Voilà plusieurs années qu’on le sait. Il avait même fallu en 2007, pendant la campagne électorale, que Mauricio Macri promette aux électeurs qu’il se consacrerait pleinement à Buenos Aires sans jamais pensé à rien d’autre pendant toute la durée de son mandat de Chef de Gouvernement de la Ville, s’il était élu. En aucun cas, promis, juré, il n’envisageait de se donner un destin national. Qu’allait-on penser là ? Est-ce que la gestion d’une ville de 3 millions d’habitants comme Buenos Aires ne pouvait pas suffire aux ambitions d’un homme comme lui qui ne rêvait que de servir son pays ?
Mais le bonhomme était déjà bien connu : il a présidé pendant 12 ans le Club Boca Juniors, l’un des clubs de football de la ville de Buenos Aires. A cette place, très en vue, il n’est pas particulièrement difficile de se constituer une toute clientèle électorale. On sait donc bien qu’un président de Boca qui se lance dans la politique ne le fait jamais sans être dévoré d’ambition...
Et c’est sans doute à cause de cette promesse si mal tenue que Página/12 ouvre son article par cette phrase que Mauricio Macri vient de prononcer au cours de cette récente conférence de presse : "Las promesas non son mi fuerte, mi fuerte tienen que ser los hechos : lo que estoy haciendo me tiene que llevar a mi al lugar que corresponda". Les promesses, ce n’est pas mon fort. Mon fort, il faut que ce soit les faits. Ce que je suis en train de faire doit me conduire, moi, à la place qui va bien. (Traduction Denise Anne Clavilier)
Sans se prononcer clairement, Mauricio Macri a déclaré ensuite, au cours de cette même conférence de presse, que se retrouver au deuxième tour de la présidentielle (en 2011) face à Néstor Kirchner ne serait pas pour lui déplaire si toutefois il pouvait monter d’ici là quelque chose d’intéressant avec le PRO. Le PRO est son parti, mais s’il en est bien le cacique au niveau local, à Buenos Aires même, il n’en est pas le président, loin de là. Le président du PRO, Francisco de Narváez, qui n'est pas lui-même présidentiable puisqu'il est né avec la nationalité colombienne et qu'il a été naturalisé, ce qui lui interdit d'être élu comme Chef de l'Etat, n’a cependant pas dit son dernier mot sur la question. Et en bon camarade de militance libérale, il a aussitôt après la conférence de Macri eu la bonne idée de rappeler à qui voulait bien l’entendre que le chef du gouvernement portègne s’était égaré récemment à donner son approbation à un mariage entre deux hommes et à danser une valse-hésitation dans le remaniement de son gouvernement. Allusion limpide aux scandales de Daniel Pastor, obligé de démissionner de ses fonctions de directeur de l’Ecole de Police de Buenos Aires sans même les avoir exercées, de Abel Posse, obligé de renoncer au Ministère de l’Education, 12 jours après sa prestation de serment, et de Fino Palacios, le chef de la Police actuellement en prison préventive pour mis en place des écoutes illégales (3).
Décidément, l’année 2010 s’annonce saignante, surtout que se profile à l’horizon un autre maxi-scandale, qui pourrait bien éclabousser le Gouvernement national. Depuis plusieurs jours, circulait une rumeur selon laquelle Néstor Kirchner avait acheté des dollars US pour se constituer une cagnotte. Tactique classique en Argentine pour ceux qui ont un peu d’argent : convertir le peso national, au cours hasardeux, en dollars US ou en euros, et les changer ensuite en fonction du cours du change. Mais bien sûr, pour l’ancien président et actuel mari de la Présidente, la pratique fait mauvais genre. Comme s’en goberge le journal d’opposition La Nación, ce placement à gauche voudrait-il dire que Monsieur ne fait pas confiance à Madame pour conduire les affaires économiques de l’Etat ? Elle dont il est pourtant, lui, le plus ardent soutien sur toute la scène politique. La rumeur est apparue et a enflé au fur et à mesure que le contentieux entre la Présidente et le Gouverneur de la Banque Centrale s’est aggravé : elle veut se servir des fonds en dollars US de la réserve centrale pour éponger la dette de l’Etat et lui refuse de verser la somme au compte du budget de l’Etat. Or voilà que deux ministres, le premier Ministre et le ministre de l’Economie viennent de reconnaître à demi-mot que Néstor Kirchner a bel et bien acheté pour deux millions de dollars US en octobre 2008. C’est-à-dire au moment où la devise américaine faisait le grand plongeon. Rien d’illégal dans cet achat bien sûr. Et les bénéfices ont été déclarés comme il se devait. Sauf que dans la position qu’il occupe, Néstor Kirchner a accès à des informations auxquelles peu de gens ont accès. On assimile donc cet achat à un délit d’initié. Bien sûr, l’opposition va en faire ses choux gras et il serait étonnant que Macri ne profite pas de l’occasion d’une manière ou d’une autre...
