lundi 25 mai 2020

Quand Manuel Belgrano en personne et en peinture salue(nt) mon travail à Olavarría [Disques & Livres]

Photo Tomás Pagano
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Le 21 mai dernier, Manuel Belgrano, président de l’Instituto Nacional Belgraniano et descendant du général dont 2020 est l’année en Argentine, est allé faire des enregistrements au Museo municipal Dámaso Arce auquel la famille a légué celui des deux portraits réalisés à Londres en 1815 et attribué à Casimir Carbonnier qu’elle tenait du héros révolutionnaire (1) : c’est le le plus ingrien des deux, celui où Belgrano apparaît en pied avec la bataille de Salta en arrière-plan (2). Ces enregistrements et photos étaient prévus en mars, juste avant que ne tombe la décision du confinement ! Et tout a dû être annulé.


Sean eternos los laureles
que supimos conseguir:
coronados de gloria vivamos
o juremos con gloria morir. (ter)
Que soient éternels les lauriers
que nous avons su gagner :
vivons couronnés de gloire
ou jurons de mourir dans l’honneur
(2nde et dernière strophe de l’hymne national argentin, Vicente López y Planes, 1813
Traduction © Denise Anne Clavilier)
Illustration : cocarde argentine
qu’il est d’usage d’épingler sur son vêtement aujourd’hui
mais cette année, tout le monde est à la maison,
alors c’est le blog qui arbore le symbole !

Cette photo de Manuel Belgrano posant avec ma biographie française de son ancêtre dans les mains devant ce très beau portrait aurait donc dû arriver il y a plusieurs mois. Seul l’allègement du confinement dans la province de Buenos Aires, très loin de la capitale fédérale, a enfin permis de la faire et vendredi, j’ai eu la surprise de la trouver dans mes mails !

La couverture de Manuel Belgrano – L’inventeur de l’Argentine reprend, quant à elle, l’autre portrait du général, lui aussi peint à Londres par Carbonnier. Celui-là est exposé au Museo Nacional del Cabildo y de la Revolución de Mayo dans le cœur historique de Buenos Aires, sur Plaza de Mayo.

Sur le portrait en pied, on devine un Belgrano encore très fatigué, souffrant sans doute encore de la malaria contractée au début de 1814 et dont on sait qu’en août 1815 il lui restait assez de symptômes pour qu’il aille prendre les eaux dans la petite et charmante ville thermale de Cheltenham. Sur le buste, en revanche, son regard est plus vif et il esquisse un sourire. Il semble en meilleure santé. Peut-être grâce au repos pris à Cheltenham. Et peut-être est-ce la raison pour laquelle il fit deux commandes au même artiste. Peut-être est-ce aussi quand il s’est senti mieux qu’il a finalement décidé de rentrer en Argentine tandis que son compagnon de mission, Bernardino Rivadavia, continuait ses recherches d’appui diplomatique à l’imminente déclaration d’indépendance en se rendant dans le Paris occupé par les Coalisés, après Waterloo et l’exil définitif de Napoléon.

L’ensemble de ces clichés sont à voir sur la page Facebook du photographe, Tomás Pagano, et sur celle de l’Institut. Il faut admirer le talent du professionnel qui a réussi à obtenir de ce grand tableau une photo presque sans reflet et avec une résolution si fine qu’on peut y voir nettement le détail du drapeau (juste au-dessus de la cuisse de Belgrano, à la verticale du genou : un carré blanc et un carré bleu ciel – ce sont bien les couleurs de l’Argentine).



(1) Casimir Carbonnier n’a pas signé ces deux tableaux très probablement parce qu’il n’en voyait pas l’intérêt. Il venait de s’installer à Londres pour éviter les humiliations réservées en France aux bonapartistes. Manuel Belgrano semble avoir été le premier dignitaire à lui passer commande. Le peintre exilé n’avait aucun besoin de faire connaître ses talents en Amérique du Sud où les tableaux allaient être emportés. Ce n’est pas là-bas qu’il trouverait des clients pour gagner son pain en Angleterre.
(2) Cette scène est très intéressante du point de vue historique : elle ne peut en effet avoir été conçue qu’à partir des indications du général lui-même. C’est la seule source datant du vivant de Belgrano que l’on possède sur le premier aspect du drapeau national, inventé par le général à Rosario le 27 février 1812 et arboré au feu pour la première fois à Salta un an plus tard. Casimir Carbonnier avait étudié dans l’atelier de David avant de passer à celui d’Ingres dont il devint un ami personnel au point que lorsqu’il rentra à Paris sous la Monarchie de Juillet, il alla s’installer dans le logement avec atelier d’artiste qu’Ingres venait de quitter dans la rue du Bac, à quelques centaines de mètres de la chapelle de la Médaille miraculeuse.