Hier, jeudi 17 février à 15h15, s'est ouverte une série de cérémonies officielles autour de Las Baldosas que cantan (1). Il s'agit de rendre hommage en 100 dalles commémoratives aux mensurations impressionnantes (2 m x 1,20) à différents artistes qui ont chanté Buenos Aires. Hier, le premier hommage était pour le Maestro Horacio Ferrer, qui était présent, avec le dévoilement d'une plaque consacrée à Balada para un loco (2), l'un des chefs-d'oeuvre co-signés avec Astor Piazzolla, dans l'avenue Callao à la hauteur du n° 1224, une section de cette artère dont il est question dans la letra de ce tango refondateur, créé en novembre 1969.
On attendait Mauricio Macri à cette manifestation, ce qui ne manquera pas de faire ricaner bien des artistes, auxquels il rend la vie si difficile depuis qu'il est arrivé à la tête du Gouvernement de la Ville de Buenos Aires, comme je vous en parlais encore hier dans un article concernant le conflit social durable qui secoue le Teatro Colón, l'opéra de la capitale argentine (voir mon article du 17 février 2011 à ce sujet).
Affiche diffusée par Avelino Tamargo
(cliquez sur l'image pour une meilleure résoulution, lisible)
Las Baldosas que cantan verront la pose et le dévoilement de ces dalles en divers endroits de la ville pour rappeler une oeuvre musicale liée au lieu ainsi marqué. La liste des artistes honorés est fort inégale, on y met sur le même plan Horacio Ferrer et Cacho Castaña, qui sera sans doute honoré pour Café la Humedad, esquina Gaona y Boyacá (3).
Las Baldosas que cantan fait partie d'une campagne intitulée Amor a Buenos Aires et destinée à marquer les liens de la ville avec ses artistes, de tango ou de rock. Elle est une initiative d'un groupe d'élus de la Legislatura Portaña et de la Chambre des Députés nationale.
Sur l'annonce diffusée par les services du député Avelino Tamargo, à l'initiative de l'opération, vous pouvez voir à quoi ressemble la première dalle, qui donne l'intégralité de la letra de Balada para un loco. L'oeuvre le méritait bien à coup sûr. Ses co-auteurs aussi. On fêtera très bientôt les 90 ans de la naissance de Astor Piazzolla.
Du coup, pourquoi ne pas écouter ce chef d'oeuvre, grâce à l'encyclopédie argentine et tanguera en ligne Todo Tango, dans les deux versions de référence que sont celle de Amelita Baltar, avec le texte initial, où c'est la femme qui décrit la scène délirante, à la troisième personne, et celle qu'a enregistrée dès l'année suivante Roberto Goyeneche (tant et si bien que l'enregistrement du Polaco est antérieur à celui de la créatrice, le couple Piazzolla-Baltar ayant été comme pris de court par le chanteur et la maison de disques, enthousiasmés). La version masculine, où c'est l'homme qui déroule son propre délire, à la première personne, est celle que j'ai traduite dans Barrio de Tango (le livre). Ce changement de personne grammaticale change du tout au tout la dimension littéraire du poème, qui fit son effet en son temps et continue de surprendre ceux qui le découvre grâce à des traductions partout dans le monde (sur le 40ème anniversaire de Balada para un loco et les célébrations qui l'ont marqué, reportez-vous à mon article du 28 novembre 2009 et au Retour sur images du 11 décembre 2009, rédigé par Solange Bazely, pour Barrio de Tango, le blog).
(1) Las baldosas que cantan : les dalles qui chantent. Les dalles en question sont celles qui couvrent les trottoirs de Buenos Aires et les patios dans les maisons individuelles.
(2) Balada para un loco est présenté, en version bilingue, espagnol-français, dans une traduction qui m'a valu de nombreux encouragements de la part du Maestro Ferrer, dans Barrio de Tango, recueil bilingues de tangos argentins, ed. du Jasmin, mai 2010, p 316.
(3) Café La Humedad a failli faire partie de Barrio de Tango. J'y ai renoncé au dernier moment pour inclure une autre letra, d'un autre auteur, parce que je ne pouvais pas ajouter une nouvelle page à ce volume qui devenait trop gros. Café la Humedad est l'une des très belles chansons que l'on doit à Cacho Castaña, qui n'a pas écrit que des chefs-d'oeuvre, loin de là. C'est pourquoi je tique un peu quand je vois cette manifestation l'honorer à l'égal d'un écrivain aussi constant qu'un Horacio Ferrer, surtout s'ils sont une centaine d'artistes à être ainsi distingués.