Gros titre : A bon entendeur... |
Litto Nebbia, vous le connaissez déjà
un peu si vous suivez ce blog et encore plus si vous avez acheté
mon tout premier livre, Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos
argentins (Ed. du Jasmin). C'est lui qui a produit le disque qui
accompagne le livre et on l'y entend chanter ce chef d'œuvre du
répertoire qu'est Fuimos et y interpréter Los
Nocturnos, un instrumental de sa composition.
Litto Nebbia, c'est un grand de la
musique populaire contemporaine de l'Argentine (1) : premier rockeur
à avoir chanté du rock à texte dans la langue de
Cervantes (La Balsa, 1967), musicien prolifique (plus de 1300 titres
différents à son actif) et artiste multi-genre qui a
roulé sa bosse dans le rock, le tango, le folclore, la musique
de film et de théâtre...
Jusqu'à novembre, le voilà
occupé, à bientôt 65 ans, à rééditer
chez Melopea Discos, le label indépendant qu'il a fondé
en 1990 à Buenos Aires, l'ensemble ou presque de ses 140
disques déjà sortis. Seuls 5 albums, les cinq premiers,
ceux de son tout premier groupe, Los Gatos (entendez les petits gars
de rien du tout) échapperont à cette grande
rétrospective. Ils sont malheureusement toujours placés
sous les contrats léonins signés avec des grosses
firmes qui conservent les droits ad vitam eternam...
Página/12 en profitait
avant-hier, mercredi 25 avril 2013, pour faire sur lui la une de ses
pages culturelles (ci-dessus), avec une interview à la clé, comme
presque toujours...
Extraits :
“Me lo impiden los contratos leoninos
que firmé de adolescente, la necedad y el desinterés de
los actuales directivos. Los contratos de la mayoría de estas
compañías, y mucho más en esa época, son
tramposos, usan mucho la ‘letra chica’ y abusan de la ignorancia
que generalmente el músico tiene sobre lo que es un contrato.
Por cualquier lugar que se lean biografías de músicos
de rock de todos los tiempos y estilos se encuentran anécdotas
de que los han estafado: sea The Kinks de Inglaterra, The Byrds en
Estados Unidos, Los Shakers de Uruguay o Los Gatos y Almendra en
Argentina”, sentencia el principio motor –a tracción
humana– del rock argentino.
Litto Nebbia, in Página/12
Le journaliste l'interroge sur
l'absence des 5 disques des Gatos dans la future édition de la
discographie complète :
Ce sont les contrats léonins que
j'ai signé adolescent, l'imbécilité et le désintérêt
des dirigeants actuels [de ses premiers labels] qui m'empêchent
[de le faire]. Les contrats de la majorité de ces sociétés
et encore plus à cette époque-là sont trompeurs,
ils recourent beaucoup aux petits caractères et ils abusent de
l'ignorance du musicien en général sur ce qu'est un
contrat. Partout où on lit une biographie de musicien de rocks
de tous les temps et tous les styles, on trouve des anecdotes sur les
escroqueries dont ils ont été victimes, que ce soit The
Kings en Angleterre, The Byrds aux Etats-Unis, Los Shakers en Uruguay
ou Los Gatos et Almendra en Argentine, lance la première
locomotive -à traction humaine (2)- du rock argentin.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
–El yo, no el otro, del Señor
Negocios...
