Le 1er février dernier, la Présidente argentine a annoncé la nouvelle indexation du minimum vieillesse, établie par la loi, il y a deux ans et demi, sur un rythme semestriel : à partir du 1er mars, ce minimum sera augmenté de 17,33% et concernera 5,6 millions de retraités et un million d'autres ayant-droits à pension, à titre civil ou militaire (pour les anciens combattants de la guerre des Malouines de 1982, qui étaient, pour l'écrasante majorité, de simples appelés).
Ainsi en 5 mises à niveau, ce minimum vieillesse aura-t-il augmenté de 78%, dans un pays où l'inflation annuelle est de l'ordre de 20 à 25%, assez difficile à mesurer avec exactitude car les agences d'analyse économique privées et l'Institut national de statistiques (l'INDEC) n'utilisent ni les mêmes indices ni les mêmes paramètres de calcul, les agences privées, en général rémunérées par l'opposition ou le patronat, donnant des résultats nettement plus pessimistes que l'Institut national, toujours plus ou moins suspect de maquiller ses chiffres pour servir les intérêts du Gouvernement en place (1). Malgré cela, le quotidien pro-gouvernemental Página/12 a calculé que les augmentations ainsi accordées par l'Etat sur le minimum vieillesse étaient supérieures à l'inflation calculée par le secteur privé : l'inflation aurait en effet été de 15% en 2008 (contre 19,9%, somme des deux tranches d'indexation de l'année) et de 25% en 2009 (pour 26,5 %, obtenu en additionnant les deux tranches d'indexation).
Cette capacité financière récente pour l'Argentine est due à de nouvelles recettes qui proviennent de rentrées fiscales plus efficacement recouvertes, en TVA, impôt sur le revenu et taxes diverses frappant certains produits (cigarettes et autres), et aussi à la hausse des salaires, qui a des conséquences sur le montant de l'impôt sur le revenu et sur les cotisations payées au régime de retraite par répartition généralisée depuis deux ans, depuis que le Gouvernement a mis fin au régime de retraite de base par capitalisation instaurée sous le mandat de Carlos Menem dans les années 1990. Et on a vu il y a quelques jours que le Gouvernement s'armait pour rendre plus efficace encore tout ce système national, puisqu'il vient de mettre en place un Registre national des salariés informatisé pour lutter contre la masse énorme du travail au noir, qui varie selon les secteurs et les Provinces de 35 à 60% des salariés (voir à ce sujet mon article du 27 janvier 2011).
L'indexation de ce mois de mars est la plus élevée depuis la mise en oeuvre de la Loi d'indexation (Ley de movilidad). Elle porte le minimum vieillesse de 1 046,43 à 1 227,78 $ (compendre peso argentin, bien entendu). Les retraités les plus pauvres, ceux qui bénéficient aussi de la petite allocation complémentaire du PAMI (45 $), soit 1,8 millions de personnes, toucheront la somme globale de 1 272 $ chaque mois. Ce n'est pas encore le Pérou, loin de là, mais c'est une nette progression du niveau de vie des anciens. Il y a un peu plus de deux ans, lorsque le Gouvernement a mis fin au régime de retraite par capitalisation, on avait découvert que des retraités arrivaient à ne percevoir que 150 $ de pension par mois, à cause de la gestion catastrophique du système et des risques boursiers qui lui étaient liés (voir mes articles sur la disparition de ce régime et les développements politiques et économiques qu'elle avait entraînés à la fin de 2008). Depuis l'instauration de la Ley de Movilidad, les indexations successives du minimum vieillesse ont été de 11,69 % en mars 2009, 7,34% en septembre 2009, 8,21% en mars 2010, 16,90% en septembre de l'année dernière.
Ainsi, le nouveau minimum vieillesse correspondra-t-il, à partir du 1er mars, à 66,7% du salaire minimum actuel en Argentine (1 840$).
Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 du 2 février 2011
lire l'article de Clarín du 2 février 2011 (anti-gouvernemental)
lire l'article de La Nación du 2 février 2011 (opposition libérale)
(1) Mes propres modestes constatations sur le terrain et pour la consommation courante (nourriture, transports, spectacles, restaurants, vêtements, livres et disques...) tendraient à montrer que les données de l'INDEC reflètent correctement la vie réelle au moins à Buenos Aires même, où le niveau des prix est nettement plus élevé qu'ailleurs. Voir mes paniers de la ménagère des années 2008 et 2009, ce que des soucis extérieurs à ce blog ne m'ont pas permis de complèter l'année dernière.