lundi 15 février 2010

Le nouveau Parlement uruguayen se met en place [Actu]

Tous les 5 ans, le Parlement uruguayen ouvre solennellement sa nouvelle législature issue des élections de l’année précédente.
Aujourd’hui, c’est le Parlement élu le 25 octobre qui prend ses fonctions, une quinzaine de jours avant que le nouveau Président, José Mujica, et son Vice-président, Danilo Astori, élus le 28 novembre au second tour (voir mon article du 29 novembre 2009), prêtent eux-mêmes, devant ce Parlement nouvellement constitué, leur serment constitutionnel.
Originalité de l’année : pendant ces 15 premiers jours de la législature avant la passation de pouvoir présidentiel, ce sont deux femmes qui vont présider l’une et l’autre chambres.
Madame Ivonne Passada en ce qui concerne la Chambre des Députés, et ce pour toute l’année 2010. Madame Lucía Topolansky en ce qui concerne le Sénat mais seulement jusqu’au 28 février. La sénatrice Lucía Topolansky est aussi la toute prochaine "première Dame" d’Uruguay, puisqu’elle est la femme de Pepe Mujica, dont elle devrait recueillir le serment constitutionnel le 1er mars, en sa qualité de sénatrice du parti qui aura compté le plus de voix exprimées.
Lucía Topolansky cèdera sa place à Daniel Astori, dès le 1er mars prochain, puisque la Constitution fait du vice-Président dûment assermenté, le président du Sénat avec, contrairement à ce qui se passe chez le grand voisin argentin, un droit de vote identique à celui des autres sénateurs (1). La Constitution en fait aussi le Président du Parlement, c’est-à-dire des deux chambres réunies.
Pendant la période de transition qui s’achève à la fin du mois, le futur Président s’est entendu avec les deux femmes sur la mission qui leur est dévolue : réduire les frais de fonctionnement du Parlement et limiter au strict minimum ses dépenses somptuaires. Ce n’est pas tant une politique de rigueur qu’installe Pepe Mujica qu’une politique de moralité publique. Dans la plupart des pays d’Amérique du Sud, les élus en prennent un peu à leur aise avec l’argent du contribuable pour faire vivre les institutions officielles et lui a bien l’intention de prolonger et de renforcer la ligne vertueuse mise en place par son prédécesseur, Tabaré Vázquez.
Dans le nouveau Parlement, le Frente Amplio, la principale force de gauche à laquelle appartiennent Mujica comme Vázquez et leurs Vice-Présidents respectifs, conserve la majorité absolue mais d’une courte tête. La Asamblea General, comme s’appelle là-bas le regroupement des deux chambres, compte 67 parlementaires de la majorité contre 63 de l’opposition. La Chambre des Députés compte en tout 99 élus, dont 50 appartiennent à la majorité, et le Sénat 30 élus, dont 17 sont de la majorité. Et s’il y aura bien pendant 15 jours deux femmes à la tête des deux chambres (puis une seule jusqu’à la fin de l’année), la Asemblea ne comptera que 3 élus de moins de 30 ans, deux du parti Colorado (la droite libérale) et un du Frente Amplio (vaste coalition de gauche, rassemblant des obédiences très distinctes mais qui ont appris à travailler ensemble pour lutter pour la démocratie).

Pour des questions de sécurité et pour la première fois, les journalistes ne sont pas admis aujourd’hui dans les hémicycles pour aucune des deux cérémonies d’ouverture de la législature. Ils disposent en temps ordinaire d’une galerie qui leur est réservée en surplomb de la salle des débats mais ils devront cette année se contenter d’une salle d’apparat, d’où ils assisteront à tout grâce à une retransmission en direct sur écran géant, avec un seul avantage sur le grand public, celui de pouvoir prendre le son en direct depuis une captation à laquelle ils pourront se raccorder. Diverses chaînes retransmettent en direct les deux cérémonies, toutes avec les mêmes images, dont TV Ciudad.

