Lorsque le confinement a été décrété à quelques jours de
différence en France et en Argentine, respectivement les 14 et 20
mars dernier, le bel édifice de l’Année du Général Manuel
Belgrano, dont mon livre devait être la manifestation en France,
s’est effondré, nous laissant tous assommés pendant plusieurs
semaines. Depuis une petite quinzaine, nous parvenons à nous
ressaisir et réinventons nos célébrations sur le mode virtuel.
C’est ainsi qu’est né cet article de Norma Ledesma, qui
travaille actuellement comme historienne à l’Instituto Nacional
Belgraniano après avoir enseigné l’histoire pendant plusieurs
années à l’Universidad del Salvador, une université fondée à
Buenos Aires par les jésuites quand l’ordre (1) s’est réinstallé
dans une Argentine devenue indépendante.
Lorsque la poste
argentine a livré mon livre au siège de l’Institut, une semaine
avant le confinement, Norma a aussitôt emporté un exemplaire chez
elle et s’est plongée dans sa lecture, malgré son ignorance du
français mais la proximité entre nos deux langues nous aide à
déchiffrer celle de l’autre, surtout avec une formation en
histoire.
Il y a quelques jours,
Norma m’a ainsi envoyé ses félicitations avec dans son mail une
ébauche d’analyse de ce qui retenait son attention de spécialiste
du sujet et l’idée est née d’en faire un texte pour vous, les
lecteurs de Barrio de Tango. Je vous livre donc ci-dessous, en
version bilingue comme toujours sur ce blog, cette première critique
de l’ouvrage. L’original est justifié à gauche, ma traduction
l’est à droite.
Cette année, mon
voyage en Argentine semble fort compromis alors que le bureau de
l’INB avait commencé dès février à organiser plusieurs
conférences que j’aurais données dans différents lieux
emblématiques. C’est sans doute partie remise à 2021 mais cette
année, il est à craindre que nous n’ayons pas, Norma et moi,
l’occasion d’échanger comme nous en avions pris l’habitude. Un
crève-cœur pour tout le monde de part et d’autre de l’Atlantique.
En este año 2020, en
que se conmemoran los “250 años del Natalicio del General Manuel
Belgrano” y el “Bicentenario de su Paso a la Inmortalidad”, por
lo cual el Presidente de la Nación Argentina, Dr. Alberto Ángel
Fernández, decretó que fuera declarado “2020- Año del General
Manuel Belgrano” (Decreto PEN 02/2020 del 3 de enero de 2020), me
alegra enormemente que la historia de Manuel Belgrano sea conocida en
Francia y Europa a través del libro Manuel Belgrano. L’inventeur
de l’Argentine de la investigadora francesa Denise Anne Clavilier,
Editions du Jasmin, Francia, ya que nuestro prócer se encuentra
entre los grandes “Libertadores de América”, al igual que San
Martín, Bolívar y Washington.
En cette année 2020,
où nous commémorons les « 250 ans de la naissance du général
Manuel Belgrano » et le « Bicentenaire de son Passage à
l’Immortalité » (2), motif pour lequel, par décret, le
Président de la Nation argentine, le professeur Alberto Angel
Fernández (3), l’a déclarée Année du Général Manuel Belgrano
(décret PEN 02/2020 du 3 janvier 2020), c’est une immense joie
pour moi que l’histoire de [celui-ci] soit connue en France et en
Europe grâce au livre, Manuel Belgrano – L’inventeur de l’Argentine, de la chercheuse française Denise Anne Clavilier
(Éditions du Jasmin, en France) puisque notre héros national figure
parmi les grands Libérateurs de l’Amérique, au même rang que
San Martín, Bolívar et Washington.
Tuve el gusto de
conocer a Denise Anne Clavilier hace ya varios años, en el 2016
cuando se puso en contacto con el Instituto Nacional Belgraniano, en
el cual me desempeño como investigadora. No voy a entrar en detalles
de las charlas que mantuvimos pero me sorprendió, desde ese primer
momento, su interés en la vida y obra de nuestro prócer y los
conocimientos que poseía. De hecho, Denise Anne comenzó su romance
con el Río de la Plata, a través del tango, que es la música que
nos caracteriza y define. Pero, mientras que la mayoría se queda en
este primer paso, ella decidió ahondar en nuestra historia patria,
precisamente en la etapa fundacional de la misma. Para ello se dedicó
al estudio de nuestros “Padres de la Patria” los Generales José
Francisco de San Martín y Manuel Belgrano, recurriendo básicamente
a fuentes y a bibliografía de reconocidos investigadores.
