vendredi 18 décembre 2015

Macri reçoit les peuples originaires à la Rosada [Actu]

Photo ultra haute résolution publiée par la Présidence argentine
Comme il  y a peu de recul dans ce coin du musée, le grand angle arrondit tout

Au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle, qui l'avait placé en second derrière Daniel Scioli, Mauricio Macri était passé sur le campement de fortune monté par une délégation Qom (1) sur Plaza de Congrès depuis au moins six mois. Ces hommes et femmes exigeaient que la présidente Cristina Kirchner les reçoivent avant de quitter ses fonctions, ce qu'elle n'a jamais fait. Ils voulaient lui remontrer qu'elle n'avait pas tenu ses promesses à leur égard et que dans leur province du Chaco ils continuaient à vivre dans une misère noire. Dans le cadre de ces revendications, ils avaient été reçus par le Pape dès le mois de juin 2013, au Vatican (voir mon article du 26 juin 2013).

Félix Diaz, leur responsable, avait accepté de lui serrer la main tout en prenant la presse à témoin que cette poignée de mains n'était ni un blanc-seing ni un soutien à la candidature du challenger de Scioli.

Et puis le 6 décembre, à la demande de Mauricio Macri et en prévision des festivités de l'investiture, les Qoms avaient accepté de lever le camp pour faciliter les rassemblements populaires devant le palais du Congrès.

Hier, le Président Mauricio Macri a reçu une délégation d'une trentaine de peuples originaires, provenant d'une quinzaine de Provinces (2) dans le très somptueux et très impressionnant décor du Museo Nacional del Bicentenario, installé en 2010 dans les soubassements de la Casa Rosada, ce qu'il reste du Fort de Buenos Aires, qui abrita le gouvernement vice-royal puis les premières institutions nationales issues de la Révolution de Mai 1810 et de la Douane Taylor, qui s'avançait en arc-de-cercle sur le Río de la Plata (3). Pour ces représentants des ethnies précolombiennes, qui ont tant de difficultés à se faire admettre dans l'histoire nationale, cette réception est historique et c'est ainsi que Félix Diaz l'a saluée. Félix Diaz auquel le communiqué de la Présidence accorde son titre de cacique Qom ! A côté de Félix Diaz, il y avait Relmú Ñamku, la dirigeante mapuche qui a tout récemment bénéficié d'un acquittement devant un tribunal où siégeaient à part égale et pour la première fois des Argentins indiens et non indiens (elle était accusée pour avoir jeté une pierre qui avait blessé gravement quelqu'un parmi les forces de sécurité civile autour de la manifestation à laquelle elle avait appelé).

Ici, on voit mieux l'espace du musée, avec ces murs de briques si typiques de l'architecture
de la Buenos Aires coloniale. Derrière la barrière recouverte de la bannière nationale,
on voit les voitures à chevaux de la présidence jusque dans les années 1920.

Ce qui est assez émouvant, c'est de voir l'enthousiasme de ces gens bien décidés à se faire des selfies avec le Chef de l'Etat et ce sourire qu'on ne voit pas si souvent sur le visage de Félix Diaz (je l'ai vu sous sa tente Plaza de Congreso, il n'avait vraiment pas cette tête-là !). Et puis il y a ce regard franc, les yeux dans les yeux, de deux hommes qui ont la même taille (ça aide) !

Sa réponse a été très brève et bien amérindienne (ils s'étaient tous assis pour se parler, comme il convient dans ce telles occasions) :
Muy buenos días a todos, agradecido de poder estar aquí al lado del presidente de la Nación y acompañado por los pueblos indígenas del país. Estamos agradecidos de poder estrechar una relación con el Estado, es un momento histórico para nosotros, de poder sentarnos a buscar un camino para que podamos tener la posibilidad de salir de esta problemática que nos afecta a los pueblos indígenas.
Este es el momento de dignificar la vida de los pueblos indígenas, de poder demostrar nuestra capacidad, demostrar que somos seres humanos, lo que queremos es desarrollar esa capacidad. Gracias.
Félix Diaz

Bonjour à tous. Je suis très reconnaissant de pouvoir être là, au côté du Président de la Nation et accompagné par les peuples indigènes du pays. Nous sommes tous reconnaissants de pouvoir nouer une relation avec l'Etat, c'est un moment historique pour nous, de pouvoir nous asseoir pour chercher un chemin pour que nous puissions avoir la possibilité de sortir de tous ces problèmes qui nous affectent, nous, les peuples indigènes.
C'est maintenant le temps de rendre sa dignité à la vie des peuples indigènes, de pouvoir montrer notre capacité, de démontrer que nous sommes des êtres humains. Ce que nous voulons, c'est développer cette capacité-là.
Merci.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

Le Président était flanqué de son Premier ministre, du ministre de la Justice et du Secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme, qui lui est rattaché et qui a annoncé que l'Institut National des Affaires Indigènes (INAI) allait quitter la tutelle du ministère du Développement social pour passer sous l'autorité de son Secrétariat.


Photo Présidence argentine

Le site Internet de la Casa Rosada propose le texte du discours du Président (4), la vidéo et les photos de la rencontre officielle. Le tout peut être téléchargé gratuitement comme c'était déjà le cas sous Cristina Kirchner. Comme quoi, ils ne détruisent pas tout, loin de là...

Pour aller plus loin :
consulter la page consacrée à cette rencontre sur le site de la Casa Rosada.
L'INAI n'a pas de site Internet propre. Il dispose simplement de quelques pages sur le site du ministère du Développement social et de renvois en ligne à partir du ministère de la Culture, ce qui indique une certaine impéritie de la part des équipes précédentes ou, et ce serait peut-être pire, de double langage à l'égard des peuples originaires, comme l'affirmaient les slogans sur les tentes installées Plaza de Congreso.

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(1) Anciennement, on parlait du peuple "toba" mais il s'agit là d'une dénomination inventée par les Européens. Ils ont il y a quelques années pu imposer leur nom dans leur propre langue : Qom.
(2) La répartition des peuples originaires sur le territoire de la République Argentine est assez inégalitaire. Le chiffre de quinze provinces correspond peu ou prou à celles où la majorité d'entre eux vivent aujourd'hui.
(3) Un des plus beaux musées de Buenos Aires, moderne, liant le passé très ancien et le présent, superbement installé et éclairé, et... entièrement gratuit ! Son seul inconvénient : être parfois fermé lorsque la Présidence y organise quelque événement officiel, comme ce fut le cas pour cette rencontre hier.
(4) Le texte est annoncé en format pdf mais en fait il est en format Word. Quelqu'un a dû oublier de faire la conversion. Le discours est bref et très vivant, assez chaleureux, les promesses sont pragmatiques et il ne leur manque pour l'instant que de s'accomplir.