–(Risas.) Los otros días leí
una nota que le hicieron a uno de estos perversos y no lo podía
creer. El tipo decía algo así como “mis artistas
nunca ganan menos que el sello discográfico”. Increíble,
porque esos contratos están hechos de tal manera que no vencen
nunca... y eso ya es ilegal, mucho más cuando el sello no
argumenta qué es lo que va a hacer por vos. Estos contratos ni
siquiera dicen que los álbumes deben estar publicados todo el
tiempo, porque si los discos no se publican, esto perjudica la
carrera y la obra del artista. El artista, al no tener su disco a la
venta, pierde promoción de su imagen, de su música y de
sus derechos autorales por todos lados. Siendo más claro: las
ventas de discos son las que movilizan la actuación en vivo de
un artista y, junto con los derechos autorales y regalías por
discos, son la entrada salarial de cualquier músico. La última
vez que aparecieron los discos de Los Gatos fue aquella edición
que realizó Página/12 hace unos años (2002). Esa
vez se vendieron aproximadamente 60 mil CD y el sello me pagó
0,03 centavos por disco. No es mucho, ¿no? (risas), es raro
tener un socio que se lleva el 98 por ciento y a vos te da el 2 por
ciento... así se manejan las discográficas, en general.
Litto Nebbia, in Página/12
- Le moi (3), pas l'autre, de Monsieur
Business...
- (Rires) L'autre jour, j'ai lu un
article qu'on a fait sur l'un de ces tordus et je n'arrivais à
en croire mes yeux. Le type disait quelque chose dans le genre : "Mes
artistes n'ont jamais gagné moins que le label discographique".
Incroyable, parce que ces contrats sont faits de telle sorte qu'ils
n'ont jamais de fin... Et ça,
d'abord c'est illégal, encore plus quand le label ne donne
aucun argument sur ce qu'il va faire pour toi. Ces contrats ne disent
même pas que les albums doivent être disponibles tout le
temps parce que si les disques ne sont pas disponibles, ça
fait du tort à la carrière et à l'œuvre de
l'artiste. L'artiste, s'il n'a pas son disque sur le marché,
manque la promotion de son image, de sa musique, de ses droits
d'auteur sur tous les plans. Soyons plus clair : la vente de disques,
c'est ce qui mobilise les prestations publiques d'un artiste et, avec
les droits d'auteur et les royalties des disques, c'est le revenu
salarial de n'importe quel musicien. La dernière fois que sont
sortis les disques de Los Gatos, c'est cette édition qu'a
réalisée Página/12 il y a quelques années
(2002). Cette fois-là, on a vendu approximativement soixante
mille CD et le label m'a payé 0,03 centimes de peso le disque.
C'est pas terrible, hein ? C'est bizarre d'avoir un partenaire qui se
prend 98% et à toi, il te donne 2%... C'est comme ça
que les discographies sont gérées, en général.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
[...]
–La edición irá
acompañada de un librito, algo que naturalmente se incorpora a
la necesidad de registrar todo...
–Sí, lo del libro fue un
“invento” mío, algo que siempre quiero agregarles a los
discos: escritos, detalles o cualquier cosa que los transforme en un
elemento más comunicativo. En el libro original había
algunos dibujitos míos acompañando una sección
de acordes para guitarra para tocar las canciones, pero la editorial
que lo publicó hizo un par de reediciones y luego lo dejó
anclado. Hay cosas graciosas y extrañas con este librito:
hablo del estado de la música popular y parece que lo hubiera
escrito hoy (risas). Muerte en la Catedral pasó a ser un álbum
clásico de mi carrera, nunca paró de venderse y ciertos
temas han pasado a la eternidad.
Litto Nebbia, in Página/12
- L'édition sera accompagnée
d'un livret, quelque chose qui naturellement se joint à la
nécessité de repasser tout en détail...
- Oui, le truc du livre, c'est une
invention à moi, quelque chose que j'aime toujours ajouter aux
disques : des écrits, des détails ou n'importe quoi qui
en font un élément plus communicatif. Dans le livre
original, il y avait des petits dessins à moi pour accompagner
une suite d'accords pour guitare pour jouer les chansons, mais la
maison d'édition que l'a publié a fait une ou deux
rééditions et après elle a tout laissé
tomber. Il y a des choses drôles et bizarres dans ce livret :
j'y parle de la situation de la musique populaire et on croirait que
j'ai écrit ça aujourd'hui (rires). Muerte en la
Catedral est devenu un album classique dans ma carrière, il
n'a jamais cessé de se vendre et certains thèmes sont
devenus immortels.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
[...]
