La chanteuse Lucrecia Merico et le guitariste Daniel Pérez présenteront jeudi prochain, 25 février 2010, à 23h45 un nouveau spectacle, intitulé La Mugre serena (1), mélange de tango classiques et de poésie dûe à la plume de Rodolfo Edwards.
Le spectacle aura lieu au Sanata Bar, dans le quartier de l’Abasto, côté Balvanera (esquina Sarmiento y Agüero) et l’entrée sera gratuite.
A son répertoire, ce soir-là, Lucrecia nous annonce, entre autres grands tangos classiques des années 20, 30 et 40 comme elle les aime : Muñeca brava (de Enrique Cadícamo et Luis Visca ), Al mundo le falta un tornillo (de Enrique Cadicamo et José María Aguilar), Atenti pebeta (de Celedonio Flores et Ciriaco Ortiz), Soledad (de Carlos Gardel et Alfredo Le Pera ), Lloró como una mujer (de Celedonio Flores et José María Aguilar).
Pour aller plus loin :
Vous pouvez découvrir les artistes directement sur leur site ou leur page Myspace : les liens vers les sites extérieurs se trouvent dans la partie basse de la Colonne de droite et ceux des artistes sont regroupés dans la rubrique Grillons, zorzales et autres cigales (où vous trouverez par ordre alphabétique les instrumentistes et les chanteurs). Lucrecia Merico et Daniel Pérez ont depuis longtemps leur lien dans cette rubrique.
Vous pouvez auparavant accéder à l’ensemble des articles publiés dans Barrio de Tango (le site) sur Lucrecia Merico et sur Daniel Pérez : pour cela, cliquez sur leurs noms respectifs dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, qui se trouve sous le titre de l’article.
Lucrecia Merico et Daniel Pérez ont aussi leur raccourci dans la rubrique Vecinos del Barrio, dans la Colonne de droite. Le raccourci de Daniel Pérez vient de retrouver son bon fonctionnement.
(1) que l’on pourrait traduire par La crasse tranquille.
La mugre (la crasse), ce n’est pas tant la saleté en soi que la saleté, le "pas propre" considéré comme symbole du petit peuple, des humbles, des travailleurs, aujourd’hui par exemple des habitants des bidonvilles, ceux que les puissants traitent toujours de "crasseux", parce qu’ils n’ont pas de beaux habits (et qu’ils sont aussi parfois sales, comme le soir les cartoneros qui collectent les déchets dans la rue toute la sainte journée et les trient pour les revendre et gagner ainsi leur vie), parce qu’ils n’ont pas les manières distinguées des beaux salons, parce qu’ils ont le langage rude et rugueux dont Maradona use si souvent encore aujourd’hui, lui qui est resté fidèle à ses racines sociales de petit gars de la zone (Maradona est né et a grandi dans un bidonville, Villa Fiorito, au sud du quartier de Nueva Pompeya). Dans des sens très proches, les poètes de tango ont parlé et parlent encore de fango et de barro (fange, boue). Héctor Negro dit bien de abajo (tout à fait d’en bas, comme l’a dit, mais sans y mettre la même nuance orgueilleuse, Jean-Pierre Raffarin, dans une formule célèbre, opposant "la France d’En Haut" et "la France d’En Bas"). Fango, Barro, Abajo, Mugre, dans la culture populaire de Buenos Aires, ce sont des symboles revendiqués par le peuple, dans un retournement de sens dont le tango est coutumier : c’est ce qui est mal vu socialement que le peuple adopte pour identité, s'attribue comme caractéristique et fierté. D’où le terme de lunfardo choisi par les Portègnes pour désigner le langage qu’ils ont forgé : le lunfardo, comme le poète et essayiste Luis Alposta l’a expliqué dans une conférence dont j’ai parlé dans un article du 20 octobre dernier, c’est la langue du voleur.... Le français parle plus volontiers du "ruisseau", qui s’oppose au "haut du pavé", par allusion à l’organisation de la rue en ville jusqu’à la Révolution industrielle, quand les eaux sales circulaient dans une rigole au centre de la chaussée et que les belles gens rasaient les façades, en haut de la chaussée, là où le pavé était plus propre. Dans les rues européennes d’aujourd’hui, ces expressions n’ont plus de sens. Qui plus est, le français n’a jamais pu donner au terme ruisseau la moindre coloration laudative. Le terme continue de désigner systématiquement une réalité sociale dévalorisée et dévalorisante, il sonne toujours comme une insulte et les poètes qui veulent l’employer à contresens passent pour des provocateurs aux yeux de tous, y compris du peuple.
La mugre (la crasse), ce n’est pas tant la saleté en soi que la saleté, le "pas propre" considéré comme symbole du petit peuple, des humbles, des travailleurs, aujourd’hui par exemple des habitants des bidonvilles, ceux que les puissants traitent toujours de "crasseux", parce qu’ils n’ont pas de beaux habits (et qu’ils sont aussi parfois sales, comme le soir les cartoneros qui collectent les déchets dans la rue toute la sainte journée et les trient pour les revendre et gagner ainsi leur vie), parce qu’ils n’ont pas les manières distinguées des beaux salons, parce qu’ils ont le langage rude et rugueux dont Maradona use si souvent encore aujourd’hui, lui qui est resté fidèle à ses racines sociales de petit gars de la zone (Maradona est né et a grandi dans un bidonville, Villa Fiorito, au sud du quartier de Nueva Pompeya). Dans des sens très proches, les poètes de tango ont parlé et parlent encore de fango et de barro (fange, boue). Héctor Negro dit bien de abajo (tout à fait d’en bas, comme l’a dit, mais sans y mettre la même nuance orgueilleuse, Jean-Pierre Raffarin, dans une formule célèbre, opposant "la France d’En Haut" et "la France d’En Bas"). Fango, Barro, Abajo, Mugre, dans la culture populaire de Buenos Aires, ce sont des symboles revendiqués par le peuple, dans un retournement de sens dont le tango est coutumier : c’est ce qui est mal vu socialement que le peuple adopte pour identité, s'attribue comme caractéristique et fierté. D’où le terme de lunfardo choisi par les Portègnes pour désigner le langage qu’ils ont forgé : le lunfardo, comme le poète et essayiste Luis Alposta l’a expliqué dans une conférence dont j’ai parlé dans un article du 20 octobre dernier, c’est la langue du voleur.... Le français parle plus volontiers du "ruisseau", qui s’oppose au "haut du pavé", par allusion à l’organisation de la rue en ville jusqu’à la Révolution industrielle, quand les eaux sales circulaient dans une rigole au centre de la chaussée et que les belles gens rasaient les façades, en haut de la chaussée, là où le pavé était plus propre. Dans les rues européennes d’aujourd’hui, ces expressions n’ont plus de sens. Qui plus est, le français n’a jamais pu donner au terme ruisseau la moindre coloration laudative. Le terme continue de désigner systématiquement une réalité sociale dévalorisée et dévalorisante, il sonne toujours comme une insulte et les poètes qui veulent l’employer à contresens passent pour des provocateurs aux yeux de tous, y compris du peuple.