C'est une bande son que Radio Del
Plata, actuellement dans l'opposition, vient de rendre publique :
une pièce versée au dossier d'instruction sur la mort suspecte du procureur Alberto Nisman, intervenue dans la journée du
18 janvier 2015. L'enregistrement de la conversation de la mère du
magistrat, Sara Garfunkel, et un opérateur de la plate-forme
d'assistance de Swiss Medical, l'assurance qui couvrait le défunt,
est donc tombé dans les mains de journalistes qui n'hésitent pas à
l'exploiter.
Il faut dire que Sara Garfunkel
n'inspire pas beaucoup la sympathie, surtout à gauche : un
visage ingrat, à l'expression toujours acariâtre. Dans
l'enregistrement, on l'entend appeler pour obtenir d'urgence une
ambulance alors qu'elle est tout à fait sûre que son fils est
mort. Elle vient de le découvrir baignant dans son sang dans sa
salle de bain et le sang est déjà presque sec. Elle
a une voix étonnamment calme, voire indifférente. Elle s'exprime comme un témoin extérieur à la famille appellerait pour un saignement de nez ou un malaise quelconque. A côté d'elle, se tient au moins
l'un des gardes du corps de son fils, un policier, et
ce n'est même pas lui qui prend la peine d'appeler comme il devrait s'en charger. Des deux, c'est lui le professionnel qui devrait prendre le contrôle de la situation. Jusqu'à présent, on s'imaginait à ce moment-là Sara Garfunkel dans tous ses états, sous le choc de cette macabre découverte. Pas le moins du monde : elle est d'une parfaite maîtrise d'elle-même, à peine a-t-elle une hésitation sur l'adresse à laquelle elle se trouve et elle a en tête son propre numéro d'affiliation à Swiss Medical (l'a-t-elle appris par cœur ? En général, c'est le genre de numéro que l'on met en mémoire sur son portable et qu'on est incapable de répéter de tête à l'impromptu).
Le plus curieux reste encore que ce soit l'opérateur de la plate-forme qui émette le
premier l'idée d'avertir la police. Plus intrigants encore les propos de la
mère comme du garde du corps : ils ne laissent guère de doute sur leur
interprétation du drame ; Nisman s'est suicidé. D'une manière très brutale et avec fort peu de tact, si l'on songe qu'il s'adresse à l'opérateur avec le téléphone de la mère qu'elle vient de lui tendre parce qu'elle ne parvient pas à obtenir de son interlocuteur qu'il lui envoie une ambulance, le garde du
corps explique même qu'il s'est "fait sauter la cervelle".
Cette révélation sonore relance donc la bataille
médiatique et renforce la vision de la gauche très hostile à cette
famille riche et arrogante, qui fait tous ses efforts pour que la mort du magistrat soit traitée comme un assassinat (1), ce qui lui permettrait de toucher l'indemnisation prévue par les polices
d'assurance-vie souscrites par le disparu.
La plupart des journaux reprennent, souvent dans son intégralité, cette conversation digne de la scène inaugurale d'un épisode de Columbo, et pour deux d'entre eux au moins reproduisent les sept minutes
de l'émission d'hier sur les ondes de Radio Del Plata.
Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 qui se
contente de reproduire le contenu de la bande
lire l'article de La Nación, qui
commente brièvement tout en donnant l'intégralité de l'audio de
Radio Del Plata
lire l'article de Clarín, qui donne
lui aussi l'intégralité de l'émission sur un YouTube illustré par
une photo de Sara Garfunkel le 18 février 2015, pendant la très
pluvieuse manifestation publique en hommage à son fils qui avait
rassemblé dans les rues de Buenos Aires tout le corps judiciaire de
droite.
On peut écouter Radio Del Plata à
travers son site Internet.
Ajout du 20 mai 2016 :
lire l'article de Página/12 sur les déclarations de l'ex-procureur en charge de l'affaire pendant la première année d'investigation, Viviana Fein, qui vient tout juste de faire valoir ses droits à la retraite, après avoir été brutalement écartée de l'enquête en début d'années, quelques semaines après l'arrivée au pouvoir de Mauricio Macri, qui ne cache pas sa sympathie pour la famille Nisman, malgré les évidentes pratiques d'évasion fiscale dans lesquelles toute la famille est impliquée.
La magistrate honoraire se dit convaincue qu'il y a eu un complot, dans un département des services secrets argentins qui étaient en train d'échapper au contrôle du Gouvernement, pour pousser Nisman au suicide. On ne lui a pas laissé le temps de construire cette hypothèse, elle dit avoir été écartée au moment où elle se mettait à cette partie du travail.
Sur le même sujet, lire l'article de La Nación
Ajout du 20 mai 2016 :
lire l'article de Página/12 sur les déclarations de l'ex-procureur en charge de l'affaire pendant la première année d'investigation, Viviana Fein, qui vient tout juste de faire valoir ses droits à la retraite, après avoir été brutalement écartée de l'enquête en début d'années, quelques semaines après l'arrivée au pouvoir de Mauricio Macri, qui ne cache pas sa sympathie pour la famille Nisman, malgré les évidentes pratiques d'évasion fiscale dans lesquelles toute la famille est impliquée.
La magistrate honoraire se dit convaincue qu'il y a eu un complot, dans un département des services secrets argentins qui étaient en train d'échapper au contrôle du Gouvernement, pour pousser Nisman au suicide. On ne lui a pas laissé le temps de construire cette hypothèse, elle dit avoir été écartée au moment où elle se mettait à cette partie du travail.
Sur le même sujet, lire l'article de La Nación
(1) On peut imaginer que c'est pour
accréditer cette thèse que la mère demande une ambulance. A quoi
cela sert-il puisqu'elle sait, sans l'ombre d'un doute, qu'il est
mort ? La froideur qu'elle manifeste quelques minutes après
avoir trouvé le corps sans vie de son enfant pourrait aussi
expliquer que très peu de jours après cette horrible découverte
elle se soit inquiétée auprès de son ex-belle-fille, elle aussi
magistrate, d'un compte en banque aux Etats-Unis dont elle était la
titulaire officielle mais que gérait son fils, et pour lequel elle
ne disposait pas des codes d'accès.