vendredi 18 février 2011

Café littéraire à l'Espace Tango Negro à partir de mars [ici]

A partir du mardi 1er mars 2011, à 20h, j'animerai un café littéraire autour du répertoire du tango, comme une première approche de la littérature argentine, à l'Espace Tango Negro, 71 rue Rochechouart, Paris 9ème (M° Anvers).



Pourquoi parler ici d'approche de la littérature argentine ? N'en ferais-je pas un peu trop pour ce qui n'est que de la chanson, ne manqueront pas de se demander bon nombre d'internautes lorsqu'ils tomberont, par hasard ou par curiosité, sur cet article ou sur ce blog. Eh bien, aussi curieux que cela puisse paraître à notre expérience européenne, non, ce n'est pas exagéré, loin de là.

Le tango, tout art populaire qu'il est, constitue en effet, avec la grande geste versifiée Martín Fierro (1) et l'oeuvre du poète et dramaturge Evaristo Carriego (1883-1912) qui l'ont précédé de quelques années, la pierre angulaire du patrimoine littéraire des Argentins et en partie également de celui des Uruguayens, tant là-bas c'est l'art populaire qui est le moteur de la vie culturelle autochtone et non pas, comme de ce côté-ci, de l'Atlantique, l'art des élites, qui impressionne le peuple et trop souvent le détourne de la culture, pourtant accessible à tout un chacun. En Argentine, l'oeuvre d'un Julio Cortázar (Bruxelles, 1914 - Paris, 1984) est pétrie des letras de tango et parsemée de citations de Manzi, de Cadícamo, de Discépolo, de Le Pera..., alors même que cet écrivain a beaucoup vécu à l'étranger, plus que dans son pays. Les paroliers du rock argentin eux-mêmes payent régulièrement et dévotement leur tribut à cet héritage national, ce qui justifie amplement l'inscription du genre au patrimoine culturel immatériel de l'humanité, votée par l'UNESCO en septembre 2009 (voir mon article du 30 septembre 2009 à ce sujet).

Le principe des Cafés littéraires de l'Espace Tango Negro est le même que celui des Rendez-vous littéraires de l'Académie Esprit Tango : une rencontre autour d'un ou deux textes de tango, dans des versions bilingues, pour apprécier la musique de l'original et l'inventivité de la langue d'une part et la richesse de la signification (grâce à la traduction en français) d'autre part, avec tout ce que le texte dit aussi entre les lignes, le trésor de ces perles historiques, sociologiques et culturelles que cachent les vers, tantôt réalistes, tantôt oniriques, tantôt allégoriques, et presque toujours revendicatifs ou du moins nettement protestataires. Aucune connaissance antérieure n'est nécessaire : on peut donc venir sans connaître l'espagnol (2), sans connaître ni savoir lire la musique, sans savoir chanter, sans savoir danser le tango, sans savoir danser du tout. Et il ne s'agit pas non plus d'apprendre à écrire des tangos et surtout pas de nous prendre pour des Argentins (ce qui est le plus sûr moyen de devenir des Argentins d'opérette. Alors, même si le ridicule ne tue pas, on évitera d'y tomber bêtement).

Au programme de ce premier Café littéraire, qui sera un vrai café avec de quoi se désaltérer et grignoter au cours d'un partage à la bonne franquette comme à Buenos Aires (3), j'ai mis le père de tous les tangos, sa majesté Mi noche triste, un incontournable classique de Pascual Contursi sur une partition de Samuel Castriota, immortalisé par Carlos Gardel, qui l'enregistra dès 1917 (4). Il est difficile en effet de s'intéresser à la poésie du tango et à la poésie populaire du Río de la Plata sans passer d'abord par cette porte d'entrée.

Lors du premier Rendez-vous littéraire de l'Académie Esprit Tango, le 5 février dernier, ce texte, sous son apparente simplicité, a inspiré beaucoup de questions et de remarques judicieuses. Lors de ma conférence de mardi dernier, le 15 février, à l'occasion de la présentation de mes deux livres à l'Espace Tango Negro (voir mon article du 5 février 2011), l'attitude du public, pendant et après la conférence, m'a confirmée cette soif d'aller loin dans la découverte et de dépasser les apparences et les clichés, dont vous n'êtes pas dupes. Je ne suis donc pas certaine que nous aurons le temps de regarder plus que cette letra historique, considérée comme le tout premier tango-canción ou tango à texte (en 1916). A toutes fins utiles, je prépare néanmoins Milonga sentimental et qui viendra verra...

