Hier, la campagne calomnieuse montée par la
partie la plus rance de la droite battait son plein : depuis plus d'une semaine, des militants font courir le bruit que la majorité actuelle est en train de rendre leur liberté à
tout ce que les prisons argentines comptent de violeurs, cambrioleurs et assassins. Parmi ces agitateurs, une juge
d’application des peines en poste à Quilmes (grande banlieue de Buenos Aires), qui avait elle-même
refusé de respecter la quarantaine à son retour de ses vacances en
Italie et dont le cabinet a été fermé pour cette raison par les
autorités judiciaires de la province de Buenos Aires, a reconnu
avoir délibérément menti sur le sujet : elle avait prétendu
que 1.076 condamnés pour des faits contre les biens et 276 condamnés
pour des faits contre les personnes avaient été remis en liberté,
sous prétexte de vider les prisons et de ne pas en faire des nids de
contagion du covid-19. Elle avait aussi avancé le chiffre de 2.458
libérations, avant d’avouer qu’en fait elle n’en savait rien,
alors que la cour suprême provinciale avait démenti ses chiffres
aberrants. La juge en question ne cache pas son appartenance
politique : elle est un soutien du PRO, le parti de Mauricio
Macri, l’ancien président qui n’a pas pu obtenir un second
mandat.
Selon
la Cour suprême de la province de Buenos Aires, seuls 38 condamnés
pour de tels faits ont retrouvé la liberté du 17 mars au 17 avril.
Ils touchaient au terme de leur peine. A la même période l’année
dernière (sous une majorité de droite encore convaincue de se faire
réélire en octobre) ils étaient 44 dans ce cas.
Par
ailleurs, il est vrai qu’un certain nombre de personnes en prison
pour des faits mineurs ont bénéficié d’aménagement de peine
afin de ne pas surcharger les prisons en cette période de crise
sanitaire et que le ministère de la justice national a encouragé
cette solution qui passe par des bracelets électroniques pour les
condamnés et par une forme de contrôle judiciaire pour les
prévenus. Rien de scandaleux par conséquent.
Cela
n’a pas empêché la presse de droite de donner beaucoup de place
dans ses colonnes et sur ses ondes à de prétendues libérations
massives de violeurs et d’égorgeurs en tout genre, prêts à
remplir à nouveau de leurs crimes les bonnes villes d’Argentine.
Les réseaux sociaux, bien cornaqués par qui y avaient intérêt,
ont relayé des tas d’informations fantaisistes, n’hésitant pas
à augmenter les chiffres et on a entendu ces derniers jours,
beaucoup de concerts de casseroles aux balcons et aux fenêtres de la
part d’une population rendue folle par l’effroi. Il faut dire
aussi qu’en matière de sécurité, il ne faut pas grand-chose pour
allumer des mèches en Argentine.
Très
calmement, il y a déjà plusieurs jours, le président, qui est
professeur de droit pénal, avait expliqué que l’application des
peines n’était pas du ressort des exécutifs mais des pouvoirs
judiciaires territorialement compétents. A cela, s’est ajouté au
cours de ce long week-end l’attitude de plus en plus bouillante des
adolescents qui n’en peuvent plus d’être confinés à la maison,
surtout en ville, où le patio et la terrasse ne satisfont pas leur
besoin de mouvements.
Le
président Alberto Fernández a donc pris sa guitare, comme ils peuvent le faire
eux-mêmes chez eux, il a joué les premières mesures d’une
chanson de rock très célèbre en Argentine (1) et, sur son compte
Twitter, il s’est adressé à eux, comme à de futurs citoyens, en
faisant appel à leur bon sens et à leur créativité.
Un
message simple, fraternel, cordial que même Clarín et La Nación
ont repris ce matin ! Depuis la mise en place du confinement, il
était déjà entré en conversation avec des enfants qui lui
envoient des dessins par les réseaux sociaux et à qui il répond
avec sérieux, sans jamais bêtifier, tout en restant toujours à
leur niveau…
Pendant
ce temps, la situation sanitaire augure de bien des difficultés : il
semblerait que le virus soit quelque peu sensible à la saisonnalité.
L’hiver arrivant, malgré les mesures de distance physique qui ont
été prises partout, en Afrique, en Océanie et en Amérique, le
pire pourrait encore être à venir au sud de la planète tandis
qu’au nord, la contagion régresse très lentement.
Dans la colonne de gauche, en haut : "l'état de grâce du président s'épuise" |
Pour en savoir plus :
sur
le message du président
lire
l’article de Clarín
sur
les infox propagées par la juge et ses copains
lire
l’article de La Prensa, qui fait mine de rétablir les faits (bien
caché dans ses pages intérieures)
lire
l’éditorial du rédacteur en chef de La Prensa qui proclame hier
et aujourd’hui (en une, ci-dessus) la fin de l’état de grâce
pour le président, après avoir fait samedi une autre une, au ton particulièrement arrogant (ci-dessous).
En gros titre : "Est-ce qu'ils ont capté le message ?" sur une photo d'une casserole tintant dans la nuit automnale |
(1)
Une chanson de Luis Alberto Spinetta, qu’il cite par son surnom,
El Flaco Spinetta.