mardi 17 mai 2016

Situation critique de la Culture à Buenos Aires [Actu]

La décision du Gouvernement national de mettre la priorité sur le règlement de la totalité de la dette argentine a aspiré une grande partie des trésoreries disponibles, mettant à nu de nombreux programmes dans les entités fédérées, à commencer par ceux concernant la culture.

C'est ce qui se passe aujourd'hui dans la Ville Autonome de Buenos Aires où notamment la nouvelle Direction de la Musique (1) a mis au régime sec tous les programmes lancés par la gestion antérieure (celle de Mauricio Macri lui-même) (2) : les théâtres, les salles de concerts, les ateliers municipaux mais aussi de nombreuses milongas, des salles coopératives, des clubs de quartier qui recevaient des subsides n'ont plus de programmation. Les orchestres municipaux ne se produisent plus.

L'opposition, à la Legislatura, s'est mis en tête de proposer des solutions pour que les artistes et les administratifs puissent retrouver une activité et des revenus, mais il est peu probable qu'elles soient adoptées, les musiciens eux-mêmes ayant proposé cet été des activités tenant compte des ressources budgétaires disponibles en pure perte. Ce matin, Página/12 tire la sonnette d'alarme dans ses pages culturelles.

Par ailleurs, La Nación (journal de la majorité) se fait l'écho d'inquiétudes qui se nouent en haut lieu concernant la participation du public aux prochaines festivités du bicentenaire de la Déclaration d'indépendance dans une cinquantaine de jours, le 9 juillet. Il semble qu'on ne soit pas prêt de voir à San Miguel de Tucumán les foules heureuses et exubérantes qui avaient salué, le 25 mai 2010, le bicentenaire de la Révolution de Mai. Il est vrai cependant que l'actuel Gouvernement, pour se démarquer des enthousiasmes kirchneristes, avait misé sur la sobriété, or la sobriété en matière de festivités patriotiques, ça n'est pas très argentin !

Des échos viennent de m'arriver de l'Intérieur : on me fait savoir que dans la Province de Mendoza, dirigée par une équipe de Cambiemos, la plupart des musées et des théâtres sont eux aussi fermés, faute de moyens pour les faire fonctionner et les ouvrir au public. D'où une affiche qui est très maigre depuis la rentrée de mars, dans tout le pays.

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 sur la direction portègne de la musique
lire l'article de Página/12 sur les initiatives de la Legislatura
lire l'article de La Nación où quatre historiens s'interrogent sur l'atonie du public et lui trouvent, dans la socio-psychologie du pays, des explications surréalistes qui écartent les très concrètes décisions gouvernementales qui enlèvent à l'événement son caractère spectaculaire, festif et donc éminemment populaire.

Ajout du 18 mai 2016 :
D'après une dépêche de Télam fort peu reprise par la presse nationale, Lopérfido a annoncé un investissement de 120 millions de pesos dans un programme pour développer la culture dans les quartiers et il a fait cette annonce dans un des quartiers les plus défavorisés et les plus excentrés, celui de Villa Lugano.

Ajout du 20 mai 2016 :
Un collectif d'organisations culturelles annoncent pour ce samedi une "panne de courant" (apagón) général dans 120 lieux culturels pour réclamer au gouvernement portègne des mesures concrètes pour relancer le secteur, très affecté par les coupures budgétaires et les hausses de tarif de l'énergie. Lire l'article de Página/12 sur le sujet.
Lire l'article de La Nación qui parle lui de 800 établissements concernés (il me paraît tout à fait impossible que ce collectif ait déjà obtenu une telle couverture à 48h de la manifestation - La Nación y va au bluff, pour faire peur à son lectorat conservateur)




(1) C'est assez étonnant de constater que le directeur antérieur, Diego Rivarola, n'ait pas été reconduit puisqu'il était dans la ligne de Macri, prolongée par Horacio Rodríguez Larreta, qui était son premier ministre municipal !
(2) Ajoutez à cela que le ministre de la culture, Darío Lopérfido, est très impopulaire dans les milieux de la culture, entre autres parce qu'il a tenu cet été des propos négationnistes sur les crimes perpétrés sous la Dictature militaire.