La cérémonie à la Chambre des Représentants (vrai nom de la Chambre des députés, comme aux Etats-Unis) a commencé à 14h.
La cérémonie à la Chambre des Sénateurs (nom officiel du Sénat) a commencé, elle, à 15h, par une séance préparatoire, suivie de la séance officielle proprement dite à 17h.
Tous les parlementaires prêtent serment à la Constitution au cours de ces deux séances inaugurales avant de prendre possession de leur siège et de leurs droits et devoirs.
Le 1er mars, date de l’entrée en fonction du Président de la République (asunción), Montevideo s’attend à recevoir au moins une quinzaine de représentations étrangères au plus haut niveau.
Ont déjà annoncé leur venue plusieurs Chefs d’Etat d’Amérique Latine, dont Cristina Fernández de Kirchner (Argentine), Michele Bachelet, présidente sortante du Chili, Lula (Brésil), Rafael Correa (Equateur), Fernando Lugo (le très sulfureux président paraguayen d’ultra-gauche, évêque défroqué doté d’une ribambelles d’enfants illégitimes et d’autant de procès en reconnaissance de paternité en cours) et Alvaro Colon (Guatemala).
Hugo Chavez (Venezuela), Evo Morales (Bolivie) et Daniel Ortega (Nicaragua) ont fait savoir publiquement qu’ils viendrait mais leur réponse officielle n’est pas encore parvenue à la Chancellerie uruguayenne. Pour l’Espagne, José Luis Rodríguez Zapatero fera le déplacement ainsi que les Princes des Asturies, Felipe de Borbón et Leticia Ortiz, héritiers de la Couronne. Il est possible que Raúl Castro vienne aussi et une poignée de pays se feront représenter par de hauts dignitaires politiques comme l’Algérie, le Salvador et le Costa Rica, qui enverront des Ministres ou des Présidents d’Assemblée législative.
Côté Union Européenne, Hermann Von Rompuy et Catherine Ashton nous offrent leur silence habituel qui fait hurler Daniel Cohn-Bendit et lui seul. Ils n’avaient déjà rien à dire sur Haïti, et pourtant ! On ne voit donc pas pourquoi ils leur prendraient fantaisie de s’aviser de l’existence de l’Uruguay, surtout si ce petit pays (pas si petit que ça) est présidé par un gauchiste aussi remuant que Mujica. A moins peut-être qu’ils attendent que l’Uruguay gagne une médaille d’or à Vancouver et comme l’Uruguay n’a dépêché aucun athlète au Canada, on n’est pas prêt d’entendre le son de leur voix.
Quant à Ségolène Royal, elle sera sans doute trop occupée à garder sa place en Charente pour aller nous déclarer que Mujica a copié ses idées de campagne, comme Barack. De toute manière, Pepe est trop vieux pour elle et un peu trop bedonnant.
Après le serment présidentiel à 14h et l’adresse solennelle aux Parlementaires qui suivra, une cérémonie de transmission des pouvoirs aura lieu sur Plaza Independencia entre le président sortant et le nouveau chef d’Etat après quoi Pepe Mujica et Madame recevront tout le monde à dîner au LATU, le Laboratoire Technologique d’Uruguay.

Pour en savoir plus :
Lire l’article de El País (journal uruguayen à ne pas confondre avec son homonyme espagnol bien connu en Europe)
Lire l’article de La República
Lire l’article de La Nación (quotidien argentin déjà bien connu des lecteurs de ce blog)
Lire l'article de Telam (l'agence de presse argentine)
Visiter le site du Parlement uruguayen (Poder Legislativo)
Pour accéder aux autres articles de Barrio de Tango sur la politique en Uruguay, cliquez sur le mot-clé gub uruguay dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, en haut de l’article, sous le titre.

(1) En Argentine, le Président du Sénat et Vice Président de la Nation dispose d’un droit de vote qu’il n’exerce que dans le cas où il faut départager le Sénat et il a alors l’obligation de le faire. Il a donc de facto le pouvoir de faire passer, en force, un projet gouvernemental qui ne recueille pas une claire majorité en sa faveur au Sénat (le projet étant déjà passé à la Chambre des Députés, où il a pu, le cas échéant, recueillir une majorité indiscutable). Ce qui a donné lieu, le 18 juillet 2008, à une situation inédite dont la classe politique argentine n’est toujours pas revenue : Julio Cobos a voté contre un projet de loi (lire mon article à ce propos).