C'est par décret, du type DNU (décret
de nécessité et d'urgence), que le Président Mauricio Macri met
fin à l'existence des deux instances régulatrices qui étaient
issues de la Ley de Medios, la loi qui limite la constitution de
positions hégémoniques dans les médias, et à laquelle le nouveau
président s'est toujours prononcé.
Que l'AFSCA et l'AFTIC soient
fusionnées n'est pas une surprise, on savait depuis plusieurs jours
déjà que telle était l'intention du Gouvernement et en particulier depuis la prise de contrôle par décret de l'AFSCA il y a exactement une semaine (voir mon article du 24 décembre 2014). Que cela se
fasse par le biais d'un DNU et non par un projet de loi présenté au
Congrès et discuté dans les deux hémicycles un peu plus. Puisque
les deux organismes avaient été créés par la loi, on s'attendait
à ce qu'ils soient dissous par une autre loi. Il ne manque donc pas
d'acteurs politiques et de constitutionnalistes aujourd'hui pour
dénoncer le procédé comme anti-constitutionnel et peu
démocratique.
Página/12 consacre à l'affaire à peu
près la moitié des articles en ligne de ce matin.
Les autres titres un peu moins.
La nouvelle institution, el ENACOM (Ente
Nacional de Comunicación), dépendra directement du Gouvernement
(alors que les deux dissoutes, sur le papier au moins, en étaient
indépendantes, mais on sait qu'à leur tête avaient été placés
des caciques de partis politiques). Elle devra mettre en place les
conditions d'une authentique liberté de la presse, qui ne soit plus
ni muselée ni soumise au pouvoir politique en place comme elle
l'aurait été dans la période antérieure (je cite ici en substance
les termes du communiqué officiel) (1). Par ailleurs, il sera créé au Congrès une commission bicamérale chargée de rédiger la nouvelle loi sur la communication, la presse et les médias, qui prendra le meilleur des lois
qui régissent actuellement les technologies de communication (Argentina Digital) et les
médias (ley de Medios).
Dans el ENACOM, qui n'a peut-être pas vocation à
être un organisme pérenne mais devrait exister pendant au moins les deux ans
de mesure temporaire dont on parle pour aboutir à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi,
il est prévu de faire siéger des parlementaires de l'opposition mais dans une proportion inférieure au nombre de représentants de l'Exécutif (3 parlementaires contre 4 commissaires gouvernementaux). Il y en avait aucun à l'AFSCA !
Dans les futures dispositions, les petits organes de presse devraient trouver des garanties de leur existence. C'est en tout cas
ce que promet le Premier ministre dans son communiqué d'hier.
La Nación est un peu plus concernée (premier titre, en haut à gauche) cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Ceci n'empêche pas Página/12
d'envisager le pire scénario du complot antidémocratique, qui,
certes, ne peut pas être écarté mais ce n'est pas pour l'heure ce
qui se dessine. D'autant qu'un juge a invalidé une partie du DNU, ce
qui en retardera peut-être l'application, initialement prévue pour
lundi. Pour le moment, le fait que les décisions gouvernementales
agitent autant le monde politique en pleines vacances et pendant des
jours fériés signifie au moins que la démocratie est bien vivante
en Argentine et que tout le monde joue son rôle, y compris cette
justice si souvent pris à parti de part et d'autre...
Pour aller plus loin :
lire l'article de Clarín
lire le communiqué officiel de la Casa
Rosada.
(1) En août dernier, j'ai eu des échos
très sérieux, à la fois à Buenos Aires et à Mendoza, de
l'existence d'une réelle, quoi que fort discrète, censure en
Argentine. Mais on ne m'en a pas fourni de preuves. Je n'ai pas eu le temps d'en chercher non plus !