Comme on le prévoyait, hier, le président argentin a décrété le
confinement généralisé avec la seule exception de pouvoir aller
faire ses courses dans les commerces de proximité.
Un décret que tous les
journaux reproduisent ce matin, qui vaut depuis minuit et jusqu’au
31 mars à la même heure (1), prévoit tous les métiers exemptés
de cette mesure pour la continuité de la vie nationale : forces
armées, corps de police, commerce alimentaire, pharmacie, production
alimentaire et pharmaceutique, agriculture, etc.
Clarín fait son gros titre sur le confinement (quarantaine obligatoire) et sa photo pour montrer les Portègnes applaudissant les soignants hier soir Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Le président s’est
adressée à la nation, hier peu après 20h, à travers une
conférence de presse à la résidence de Olivos (à une quarantaine
de kilomètres au nord-ouest de Buenos Aires), là où il vit et où il va lui-même
vivre le confinement. Il était entouré de gouverneurs de
différentes couleurs politiques, quelques uns de ceux qui venaient
de se rassembler pour prendre toutes ces mesures d’un commun
accord.
Hier, vers 20h, comme
en Italie, en France ou en Belgique, de nombreux Argentins sont
sortis sur leur balcon ou se montrés à leur fenêtre pour applaudir
chaleureusement les soignants du pays, qui font face à trois fléaux
en même temps : une épidémie de rougeole, due à une trop
faible couverture vaccinale et qui a déjà causé la mort de
plusieurs jeunes adultes, une épidémie de dengue, provoquée par
des moustiques qui descendent de plus en plus vers le sud à cause
des changements climatiques et qui sollicite beaucoup le système
hospitalier (2), et cette pandémie causée par un virus dont on
découvre tout.
L'artère vide ou presque le long de la faculté de droit entre Recoleta et Palermo, dans le nord de Buenos Aires |
Il y a fort à parier
que la période de confinement devra être prolongée, eu égard à
la façon dont le virus se propage et aux comportements fautifs qu’on
a observés chez de très nombreux Argentins jusqu’à hier.
Les gros problèmes
sociaux maintenant vont venir de l’énorme part du travail au noir
qui n’a aucune protection sociale et aucun revenu si les gens ne
travaillent pas (qui plus est dans des secteurs où le travail à
domicile est impossible), le ravitaillement des villas miserias, ces
bidonvilles qui fleurissent aux abords des villes et les indépendants
précaires, que l’on peut assimiler à nos micro-entrepreneurs,
quand bien même ils seraient architectes ou producteurs
discographiques comme j’en connais personnellement.
"Isolement obligatoire... ou l'Italie" Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Sur ces entrefaites,
hier, on découvrait, abandonné dans un entrepôt en piteux état de
Correo Argentino un stock important de matériels de haute
technologie destinés aux hôpitaux et aux autres centres de soins
publics. Ce stock avait été acheté en 2015, c’est-à-dire au
début du mandat présidentiel de Mauricio Macri, dans le cadre d’un
plan d’équipement du système sanitaire public appelé Ciber
Salud : des appareils d’électrocardiographie et de
visioconférence, des ordinateurs, des brancards, des meubles
médicaux et administratifs en tout genre, etc. Jusqu’à il y a
quelques semaines, Correo Argentino, la poste nationale argentine,
était une concession de service public accordée il y a de
nombreuses années à la holding Socma, le groupe multi-métiers
propriété de la famille Macri (le père et fondateur, récemment
décédé, et ses enfants, dont l’ancien président, Mauricio
Macri). La justice a récemment récusé la concession et confié la
gouvernance de l’entreprise directement à l’État pour
non-paiement par la Socma des contreparties prévues au contrat de
concession.
Pour en savoir plus sur
le confinement en Argentine :
lire l’article principal de Página/12, qui propose une vidéo de la conférence de
presse présidentielle (allez directement à la 20e minute
de l’enregistrement pour vous épargner le long tunnel d’image
fixe et muette sur la Casa Rosada)
sur le scandale du
matériel médical abandonné à Correo Argentino
(L’union sacrée est
assurée dans la lutte contre le covid-19 mais elle conserve des
limites politico-idéologiques : aucun autre journal ne parle de
cette affaire sur son site Internet).
(1) Pour le moment, le
gouvernement semble espérer que les Argentins respecteront les
règles ainsi mises en place. Il a donc décrété un pont
exceptionnel les 1er et 2 avril, ce dernier jour étant
férié pour commémorer le souvenir des morts de la Guerre des
Malouines (c’est la date anniversaire de la destruction du croiseur
ARA General Belgrano, coulé par un sous-marin de la Royal Navy en
1982).
(2) Rien qu’à Buenos
Aires intra-muros, il y a eu 666 nouveaux cas dans la journée
d’hier. Il y a un peu plus de 3 millions d'habitants dans la ville et environ 12 millions sur le Gran Buenos Aires (à 70 km à la ronde).