jeudi 17 décembre 2015

Le CCC entre en résistance : "Soy Charly" en quelque sorte [Actu]

Plusieurs collectifs d'acteurs culturels, d'artistes et d'intellectuels de gauche, appellent aujourd'hui, à midi, à une assemblée générale au Centro Cultural de la Cooperación Floreal Gorini (CCC), situé face au Teatro San Martín, sur Avenida Corrientes (1543) : Carta Abierta (lettre ouverte), Fundación DAR, Frente de Artistas y Trabajadores de las Culturas (remarquez le pluriel du mot culture), d'autres centres culturels et des syndicats. Le ton est combatif, comme si souvent avec cette gauche qui ne sait pas se positionner autrement que dans le rapport de force (1).

Façade du CCC telle qu'elle figure sur la page Facebook de l'institution

Cette assemblée générale est convoquée à la suite à la lettre ouverte de Charly García, dont je vous parlais hier, au ministre des Médias publics, Hernán Lombardi, qui représente la politique culturelle que toutes ces organisations ont combattue et vomie pendant les huit ans d'exercice du pouvoir de Mauricio Macri à la tête de la Ville Autonome de Buenos Aires.

"No todos somos Charly, dit l'un des responsables de la manifestation, pero así es como empiezan o darse cuenta de que no pueden hacer todo lo que quieren."

"Nous ne sommes par tous Charly [et c'est une claire référence au slogan du début de l'année après les attentats à Paris] mais c'est comme ça qu'ils vont commencer à se rendre compte qu'ils ne peuvent pas faire tout ce qu'ils veulent." (Traduction © Denise Anne Clavilier) (2).
Les initiateurs du mouvement souhaitent que celui-ci ne sombre pas dans une démarche idéologique, dans un discours monolithique, mais conserve et cultive la diversité sociale, politique et disciplinaire qui fait sa richesse. Et c'est un trait emblématique du mouvement coopératif que de cultiver le pluralisme entre les coopérants eux-mêmes. C'est un premier échelon où en faire l'apprentissage civique par l'expérience concrète.

Les acteurs qui se mobilisent ce midi et appellent à les rejoindre veulent défendre les acquis du gouvernement précédent au premier rang desquels ils placent -non sans raison- l'existence d'un ministère national de la Culture. Pour l'heure, rien n'a été fait par le nouveau ministre pour casser ce qui avait été mis en place par les prédécesseurs : Canal Encuentro reste en place, Paka Paka, le CC Kirchner et Tecnópolis aussi, qui étaient les quatre institutions phares de cette politique culturelle, je n'ai pas vu que l'INCAA (cinéma et audiovisuel) soit démantelé, ni le réseau des musées nationaux, ni le MICA (marché des industries culturelles)... Il n'en reste pas moins qu'ils ont raison d'être vigilants : c'est le rôle de l'opposition et la fonction de ce nouveau paysage politique argentin.

Il faut maintenant que le CCC et les autres institutions qui défendent la culture populaire s'inventent une stratégie et un discours conforme à la nouvelle situation, ne serait-ce que pour être crédibles au regard des concitoyens. De toute évidence, ce n'est pas encore acquis et même la prise de conscience du changement qui semble bien s'être opéré n'est pas faite.

Et comme on pouvait s'y attendre, quel est le seul journal qui parle de cette manifestation ? Je vous le donne en mil : Página/12, comme d'hab !

A côté de l'article de Página/12, vous pouvez aussi consulter le site Internet du CCC et sa page Facebook. Et je profite de cet article pour saluer les quelques amis que j'ai dans cette institution et leur dire que je comprends leurs inquiétudes sans avoir aucune raison, pour le moment, de les partager.

Ajout du 30 décembre 2015 :
Il est probable que cet appel n'a pas connu le succès, car le lendemain, Página/12 n'en a même pas parlé.
Toutefois, aujourd'hui, el Espacio Carta Abierta, qui participait à cet appel à réfléchir ensemble, revient à la charge dans un éditorial qu'il consacre à un supposé lexique du nouveau Gouvernement qui travestirait le vocabulaire ordinaire (ce qui est d'autant plus culotté que le péronisme n'est pas le dernier en Argentine à se prêter à des impostures lexicales !). L'article est désolant, les arguments sont indigents, souvent de mauvaise foi et les auteurs appuient leurs propos plus souvent sur des vaticinations que sur des actes avérés de ce gouvernement. C'est aussi peu convaincant que l'éditorial de Horacio González de lundi, dans le même journal, et donc j'ai parlé hier, dans un article que j'ai consacré à l'interview-programme de Hernán Lombardi.



(1) C'est le produit de l'histoire dans un pays et un continent où l'oligarchie a toujours su s'imposer par la force au reste de la population et n'a guère eu de scrupule quant aux moyens qu'elle y employait.
(2) Il me semble bien qu'ils le savent déjà, eu égard à la faible différence du premier tour, à l'équilibre politique dans les Provinces, où une légère majorité des Gouverneurs sont kirchneristes, comme l'a très bien montré la photo commentée de Clarín que j'ai diffusée il y a quelque jours, et à la composition politique des Chambres, où Cambiemos a une légère majorité chez les Députés et le Frente para la Victoria une nette majorité au Sénat. Et si Macri est si conciliant, c'est peut-être aussi parce qu'il est conscient que le peuple souverain l'a mis dans cette situation qui ne permet pas du tout de faire tout et n'importe quoi (ce n'était pas le cas quand il gouvernait la Capitale fédérale, où les majorités étaient beaucoup plus nettes, tant dans la ville que dans le pays tout entier).