Il y a plusieurs
années, en 2016, j’ai eu le plaisir de faire le connaissance de
Denise Anne Clavilier quand elle a pris contact avec l’Institut
national belgranien, où j’exerce comme chercheuse scientifique. Je
ne vais pas entrer dans le détail des discussions que nous avons
eues mais, dès ce premier moment, son intérêt pour la vie et
l’œuvre de notre héros et la connaissance qu’elle en avait
n’ont pas cessé de me surprendre. En fait, Denise Anne a commencé
son idylle avec le Río de la Plata par le tango, cette musique qui
nous caractérise et nous définit comme peuple. Mais, alors que la
plupart des gens s’arrête à ce premier pas, elle a décidé de
plonger plus avant dans notre histoire nationale et précisément
dans cette étape qui en constitue les fondations. A cette fin, elle
s’est consacrée à l’étude de nos « Pères de la
Patrie », les généraux José Francisco de San Martín et
Manuel Belgrano, en privilégiant le recours aux sources et à la
bibliographie de chercheurs reconnus.
Gaspar de Jovellanos en 1798 par Francisco de Goya cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Nuevamente tuve una muy
grata sorpresa cuando encaré la lectura de Manuel Belgrano.
L’inventeur de l’Argentine. Utiliza un lenguaje sumamente
accesible y la lectura es verdaderamente atrapante, lo cual no sucede
con todos los libros de historia. Algunos utilizan un lenguaje árido
que, en lugar de acercar la historia a la gente, la aleja.
Más allá de ello,
para una especialista en el tema como es mi caso, se advierte la
rigurosidad y minuciosidad de su trabajo, totalmente entendible si
observamos las fuentes y bibliografía utilizadas. Considero que
aporta una gran cantidad de datos, que alimentan nuestro amor por la
historia. Cabe destacar, a modo de ejemplo, el capítulo dedicado a
“Estudios en España (1786-1793)”, especialmente cuando se ocupa
de sus estudios en la prestigiosa Universidad de Salamanca. Advierte
de manera clara las diferentes concepciones de España con respecto a
Francia, Alemania e Inglaterra. Además de aportar datos de los
profesores de dicha universidad y de los representantes de la
Ilustración Española, tal como Gaspar de Jovellanos, mostrándonos
el mundo intelectual de la época.
Me mettre à lire
Manuel Belgrano – L’inventeur de l’Argentine fut pour moi une
autre très agréable surprise. Denise Anne emploie un langage très
accessible et la lecture est vraiment prenante, ce qui n’est pas le
cas de tous les livres d’histoire. Certains ont recours à un
vocabulaire aride qui, au lieu de mettre l’histoire à la portée
des gens, ne fait que les tenir à distance.
De surcroît, pour une
spécialiste du sujet comme moi, la rigueur et la minutie de son
travail sautent aux yeux, ce qui se comprend fort bien si nous
analysons les sources et la bibliographie dont elle s’est servie.
J’estime qu’elle fait avancer la question avec un grand nombre
d’éléments qui nourrissent notre amour pour l’histoire. Il
convient de mettre l’accent, à titre d’exemple, sur le chapitre
« Études en Espagne (1786-1793) », particulièrement
lorsque [l’auteure] s’intéresse aux études [de Belgrano] dans
la prestigieuse université de Salamanque. Non contente d’apporter
des éléments d’information sur les professeurs de cette
université et les représentants de la pensée espagnole des
Lumières, comme Gaspar de Jovellanos, en nous décrivant le monde
intellectuel de cette époque, elle montre clairement les diverses
opinions qui circulaient en Espagne sur la France, l’Allemagne et
l’Angleterre.
Por otra parte, también
considero como un gran aporte que nos ofrezca una breve biografía de
los personajes que aparecen en su libro. No voy a abundar en el tema,
porque espero que ustedes se sumerjan en la lectura de este libro.
