vendredi 20 mars 2020

Cette fois, plus personne ne sort ! [Actu]

En bas, à gauche, un titre sur un bourreau de la dictature
qui réclame le bénéfice de la prison à domicile pour éviter la contagion du covid-19.
Pauvre chou ! Il s'agit du trop célèbre "Ange blond de la Mort", l'ex-capitaine Astiz

Comme on le prévoyait, hier, le président argentin a décrété le confinement généralisé avec la seule exception de pouvoir aller faire ses courses dans les commerces de proximité.

Un décret que tous les journaux reproduisent ce matin, qui vaut depuis minuit et jusqu’au 31 mars à la même heure (1), prévoit tous les métiers exemptés de cette mesure pour la continuité de la vie nationale : forces armées, corps de police, commerce alimentaire, pharmacie, production alimentaire et pharmaceutique, agriculture, etc.

Clarín fait son gros titre sur le confinement (quarantaine obligatoire)
et sa photo pour montrer les Portègnes applaudissant les soignants hier soir
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Le président s’est adressée à la nation, hier peu après 20h, à travers une conférence de presse à la résidence de Olivos (à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Buenos Aires), là où il vit et où il va lui-même vivre le confinement. Il était entouré de gouverneurs de différentes couleurs politiques, quelques uns de ceux qui venaient de se rassembler pour prendre toutes ces mesures d’un commun accord.

Hier, vers 20h, comme en Italie, en France ou en Belgique, de nombreux Argentins sont sortis sur leur balcon ou se montrés à leur fenêtre pour applaudir chaleureusement les soignants du pays, qui font face à trois fléaux en même temps : une épidémie de rougeole, due à une trop faible couverture vaccinale et qui a déjà causé la mort de plusieurs jeunes adultes, une épidémie de dengue, provoquée par des moustiques qui descendent de plus en plus vers le sud à cause des changements climatiques et qui sollicite beaucoup le système hospitalier (2), et cette pandémie causée par un virus dont on découvre tout.

L'artère vide ou presque le long de la faculté de droit
entre Recoleta et Palermo, dans le nord de Buenos Aires

Il y a fort à parier que la période de confinement devra être prolongée, eu égard à la façon dont le virus se propage et aux comportements fautifs qu’on a observés chez de très nombreux Argentins jusqu’à hier.

Les gros problèmes sociaux maintenant vont venir de l’énorme part du travail au noir qui n’a aucune protection sociale et aucun revenu si les gens ne travaillent pas (qui plus est dans des secteurs où le travail à domicile est impossible), le ravitaillement des villas miserias, ces bidonvilles qui fleurissent aux abords des villes et les indépendants précaires, que l’on peut assimiler à nos micro-entrepreneurs, quand bien même ils seraient architectes ou producteurs discographiques comme j’en connais personnellement.

"Isolement obligatoire... ou l'Italie"
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Sur ces entrefaites, hier, on découvrait, abandonné dans un entrepôt en piteux état de Correo Argentino un stock important de matériels de haute technologie destinés aux hôpitaux et aux autres centres de soins publics. Ce stock avait été acheté en 2015, c’est-à-dire au début du mandat présidentiel de Mauricio Macri, dans le cadre d’un plan d’équipement du système sanitaire public appelé Ciber Salud : des appareils d’électrocardiographie et de visioconférence, des ordinateurs, des brancards, des meubles médicaux et administratifs en tout genre, etc. Jusqu’à il y a quelques semaines, Correo Argentino, la poste nationale argentine, était une concession de service public accordée il y a de nombreuses années à la holding Socma, le groupe multi-métiers propriété de la famille Macri (le père et fondateur, récemment décédé, et ses enfants, dont l’ancien président, Mauricio Macri). La justice a récemment récusé la concession et confié la gouvernance de l’entreprise directement à l’État pour non-paiement par la Socma des contreparties prévues au contrat de concession.

Pour en savoir plus sur le confinement en Argentine :
lire l’article principal de Página/12, qui propose une vidéo de la conférence de presse présidentielle (allez directement à la 20e minute de l’enregistrement pour vous épargner le long tunnel d’image fixe et muette sur la Casa Rosada)
sur le scandale du matériel médical abandonné à Correo Argentino
(L’union sacrée est assurée dans la lutte contre le covid-19 mais elle conserve des limites politico-idéologiques : aucun autre journal ne parle de cette affaire sur son site Internet).



(1) Pour le moment, le gouvernement semble espérer que les Argentins respecteront les règles ainsi mises en place. Il a donc décrété un pont exceptionnel les 1er et 2 avril, ce dernier jour étant férié pour commémorer le souvenir des morts de la Guerre des Malouines (c’est la date anniversaire de la destruction du croiseur ARA General Belgrano, coulé par un sous-marin de la Royal Navy en 1982).
(2) Rien qu’à Buenos Aires intra-muros, il y a eu 666 nouveaux cas dans la journée d’hier. Il y a un peu plus de 3 millions d'habitants dans la ville et environ 12 millions sur le Gran Buenos Aires (à 70 km à la ronde).