Mientras estaba haciendo la banda
sonora de Flop, estaba produciendo ya algunos discos para Melopea.
Entonces me venía a ver Adriana Varela para ver si podía
grabar. Yo tenía el primer casete que me había enviado,
donde cantaba temas de Fito, Silvio, Spinetta y algunos míos...
pero claro, ya tenía esa voz bien climática de tango
que le conocemos. Entonces, entre las “rarezas” que tenía
que escribir y ambientar para la película, que transcurre tipo
en los años ‘20, tenía que hacer una especie de
zarzuela (que canta Pinti en el film), y también necesitábamos
una mujer que cantara un tanguito bien arrabalero, en una especie de
vaudeville de la época. Inmediatamente se me ocurrió
que Adriana daba perfecto para esto. Aceptó, pero el problema
fue que yo, el día que se filmaba, no podía tocar
porque andaba por el interior. Así fue que lo metí a
tocar al guitarrista del grupo Nuevos Aires, Fernando Egozcue, que
recién habían grabado en Melopea... cosas que pasan
(risas).
Litto Nebbia, in Página/12
Pendant que je travaillais sur la
musique de Flop (4), je produisais déjà quelques
disques pour Melopea. Et Adriana Varela (5) venait me voir alors pour
voir si elle pouvait faire des enregistrements. Moi j'avais la
première cassette qu'elle m'avait envoyée où
elle chantait des morceaux de Fito, Silvio, Spinetta (6) et quelques
uns de moi... mais bon, elle avait déjà cette voix bien
acclimatée au tango que nous lui connaissons. Alors entre les
bizarreries que je devais écrire et mettre en atmosphère
pour le film, qui se passe vers les années 20, il fallait que
je fasse une espèce de zarzuela (que chante Pinti dans le
film) et nous avions aussi besoin d'une femme pour chanter un petit
tango des familles, bien faubourien, dans une espèce de
vaudeville de l'époque. Immédiatement, j'ai eu l'idée
que Adriana allait être parfaite là-dedans. Et c'est
comme ça que j'ai lancé dans l'aventure le guitariste
du groupe Nuevos Aires, Fernando Egozcue, qui venait d'enregistrer à
Melopea... c'est des trucs qui arrivent, ça (rires).
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Lire l'interview intégrale sur
Página/12 en cliquant sur ce lien.
Litto Nebbia chantant La Balsa en mai 2012
dans l'un des auditoriums de Radio Nacional (Buenos Aires)
(1) C'est à ce titre que j'ai
introduit plusieurs de ses chansons dans mon autre anthologie
bilingue, Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine
à travers le patrimoine littéraire du tango (Tarabuste
Editions), parmi lesquelles La Balsa qui est un incontournable en
Argentine aujourd'hui...
(2) En Argentine, pour la traction
animale, on parle de tracción a sangre. Mais c'est vraiment
réservé aux chevaux et aux bœufs. Le journaliste,
Cristián Vitale, a trop de respect pour oser l'expression.
Donc il la transforme.
(3) Toute la rédaction de
Página/12 biberonne à la psychanalyse pur sucre,
version Freud ou version Lacan selon les cas.
(4) Un film. Litto Nebbia a composé
beaucoup de musique de film, pour le grand écran mais aussi
pour la télévision.
(5) Une des grandes voix féminines
du tango aujourd'hui. Son style d'interprétation a ses
admirateurs et ses détracteurs. Litto Nebbia fait partie des
premiers. C'est même lui qui lui a mis le pied à
l'étrier en matière de tango et lui a permis de
travailler avec Enrique Cadícamo d'une part et avec Roberto
Goyeneche d'autre part.
(6) Différents grands du rock
argentin (rock nacional).