lundi 4 mai 2020

Un message apaisant du président [Actu]


Hier, la campagne calomnieuse montée par la partie la plus rance de la droite battait son plein : depuis plus d'une semaine, des militants font courir le bruit que la majorité actuelle est en train de rendre leur liberté à tout ce que les prisons argentines comptent de violeurs, cambrioleurs et assassins. Parmi ces agitateurs, une juge d’application des peines en poste à Quilmes (grande banlieue de Buenos Aires), qui avait elle-même refusé de respecter la quarantaine à son retour de ses vacances en Italie et dont le cabinet a été fermé pour cette raison par les autorités judiciaires de la province de Buenos Aires, a reconnu avoir délibérément menti sur le sujet : elle avait prétendu que 1.076 condamnés pour des faits contre les biens et 276 condamnés pour des faits contre les personnes avaient été remis en liberté, sous prétexte de vider les prisons et de ne pas en faire des nids de contagion du covid-19. Elle avait aussi avancé le chiffre de 2.458 libérations, avant d’avouer qu’en fait elle n’en savait rien, alors que la cour suprême provinciale avait démenti ses chiffres aberrants. La juge en question ne cache pas son appartenance politique : elle est un soutien du PRO, le parti de Mauricio Macri, l’ancien président qui n’a pas pu obtenir un second mandat.
Selon la Cour suprême de la province de Buenos Aires, seuls 38 condamnés pour de tels faits ont retrouvé la liberté du 17 mars au 17 avril. Ils touchaient au terme de leur peine. A la même période l’année dernière (sous une majorité de droite encore convaincue de se faire réélire en octobre) ils étaient 44 dans ce cas.

Par ailleurs, il est vrai qu’un certain nombre de personnes en prison pour des faits mineurs ont bénéficié d’aménagement de peine afin de ne pas surcharger les prisons en cette période de crise sanitaire et que le ministère de la justice national a encouragé cette solution qui passe par des bracelets électroniques pour les condamnés et par une forme de contrôle judiciaire pour les prévenus. Rien de scandaleux par conséquent.

Cela n’a pas empêché la presse de droite de donner beaucoup de place dans ses colonnes et sur ses ondes à de prétendues libérations massives de violeurs et d’égorgeurs en tout genre, prêts à remplir à nouveau de leurs crimes les bonnes villes d’Argentine. Les réseaux sociaux, bien cornaqués par qui y avaient intérêt, ont relayé des tas d’informations fantaisistes, n’hésitant pas à augmenter les chiffres et on a entendu ces derniers jours, beaucoup de concerts de casseroles aux balcons et aux fenêtres de la part d’une population rendue folle par l’effroi. Il faut dire aussi qu’en matière de sécurité, il ne faut pas grand-chose pour allumer des mèches en Argentine.

Très calmement, il y a déjà plusieurs jours, le président, qui est professeur de droit pénal, avait expliqué que l’application des peines n’était pas du ressort des exécutifs mais des pouvoirs judiciaires territorialement compétents. A cela, s’est ajouté au cours de ce long week-end l’attitude de plus en plus bouillante des adolescents qui n’en peuvent plus d’être confinés à la maison, surtout en ville, où le patio et la terrasse ne satisfont pas leur besoin de mouvements.

Le président Alberto Fernández a donc pris sa guitare, comme ils peuvent le faire eux-mêmes chez eux, il a joué les premières mesures d’une chanson de rock très célèbre en Argentine (1) et, sur son compte Twitter, il s’est adressé à eux, comme à de futurs citoyens, en faisant appel à leur bon sens et à leur créativité.
Un message simple, fraternel, cordial que même Clarín et La Nación ont repris ce matin ! Depuis la mise en place du confinement, il était déjà entré en conversation avec des enfants qui lui envoient des dessins par les réseaux sociaux et à qui il répond avec sérieux, sans jamais bêtifier, tout en restant toujours à leur niveau…

Pendant ce temps, la situation sanitaire augure de bien des difficultés : il semblerait que le virus soit quelque peu sensible à la saisonnalité. L’hiver arrivant, malgré les mesures de distance physique qui ont été prises partout, en Afrique, en Océanie et en Amérique, le pire pourrait encore être à venir au sud de la planète tandis qu’au nord, la contagion régresse très lentement.

Dans la colonne de gauche, en haut :
"l'état de grâce du président s'épuise"

Pour en savoir plus :
sur le message du président
sur les infox propagées par la juge et ses copains
lire l’article de La Prensa, qui fait mine de rétablir les faits (bien caché dans ses pages intérieures)
lire l’éditorial du rédacteur en chef de La Prensa qui proclame hier et aujourd’hui (en une, ci-dessus) la fin de l’état de grâce pour le président, après avoir fait samedi une autre une, au ton particulièrement arrogant (ci-dessous).

En gros titre : "Est-ce qu'ils ont capté le message ?"
sur une photo d'une casserole tintant dans la nuit automnale



(1) Une chanson de Luis Alberto Spinetta, qu’il cite par son surnom, El Flaco Spinetta.