois que
revient ainsi dans le discours de tel ou tel responsable
gouvernemental cette référence aux expériences à l'étranger.
Tant et si bien que je me demande dans quelle mesure les fréquents
voyages à l'étranger de Mauricio Macri et de plusieurs de ses
ministres, dont un quotidien comme Página/12 s'est si souvent
scandalisé, ne constituaient pas des voyages d'étude pour aller
voir comment les choses se passaient aux Etats-Unis, au Canada, en
Italie, en France, en Grande-Bretagne et en Espagne. Après tout,
c'est souvent comme cela que l'Argentine a progressé et non
seulement l'Argentine mais tous les pays de la terre. On s'améliore
et on s'enrichit en allant regarder comment les choses se passent
ailleurs et on s'encroûte en s'enfermant dans ses frontières
physiques ou intellectuelles. Or en Argentine, le problème du voyage
n'est pas seulement un problème d'argent, c'est aussi un problème
de manque de maîtrise des langues étrangères. Au moins en ce qui
concerne Macri, ce problème-là n'existe pas : il parle
nécessairement un excellent anglais puisqu'il a terminé ses études
dans une grande université des Etats-Unis.
(5) Je pense à ces voyages très chers
offerts à différentes personnalités, parfois de premier plan, qui,
une fois à Paris, ont été réduites à parler en espagnol dans le
grand salon de l'Ambassade devant une cinquantaine de personnes parmi
lesquelles j'étais la seule Française et qui, revenues dans leur
pays, parlaient de leur succès dans la capitale française ou se
félicitaient d'y avoir rencontré "tant
de gens si intéressées par l'Argentine"
(cette blague, c'était des Argentins !). Je n'ai jamais su
exactement à quoi tenait ce fonctionnement contre-productif dont
j'ai moi-même parfois fait l'expérience déplaisante au contact de
tel ou tel titulaire d'un poste qu'il ou elle devait à un engagement
partisan au demeurant sincère (sans qu'il s'agisse jamais d'une
fonction d'élu). Reflétait-il bel et bien le fond de la volonté
politique du Gouvernement ou relevait-il plutôt d'une attitude
courtisane consistant à ne prendre aucun risque, donc aucune
initiative un tant soit peu originale, afin de garder son poste ou de
conserver des conditions de travail confortables (notamment dans les
Ambassades et autres représentations extérieures). A moins qu'il ne
se soit agi d'une conception étroite et bornée d'un patriotisme
sectaire ou d'un cruel manque d'imagination ou plus prosaïquement
encore d'une volonté délibérée de ne faire confiance qu'aux
copains ou aux copains des copains et peu importe qu'ils n'aient
aucune compétence pour mener leurs missions jusqu'à un résultat
concret. J'ai en particulier le souvenir d'un attaché culturel qui,
de culturel, n'avait que le titre et en savait moins que moi, mais
beaucoup moins que moi, sur tous les sujets sur lesquels il était
censé intervenir. Et peut-être la gravité de ce blocage
relève-t-elle d'un mélange de tout ça, selon les personnalités,
les ambitions de carrière, les liens affectifs entretenus avec telle
ou telle personne au sein de l'autorité de tutelle... Mon impression
d'ensemble était que ce mode de fonctionnement restait bigrement
arbitraire et manquait singulièrement de transmission entre les
titulaires successifs, de structuration institutionnelle, de
procédures rodées et de compétences, parfois aussi de bonne
volonté parce que les gens incompétents hésitent à bouger de peur
de dévoiler leur ignorance et peu à peu, ils se transforment en
dragon furieux qui défend sa caverne ou en porte muette et
obstinément fermée occultant une sinécure (bien payée, cela va
sans dire). J'ai souvent eu l'impression que chaque titulaire
réinventait son poste à partir de zéro, ce qui consomme une
énergie considérable et stérile. Sur place, en Argentine, sur le
terrain, dans les musées, les théâtres, les universités, la
radio, cette sclérose structurelle devenait de plus en plus
insupportable pour bon nombre de gens que je connais, qui ont de
l'imagination, du bon sens et des capacités et dont les idées
étaient parfois volées (cela m'est arrivé à moi aussi il y a
plusieurs années de la part d'une diplomate), tronquées,
détournées, voire simplement écartées sans explication ou avec
des explications tordues ou absurdes.