Le gouvernement argentin a annoncé hier, au cours
d’une conférence de presse triomphale, le développement d’un
test de diagnostic du covid-19 plus rapide et moins coûteux à
mettre en œuvre que le test utilisé partout jusqu’à présent.
Le
nouveau test, baptisé Covid-19 ®Neokit,
dont le principe n’a pas fait l’objet d’un article scientifique
mais très probablement celui d’un dépôt de brevet international,
devrait permettre au pays de se passer à assez court terme de
l’importation de l’autre test (qui entraîne de lourdes dépenses
publiques en devises étrangères et des risques de retard à la
livraison, étant donné la tension qui règne dans les usines de
production) et du recours aux appareils d’analyse de laboratoire,
eux aussi particulièrement onéreux à l’acquisition. Les essais
de validation ont été réalisés sur les ARN obtenus à partir de
85 prélèvements de patients conservés à l’Instituto Malbrán
(1), qui jusqu’à présent centralisait l’administration de
presque tous les tests de diagnostic pour le covid. Le procédé a
systématiquement donné le bon résultat, positif pour 50
échantillons et négatifs pour les 35 autres. Ses performances
seraient donc identiques à celles de son homologue. Toutefois il n’a
pas encore effectué de diagnostics nouveaux.
Le
procédé consiste à faire passer l’ARN purifié du virus
infectieux isolé dans les prélèvements dans un réactif chauffé à
65° qui accélère la multiplication des segments significatifs du
génome viral et passe ainsi du violet au bleu si ce génome est
celui du Sars-Cov-2. Si c’est celui du virus de la grippe, dont
l’épidémie australe est proche, le réactif conserve sa couleur
initiale. Une simple étuve peut donc suffire à cette étape du
diagnostic, l’opération la plus lourde demeurant celle de
l’extraction d’ARN, après le prélèvement, qui ne change pas,
nécessite toujours la même quantité d’écouvillons médicaux et
reste incommode pour le patient. Le nouveau procédé présente aussi
une bonne sécurité pour les manipulateurs puisque les petits tubes
à essai qu’il nécessite sont hermétiquement scellés pour éviter
le contact avec le contenu et peuvent être jetés après chauffage,
tels quels, selon les normes en usage pour les matériaux infectés.
Le
kit est produit par un consortium public-privé, Neokit SAS, qui
associe le Conicet (centre national de recherche scientifique et
technologique) et le laboratoire privé Pablo Cassara. Des
financements publics sont encore attendus pour développer le produit
comme il convient. Avant la survenue du covid, Neokit SAS travaillait
sur des tests de détection de maladies endémiques comme la dengue
(présente depuis longtemps dans le nord du pays) ou des affections
apparues plus récemment comme le chikugunya, le zika ou la maladie
de Chagas, qui a fait de gros dégâts cet été dans des provinces
particulièrement pauvres. Les recherches sur le test relatif à
cette dernière ont eu le temps d’aboutir mais le reste a été
laissé de côté pour mobiliser toutes les énergies sur la
pneumonie pandémique, déclarée priorité des priorités étant
donné qu’elle est très contagieuse, passablement dangereuse,
inconnue (ce qui n’est pas le cas des trois autres affections) et
qu’elle met toute l’économie, qui n’en avait pas besoin, au
point mort.
Le
gouvernement attend de ce nouveau procédé une capacité accrue de
diagnostic grâce à la maîtrise de la production et à la
simplification de l’opération finale qui pourra désormais être
confiée à un personnel plus nombreux parce que moins qualifié que
des techniciens en biologie dans des laboratoires lourdement équipés.
La couverture territoriale pourrait elle aussi en être améliorée.
Un seul kit contient le matériel pour une centaine de diagnostics,
en comptant de multiples diagnostics simultanés par patient.
La
nouvelle tombe bien au moment où l’Argentine (et l’ensemble du
sous-continent) semble s’acheminer vers le pic épidémiologique,
comme les scientifiques l’avaient annoncé fin mars (2), et où des
foyers de contagion assez dangereux se sont déclarés dans plusieurs
bidonvilles, dont celui de Retiro (Buenos Aires) où la plus
emblématique des porte-parole de la culture prolétarienne,
journaliste à la revue autogérée Garganta Poderosa, vient d’être
hospitalisée.
A
la fin de la semaine prochaine, on s’attend à disposer de 10.000
kits, ce qui permettrait de réaliser un million de tests
(l’Argentine compte 46 millions d’habitants). A terme, on prévoit
une production de 100.000 kits par semaine. De quoi couvrir assez
vite une bonne partie des besoins partout dans le pays, si ces
prévisions sont réalistes, et de donner aux autorités sanitaires
le contrôle sur l’épidémie.
Il
reste néanmoins à mettre le système à l’épreuve du terrain,
avec des patients jamais diagnostiqués. Il n’y a pas de raison que
ce soit une catastrophe mais la certitude de l’efficacité ne sera
acquise que d’ici quelques semaines. En attendant, cette
performance nationale remonte le moral de tout le monde et c’est
toujours bon à prendre.
Pour
aller plus loin :
lire
l’article de Página/12 qui interviewe le directeur de l’équipe
des développeurs du Neokit
lire
l’article de Clarín
lire
l’article de La Nación, dont le journaliste, la voix sensiblement étouffée par un masque, a posé la première
question aux ministres hier soir lors de la conférence de presse
voir
la conférence de presse gouvernementale sur le canal You Tube de la
Casa Rosada
lire
le communiqué officiel de la présidence.
Mise à jour du 19 mai 2020 :
lire cet article de Clarín sur le procédé mis en œuvre dans le test argentin.
Mise à jour du 19 mai 2020 :
lire cet article de Clarín sur le procédé mis en œuvre dans le test argentin.
(1)
85 tests de validation, ce n’est pas très lourd mais nécessité
fait loi dan ce pays étranglé par sa dette et ses porteurs de bons
du trésor assez mal disposés envers l’Argentine (ce qui est
normal, les investisseurs privés qui prêtent à des pays comme
l’Argentine sont pour la plupart des spéculateurs institutionnels
ou particuliers qui ne respectent aucun principe éthique).
(2)
C’est le mois de la fête nationale. Les célébrations de ce
premier 25 mai du mandat, qui devait aussi rendre un hommage plus
particulier à Manuel Belgrano, en cette année qui lui est
consacrée, semblent bel et bien compromises, en tout cas dans leurs
formes traditionnelles.