También tengo que
subrayar lo relevante de su "mirada", dado que “maneja”
la historia francesa y europea y la relaciona con la del Río de la
Plata, de una manera dinámica, sin baches, que hace que el relato
fluya.
D’autre part, elle
nous offre une biographie des personnages que apparaissent dans son
livre et j’estime qu’il s’agit là d’une contribution non
négligeable mais je m’arrête là sur ce sujet car j’attends que
vous vous plongiez dans la lecture de l’ouvrage.
Il me faut aussi
souligner son « regard », car elle manie l’histoire
française et européenne et la lie à celle du Río de la Plata de
façon dynamique, sans heurt, ce qui donne de la fluidité au récit.
La maison natale où Belgrano a vécu toute sa vie à Buenos Aires et où il est mort ici dans son état de 1909, peu avant sa destruction (Archivo General de la Nación) |
Para finalizar quiero
mencionar que su estudio no se limita a una historia política y
militar, sino que también aborda los aspectos sociales y de la vida
cotidiana, que acercan el relato al lector. A modo de ejemplo, la
minuciosa descripción de las casas de las familias de la élite
porteña de la época. Los planos de Buenos Aires de 1769 y 1810 nos
ubican de manera clara en esta ciudad, capital del Virreinato del Río
de la Plata y a partir de la Revolución de Mayo de 1810, capital de
los gobiernos patrios: Provincias Unidas del Río de la Plata y
Provincias Unidas en Sud América. Por otra parte, las imágenes
incorporadas al libro, tomadas de viajeros que visitaron al Río de
la Plata, nos permiten acceder a diferentes escenarios: Buenos Aires
colonial, la pampa, así como a la costa del río Paraguay. Aparece
la figura del gaucho, con su característica vestimenta, y los
diferentes tipos de transporte.
Pour finir, je veux
signaler que son travail ne se limite pas à une histoire politique
et militaire. Elle aborde aussi les aspects sociaux et la vie
quotidienne, ce qui rend le récit proche du lecteur. J’en
prendrais pour exemple la minutieuse description des demeures
familiales de l’élite portègne de cette époque. Les plans de
Buenos Aires en 1769 et 1810 nous aident à nous orienter dans la
ville, capitale du Vice-Royaume du Río de la Plata, puis, à partir
de la Révolution de Mai 1810, capitale du pouvoir patriote, celui
des Provinces-Unies du Río de la Plata puis celui des
Provinces-Unies en Amérique du Sud (4). Qui plus est, les images
intégrées à l’ouvrage, empruntées à des voyageurs qui
visitèrent le Río de la Plata, nous font accéder à différents
décors : la Buenos Aires coloniale, la pampa ou les rivages du
Río Paraguay. C’est ainsi qu’apparaît la silhouette du gaucho,
avec ses vêtements caractéristiques (5), et les divers modes de
transport.
Manuel Belgrano, quien
se movió en estos escenarios, se caracterizó por haber sido
fundamental por su múltiple actuación en los tiempos fundacionales
de nuestra Patria, teniendo como ideales la Independencia y Unión de
los Americanos.
No es fácil para una
investigadora francesa abordar un personaje de estas características
y ello solo fue posible dado a que recurrió a fuentes originales y
una nutrida bibliografía en idiomas español, francés inglés e
italiano. Además, a sus vastos conocimientos en la historia del Río
de la Plata, que le permiten hacer una “lectura intercultural”.
Dans les temps où
notre patrie se construisait, Manuel Belgrano, qui allait et venait
dans ces décors, s’est distingué par la variété de son activité
fondatrice, conduit par ses idéaux, l’Indépendance et l’Union
des Américains.
Pour une chercheuse
française, il n’est pas facile d’aborder un personnage avec de
telles caractéristiques et cela n’a été possible que parce
qu’elle a eu recours à des sources originales et à une
bibliographie nourrie, en langue espagnole, française, anglaise et
italienne, en plus de ses amples connaissances sur l’histoire du
Río de la Plata, qui lui ont permis d’en faire une « lecture
interculturelle ».