Ce choix n'est pas fait au hasard, il existe en effet des liens entre Mi noche triste et Milonga sentimental, des liens thématiques, des liens historiques et en plus de ces liens, Milonga sentimental fera le pont avec le thème qui occupera tout le reste du mois de mars et sans doute une partie du mois d'avril : l'héritage noir du tango tel qu'il fut et qu'il continue d'être assumé, voire recherché et interrogé par les artistes de tango, tant les poètes que les compositeurs. L'Espace Tango Negro en est le témoignage par excellence à Paris, par son nom et par,encore plus, par l'oeuvre de son animateur, le musicien et peintre Juan Carlos Cáceres, un des compositeurs qui interrogent ces racines à travers tous ces disques, dont le tout prochain, Noche de Carnaval, à paraître en mars chez Mañana, apportera encore la preuve (5).
Comme dans les Rendez-vous littéraires, nous profiterons des textes pour aller regarder ce qui se passe du côté des interprétations musicales de ces morceaux, des arrangements et des différentes versions qui ont marqué l'histoire du tango et formé l'oreille musicale et la sensibilité poétique des Argentins et des Uruguayens. Tout cet humus culturel qui fait qu'ils ont des références bien à eux que nous avons à découvrir si nous voulons profiter de toute la richesse et de toute la saveur au plus près de ce qu'il dit et de ce qu'il chante.

Il est demandé une participation aux frais de 15 € par personne. Nombre de places limité.
Pour la bonne organisation de la rencontre, il vous est donc demandé de réserver par mail (6) en donnant votre nom, votre prénom, celui de vos accompagnants (le cas échéant) et si possible une adresse, pour la bonne tenue de la facturation (dactango@hotmail.fr).

Pour découvrir le lieu et son esprit, précipitez-vous la semaine prochaine au concert que Juan Carlos Cáceres donnera avec ses invités, le saxophoniste et clarinettiste argentin David Marcos, et le guitariste, argentin lui aussi, Hugo Díaz Cardenas, le jeudi 24 février, à 20h. Nous nous y retrouverons. Sur ce concert, voir mon article du 14 février 2011

Mes deux livres sont en vente à l'Espace Tango Negro et pourront donc être acquis au cours des Cafés littéraires (si vous voulez en acheter un pendant un concert, prévenez l'Espace Tango Negro par mail en réservant votre place. Cela facilitera l'organisation de la soirée pour Alicia Zadán qui s'occupe de mettre tout ça en musique).

(1) Martín Fierro, grand roman épique en vers, de José Hernández, a été publié pour la première fois en 1872. Il est à l'identité culturelle argentine ce que Don Quichotte est à celle de l'Espagne et ce que l'oeuvre de Molière est à celle de la France. Et parmi ces grands fondateurs, il convient aussi de rappeler le souvenir du poète Almafuerte, de son vrai nom Pedro Bonifacio Palacios (1854-1917), un Borges avant l'heure mais autodidacte, lui...
(2) D'autant plus que le tango est l'un des phénomènes moteurs du lent mais très profond processus de différenciation linguistique qui sépare de plus en plus et de manière irréversible depuis 120 ans la langue parlée en Argentine de celle pratiquée en Espagne, et qui nous est légitimement plus familière.
(3) café, thé, infusion ou soda, en fonction des goûts et de la température extérieure, avec petits fours secs. Et pourquoi pas une rueda de mate ? Aimeriez-vous goûter à cette boisson nationale, de forte amertume, surprenante pour nos palais, partagée par les Argentins et les Uruguayens ? Du point de vue organoleptique, le mate est à la fois un coupe-faim naturel, un tonique léger (qui n'empêche pas de dormir), une excellente protection contre les caries et un désaltérant puissant, en particulier sous sa forme glacée que l'on apprécie sous l'été caniculaire et humide du Río de la Plata.
(4) Mi noche triste, traduit et présenté dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, ed. du Jasmin, avec 230 autres letras de tango, à la page 18.
(5) Sur l'héritage noir du tango tel que l'assume et le revendique Juan Carlos Cáceres, voir l'ensemble des articles que j'ai déjà consacrés à ce musicien en cliquant sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus, et en particulier l'article que j'ai publié sur son livre, Tango negro, la historia negada, édité en juin 2010 chez Planeta, à Buenos Aires, et pour lequel il a donné une interview à Página/12 (voir mon article du 26 juin 2010)
(6) Les adresses mails ainsi récoltées ne font l'objet d'aucune revente à des organismes commerciaux et ne serviront pas à vous harceler de propositions. Elles permettront en revanche de vous avertir de possibles changements de programme ou de date pour que vous ne vous déplaciez pas en vain.