vendredi 19 février 2010

Ariel Ramirez s’en est allé par le chemin de Dieu [Actu]


Ariel Ramirez était le compositeur, entre autres oeuvres, de deux monuments de la musique populaire argentine : la Missa Criolla et la chanson Alfonsina y el mar. Il vient de mourir à l’âge de 88 ans : comme disent les Argentins, se fue camino de Dios.

Missa criolla est une messe catholique classique, où la musique folklorique soutient la prière du missel d’avant Vatican II. En 1964, c’était d’une grande audace, même si le Concile Vatican II, qui se tenait au même moment à Rome, allait donner raison à cet exercice d’acculturation liturgique. Elle reste une oeuvre liturgique très jouée, aujourd’hui encore, souvent dans des cadres de concert, surtout autour des grandes fêtes religieuses que sont Noël et Pâques. Il en existe de très nombreux enregistrements, dont plusieurs dirigés par lui-même. La plupart des albums sont argentins mais de nombreuses versions ont été montées à l’étranger. Alfonsina y el mar raconte la poétesse Alfonsina Storni (1892-1938), grande dame de la littérature nationale, qui choisit de mettre fin à ses jours lorsqu’elle se sut condamnée par un cancer. Elle se noya dans l’océan à Mar del Plata.

Ariel Ramirez était né à Santa Fe le 4 septembre 1921. C’était un pianiste de formation et un grand musicien qui a donné ses lettres de noblesse au folklore de son pays. Sa Missa criolla a été enregistrée de nombreux artistes, dont Mercedes Sosa, elle aussi grande artiste folklorique décédée il y a quelques mois (voir mes articles sur elle). Il a été de ceux qui ont composé et joué du folklore à écouter, alors que la majorité de la musique rurale argentine était conçue alors pour la danse et la fête. Il avait aussi beaucoup travaillé avec le poète et historien Felix Luna, lui aussi récemment disparu (voir mon article à ce sujet).

Il a été très longtemps l’un des piliers de la SADAIC, la société des auteurs et compositeurs argentins fondée en 1936 par Francisco Canaro. Il y avait travaillé avec le poète et compositeur de tango Cátulo Castillo (1906-1975), du temps où celui-ci en assurait la présidence. Il en fut lui-même le président un peu plus tard.

Ariel Ramirez était malade depuis quelques années. Il s’est éteint dans un établissement hospitalier de la banlieue de Buenos Aires où il avait été admis en soins intensifs au début du mois.

Son départ est salué par la plupart des journaux. Página/12 lui consacre la une de son supplément culturel et deux articles, l’un de Karina Micheletto, qui passe en revue sa vie et sa carrière, l’autre de Diego Fischerman, qui analyse ce qu’il apporta à la musique nationale et à la musique tout court.

Après Chula Clausi avant-hier (voir mon article), c’est un autre très, très grand de la culture argentine qui s’en va, et, en son cas, il s’agit d’un grand créateur, d’un grand témoin de l’histoire culturelle et politique et d’un artiste emblématique.

Pour aller plus loin :
Lire le supplément culturel de Página/12 (dans lequel vous trouverez aussi une interview d’un autre grand musicien du folklore du nord du pays, l’accordéoniste Raúl Barboza, par Carlos Bevilacqua).
Lire l’article de Clarín
Lire l’article de La Nación
Le site de La Prensa, ce matin, ne parlait pas de la disparition du maître ce matin et les journaux uruguayens sont trop occupés par les rebondissements de la fin de la période de transition gouvernementale pour s’aviser de ce qui se passe de l’autre côté du fleuve.