Por estos motivos,
recomiendo de manera entusiasta la lectura de este libro, por el cual
el Instituto Nacional Belgraniano le otorga este año 2020, tan
significativo para todos los belgranianos, el “Premio General
Belgrano”, que solo se da a aquellas personalidades y entidades de
bien público que, por sus antecedentes, méritos, cualidades y
accionar comunitario, se los identifique con los valores e ideario
belgraniano, al tiempo que colaboran con la misión del Instituto
Nacional Belgraniano en difundir y exaltar la vida y obra de nuestro
insigne prócer. En el caso de Denise Anne Clavilier es en
reconocimiento a su vasta trayectoria como historiadora, escritora,
ensayista, traductora y comunicadora intercultural. Específicamente
por su profundo trabajo de investigación histórica, plasmado en la
obra Manuel Belgrano. L’Inventeur de l’Argentine, primera
biografía en francés de nuestro prócer, que fue presentada en la
Embajada Argentina en París, el 27 de febrero pasado.
Dra Norma LEDESMA,
historiadora, Instituto
Nacional Belgraniano
Telles sont les raisons
qui me font recommander avec enthousiasme la lecture de ce livre pour
lequel l’Institut national belgranien a attribué [à Denise Anne
Clavilier], en cette année 2020 si significative pour tous les
belgraniens, le Prix Général Belgrano (6) qui n’est remis qu’à
ces personnalités et ces institutions d’intérêt public que l’on
peut, grâce à leurs réalisations passées, leurs mérites, leurs
qualités et leur engagement au service de la collectivité,
identifier aux valeurs et à la pensée belgraniennes au moment
où elles participent à la mission de l’Institut national
belgranien en diffusant et en célébrant la vie et l’œuvre de
notre éminent héros national. Dans le cas de Denise Anne Clavilier,
il s’agit d’une reconnaissance de son ample trajectoire
d’historienne, d’écrivain, d’essayiste, de traductrice et de
spécialiste en communication interculturelle. Pour le dire plus
précisément encore de la profondeur de ses recherches historiques
qui ont pris forme dans cet ouvrage, Manuel Belgrano – L’inventeur
de l’Argentine, première biographie en français de notre héros,
qui fut présentée à l’Ambassade argentine à Paris, le 27
février dernier. (7)
Norma LEDESMA
historienne de
l’Instituto Nacional Belgraniano
Pour en savoir plus sur
l’Instituto Nacional Belgraniano :
visiter son site Internet et sa page Facebook.
(1) La Compagnie de
Jésus a été expulsée de l’empire colonial espagnol en juillet
1767.
(2) Norma Ledesma cite
ici le décret présidentiel du 3 janvier 2020. Remarquez le
vocabulaire quasi-religieux de mise en Argentine : natalicio au
lieu de nacimiento et paso a la inmortalidad (passage à
l’immortalité) au lieu de fallecimiento (décès). De fait, les
grands héros nationaux sont fêtés au jour anniversaire de leur
mort, comme les saints canonisés : Manuel Belgrano est fêté
le 20 juin, San Martín le 17 août et Sarmiento le 11
septembre. Cf. mon article du 3 janvier 2020 dans ce blog.
(3) Alberto Fernández
est docteur en droit et enseignait, jusqu’à sa prestation de
serment le 10 décembre dernier, le droit pénal à l’Université
de Buenos Aires (UBA). En Argentine, les titres universitaires
accompagnent systématiquement le nom de leurs titulaires
(licenciado, magister, doctor, ingeniero, arquitecto, perito, etc.)
Quand je traduis, je transpose ces formules dans les usages français.
(4) Le pays a plusieurs
fois changé de nom avant de s’arrêter en 1860 sur l’actuelle
dénomination officielle : la République argentine.
(5) Normal Ledesma a
consacré sa thèse de doctorat à l’histoire textile en Argentine,
un champ de développement économique et technique que Manuel
Belgrano s’est efforcé d’encourager lorsqu’il était à la
tête du Consulat de Commerce de Buenos Aires (1794-1810). De
surcroît, le textile relève aujourd’hui encore du patrimoine
culturel grâce aux couleurs, aux motifs et aux fibres traditionnels
qui caractérisent les régions composant le pays. On peut le
constater facilement dans l’art du poncho, le vêtement
sud-américain par excellence : avec un peu d’habitude, il est
assez facile de distinguer au premier coup d’œil un poncho de la
pampa rioplatense d’un autre de Tucumán, de Salta ou de Cuyo…
(6) Voir mon article du 7 mai 2020.
(7) Voir mon article du 29 février 2020.