Pour aller plus loin :
Lire l’article de Página/12 sur l’ébauche de déclaration de candidature de Mauricio Macri
Lire l’article de Clarín sur les déclarations ministérielles concernant Néstor Kirchner
Lire l’article de La Nación sur le fond de l’affaire des dollars de Kirchner
Lire l’article de La Nación sur la inadéquation entre l’idéologie progressiste défendue par Kirchner et sa manière de gérer ses biens personnels.
(1) "J’y pense et pas seulement en me rasant", c’est avec cette phrase triviale que Nicolas Sarkozy avait choisi d’annoncer à travers les médias sa future (et encore très problématique) candidature à la Présidence de la République, alors qu’il était toujours ministre sous la présidence de Jacques Chirac. En France, la phrase est devenue proverbiale.
(2) La vignette montre Macri avec la moustache et l’un de ses conseillers qui lui court derrière. Le conseiller : L’utilisation du pistolet électrique [type Taser, comme chez nous] rencontre des critiques au sein du PRO.
Macri : de qui ?
Le conseiller : Posse dit que l’électricité tôt ou tard, ça conduit au rock’n roll
(traduction Denise Anne Clavilier)
Il faut avoir suivi l’actualité récente pour tout comprendre : Abel Posse a été l’éphémère ministre de l’Education du gouvernement de Macri du 11 au 24 décembre dernier. C’était un partisan non dissimulé de la Dictature militaire, qui a torturé ses opposants à l’électricité. Pour cela, il a été l’objet d’une forte campagne d’opinion qui a fini par obtenir sa démission à la veille de Noël. Or Posse, quelques jours après sa prestation de serment, s’en était pris violemment au tango et surtout au rock (guitare électrique) qu’il accuse de pervertir la jeunesse et de la conduire au désespoir. Voir mes articles sur ce sulfureux épisode politique en cliquant sur le lien.
(3) Vous pouvez retrouver les articles que j’ai consacrés à ces différentes péripéties de la vie politique portègne en cliquant sur le mot-clé GCBA, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, en haut de l’article, sous son titre (GCBA est l’anagramme de Gobierno de la Ciudad de Buenos Aires).
Il faut avoir suivi l’actualité récente pour tout comprendre : Abel Posse a été l’éphémère ministre de l’Education du gouvernement de Macri du 11 au 24 décembre dernier. C’était un partisan non dissimulé de la Dictature militaire, qui a torturé ses opposants à l’électricité. Pour cela, il a été l’objet d’une forte campagne d’opinion qui a fini par obtenir sa démission à la veille de Noël. Or Posse, quelques jours après sa prestation de serment, s’en était pris violemment au tango et surtout au rock (guitare électrique) qu’il accuse de pervertir la jeunesse et de la conduire au désespoir. Voir mes articles sur ce sulfureux épisode politique en cliquant sur le lien.
(3) Vous pouvez retrouver les articles que j’ai consacrés à ces différentes péripéties de la vie politique portègne en cliquant sur le mot-clé GCBA, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, en haut de l’article, sous son titre (GCBA est l’anagramme de Gobierno de la Ciudad de Buenos Aires).