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Le
21 mai dernier, Manuel Belgrano, président de l’Instituto Nacional
Belgraniano et descendant du général dont 2020 est l’année en
Argentine, est allé faire des enregistrements au Museo municipal
Dámaso Arce auquel la famille a légué celui des deux portraits
réalisés à Londres en 1815 et attribué à Casimir Carbonnier
qu’elle tenait du héros révolutionnaire (1) : c’est le le
plus ingrien des deux, celui où Belgrano apparaît en pied avec la
bataille de Salta en arrière-plan (2). Ces enregistrements et photos
étaient prévus en mars, juste avant que ne tombe la décision du
confinement ! Et tout a dû être annulé.
Sean
eternos los laureles
que
supimos conseguir:
coronados
de gloria vivamos
o
juremos con gloria morir. (ter)
Que
soient éternels les lauriers
que
nous avons su gagner :
vivons
couronnés de gloire
ou
jurons de mourir dans l’honneur
(2nde
et dernière strophe de l’hymne national argentin, Vicente López y
Planes, 1813
Traduction ©
Denise Anne Clavilier)
Illustration :
cocarde argentine
qu’il est d’usage d’épingler sur son
vêtement aujourd’hui
mais cette année, tout le monde est à la
maison,
alors c’est le blog qui arbore le symbole !
Cette
photo de Manuel Belgrano posant avec ma biographie française de son
ancêtre dans les mains devant ce très beau portrait aurait donc dû
arriver il y a plusieurs mois. Seul l’allègement du confinement
dans la province de Buenos Aires, très loin de la capitale fédérale,
a enfin permis de la faire et vendredi, j’ai eu la surprise de la
trouver dans mes mails !
La
couverture de Manuel Belgrano – L’inventeur de l’Argentine
reprend, quant à elle, l’autre portrait du général, lui aussi
peint à Londres par Carbonnier. Celui-là est exposé au Museo
Nacional del Cabildo y de la Revolución de Mayo dans le cœur
historique de Buenos Aires, sur Plaza de Mayo.
Sur
le portrait en pied, on devine un Belgrano encore très fatigué,
souffrant sans doute encore de la malaria contractée au début de
1814 et dont on sait qu’en août 1815 il lui restait assez de
symptômes pour qu’il aille prendre les eaux dans la petite et
charmante ville thermale de Cheltenham. Sur le buste, en revanche,
son regard est plus vif et il esquisse un sourire. Il semble en
meilleure santé. Peut-être grâce au repos pris à Cheltenham. Et
peut-être est-ce la raison pour laquelle il fit deux commandes au
même artiste. Peut-être est-ce aussi quand il s’est senti mieux
qu’il a finalement décidé de rentrer en Argentine tandis que son
compagnon de mission, Bernardino Rivadavia, continuait ses recherches
d’appui diplomatique à l’imminente déclaration d’indépendance
en se rendant dans le Paris occupé par les Coalisés, après
Waterloo et l’exil définitif de Napoléon.
L’ensemble
de ces clichés sont à voir sur la page Facebook du photographe,
Tomás Pagano, et sur celle de l’Institut. Il faut admirer le
talent du professionnel qui a réussi à obtenir de ce grand tableau
une photo presque sans reflet et avec une résolution si fine qu’on
peut y voir nettement le détail du drapeau (juste au-dessus de la
cuisse de Belgrano, à la verticale du genou : un carré blanc
et un carré bleu ciel – ce sont bien les couleurs de l’Argentine).
(1)
Casimir Carbonnier n’a pas signé ces deux tableaux très
probablement parce qu’il n’en voyait pas l’intérêt. Il venait
de s’installer à Londres pour éviter les humiliations réservées
en France aux bonapartistes. Manuel Belgrano semble avoir été le
premier dignitaire à lui passer commande. Le peintre exilé n’avait
aucun besoin de faire connaître ses talents en Amérique du Sud où
les tableaux allaient être emportés. Ce n’est pas là-bas qu’il
trouverait des clients pour gagner son pain en Angleterre.
(2)
Cette scène est très intéressante du point de vue historique :
elle ne peut en effet avoir été conçue qu’à partir des
indications du général lui-même. C’est la seule source datant du
vivant de Belgrano que l’on possède sur le premier aspect du
drapeau national, inventé par le général à Rosario le 27 février
1812 et arboré au feu pour la première fois à Salta un an plus
tard. Casimir Carbonnier avait étudié dans l’atelier de David
avant de passer à celui d’Ingres dont il devint un ami personnel
au point que lorsqu’il rentra à Paris sous la Monarchie de
Juillet, il alla s’installer dans le logement avec atelier
d’artiste qu’Ingres venait de quitter dans la rue du Bac, à
quelques centaines de mètres de la chapelle de la Médaille
miraculeuse.