C’était un rendez-vous que la Conférence des
Évêques
d’Argentine avaient donné aux fidèles catholiques il y a
plusieurs semaines : une grande messe dans le sanctuaire marial
national pour la vie (c’est-à-dire contre la légalisation de
l’avortement) en cette journée internationale des droits des
femmes, qui était aussi le deuxième dimanche de Carême.
"Coup d'envoi" Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Si
le slogan officiel était consensuel (oui à la
femme, oui à la vie), la foule rassemblée l’était un peu moins. On a en
particulier revu cet affreuses effigie de carton-pâte représentant
un fœtus humain et flottant comme un ballon au-dessus de la place au
milieu de centaines de drapeaux nationaux, qui avaient été préférés
par les célébrants au trop polémique foulard bleu ciel, pendant
« pro-life » du foulard vert, brandi par les militantes
(et militants) du droit à l’avortement. Et l’utilisation de
cette très laide effigie géante est d’autant plus contestable que
le droit à l’avortement ne vise pas des fœtus mais des embryons
de huit semaines, dans lesquels la figure humaine est nettement moins
reconnaissable, très loin donc de ce fœtus arrivé presque à
terme. Cette différence ne constitue certainement pas un argument
dans la débat éthique en question mais l’utilisation incessante
de cette effigie pa ces militants qui se disent pro-life et sont si
souvent favorables à la violence quand elle émane de la police (et
en Argentine lorsqu’elle a pu venir de l’armée contre les
citoyens) met en évidence leur volonté de manipuler l’opinion
publique en faisant appel à ses émotions et à une identification
d’ordre sentimental plutôt qu’à une réflexion citoyenne et
rationnelle. Odieux !
Quoi
qu’il en soit, la foule était bien au rendez-vous et la place
Belgrano, la seule plaza mayor coloniale conservée dans son jus dans
toute l’Argentine, était remplie comme en atteste la une de
Clarín. Le discours officiel ne semble pas avoir été aussi violent
que veut bien le dire Página/12, qui cite même dans son article sa
bête noire, Monseigneur Héctor Aguer, un dur de l’aile
conservatrice et même réactionnaire de l’Église argentine, comme
« évêque de La Plata » (1). Néanmoins, c’est bien
officiellement que les organisateurs ont repris la phrase si
polémique du pape lorsqu’au cours d’une audience générale sur
la place Saint-Pierre il a comparé le recours à l’avortement avec
celui d’un tueur à gage (2).
Pendant
ce temps, les partisans d’une évolution de la loi manifestaient
dans de nombreuses capitales provinciales et à Buenos Aires, ils
s’étaient rassemblés sur Plaza de Mayo devant la façade de la
cathédrale pour un chahut démonstratif et des slogans aussi
provocants. Mais les grandes manifestations féministes se déroulent
aujourd’hui pour être plus visibles qu’un dimanche.
"On nous doit une vie" l'un des slogans féministes affichés par Página/12 pour ne pas montrer en une d'images de Luján |
Le
projet de loi légalisant l’avortement devrait arriver cette
semaine sur le bureau de la Chambre des Députés. Eu égard à la
composition du Congrès, la loi devrait passer sans difficulté après
un débat où l’opposition va crier très fort mais où elle
devrait avoir du mal à débaucher les élus de la majorité qu’il
lui faudrait rassembler pour faire échec au projet.
Pour
aller plus loin :
lire
l’article de La Prensa (le journal d’inspiration catholique)
lire
l’article de Clarín
(1)
Ce qu’il n’est plus depuis un bon moment. Il a atteint la limite
d’âge et a été remplacé dans la mission d’archevêque (et non
d’évêque) par un prélat plus jeune, beaucoup plus ouvert et dans
la ligne pastorale de François.
(2)
Là encore, Página/12 montre toute son ignorance des affaires
religieuses en parlant d’une messe. Les journalistes français, y
compris de droite, sont tout aussi ignares et disent autant d’âneries
sur le sujet.