Mardi
dernier, l'harmoniciste Franco Luciani a présenté deux
nouveaux disques au Café Notable 36 Billares de Avenida de
Mayo. Il était accompagné pour l'occasion par le
pianiste Daniel Godfrid, les guitaristes Ariel Argañaraz et
Martín González, le bassiste Facundo Peralta et le
percussionniste Horacio Cacoliris. Le pianiste Lito Vitale et la
chanteuse Lidia Borda étaient aussi de la fête. Il
s'agit d'un disque où le musicien mêle des classiques de
tango avec quelques morceaux de sa propre composition, et d'un second
CD consacré, quant à lui, au folclore argentin.
Página/12
a publié mercredi une interview dont je vous donne ici
quelques extraits :
–¿De
dónde proviene esta especie de “principismo criollo”
aplicado a la música, más allá de sus admirados?
–Es
cierto que definitivamente la época de oro del folklore fueron
los ’60 y la del tango, los ’40, pero creo que hoy se está
viviendo una época de revisión, y se está
empezando a esfumar esa cosa de la panza, la barba y los 70 años
para el folklore; o el saco, el funyi y las polainas si te gusta el
tango. Ya convive todo y de hecho los rockeros, bueno, ya se van a
empezar a morir de viejos (risas). Estoy hablando del viejito con el
bastón... y no es una cosa tan lejana.
Franco
Luciani, in Página/12
- D'où
provient cette espèce de "principisme" du terroir
sud-américain appliqué à la musique, au-delà
des artistes que vous admirez ?
- C'est
sûr qu'incontestablement l'âge d'or du folclore c'est les
années 1960 et celui du tango, les années 1940 mais je
crois qu'on vit aujourd'hui une époque de remise en question
et tout ce truc du ventre, de la barbe et des années 1970 pour
le folclore (1) est en train de partir en fumée.
Pareil pour le veston, le chapeau et les guêtres si tu aimes le
tango. Maintenant tout cohabite et de fait, les rockeurs, bon, ils
commencent à mourir de vieillesse (rires). Je parle du petit
vieux avec sa canne et [l'âge d'or du rock] ce n'est pas si
lointain.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
–¿Hay
algo o alguien que unifique ante tal diversidad?
–El
Flaco Spinetta, totalmente... ¡Cómo se extraña!
Un mundo de muchos colores, el suyo. No lo grabé, pero suelo
hacer en vivo “La miel en tu ventana” o “Los libros de la buena
memoria”. El arte es la necesidad de uno y en él la
necesidad siempre fue cambiar. Siempre. Pero obvio que no es el
único: he tenido el gusto de trabajar con la Negra Sosa en su
última etapa. Recuerdo que hicimos una gira a Europa, la
última que hizo ella, y era una profesional tremenda, que
también irradiaba con su onda a músicos de todos los
géneros.
Franco
Luciani, in Página/12
- Y
a-t-il quelque chose ou quelqu'un qui fasse le lien face à une
telle diversité ?
- Luis
Alberto Spinetta (2), oui, à 100%... Ce qu'il nous manque, lui
! C'était un monde très coloré que le sien. Je
ne l'ai jamais enregistré mais j'ai l'habitude de jouer en
public La miel en tu ventana (le miel à ta fenêtre) ou
Los libros de buena memoria (Les livres qu'on a aimés). L'art
est un besoin [chez moi] et là-dedans, j'ai toujours eu besoin
de changer. Toujours. Mais c'est clair qu'il n'est pas tout seul :
j'ai eu le plaisir de travailler avec la Negra Sosa (3) vers la fin
de sa vie. Je me souviens que nous avons fait une tournée en
Europe, sa dernière à elle, c'était une
professionnelle formidable, dont les bonnes ondes irradiaient sur les
musiciens dans tous les genres.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
–En
el disco de tango ha incluido dos temas suyos: “Tu vals” y “A
vos te encanta”. ¿Qué tiene para decir del Luciani
compositor, aunque aparezca poco?
–Precisamente
que mi caso no es el del compositor nato que dedica todo el tiempo a
crear.
–¿Entonces?
–Es
el de un tipo que tiene ideas melódicas y las va escribiendo
en un pentagrama. Me gusta el concepto de una melodía que uno
memoriza y la silba. Es un proceso lento y tiene que ver con una
recepción que funcione, aunque, sí, me gustaría
tener más tiempo para crear, sin apuros.
Franco
Luciani, in Página/12
- Dans
le disque de tango, vous avez inclus deux morceaux de votre
composition : Tu vals (ta valse) et A vos te encanta (toi, ça
t'enchante). Qu'il y a-t-il à dire du Luciani compositeur,
encore qu'il apparaisse peu ?
- Ça
justement, que dans mon cas, ce n'est pas le compositeur né
qui consacre tout son temps à la création.
- Alors
?
- C'est
plutôt l'histoire d'un type qui a des idées mélodiques
et qui les met sur la portée. J'aime l'idée d'une
mélodie qu'on mémorise et qu'on siffle (4). C'est un
processus lent et qui a quelque chose à voir avec une bonne
réception [du public] mais ceci dit, bien sûr,
j'aimerais bien avoir plus de temps pour créer, sans me
presser.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
Pour
aller plus loin :
lire
l'article de Página/12 de mercredi dernier.
(1)
Les artistes de folclore de ces années-là ont en effet
cette silhouette baba-cool très datée.
(2)
Luis Alberto Spinetta est décédé il y a un peu
plus d'un an. C'était un grand du rock argentin. Voir mon article du 9 février 2012. Il était surnommé El
Flaco (comprenez quelque chose comme le grand échalas ou la
grande asperge, à cause de sa silhouette efflanquée).
(3)
Mercedes Sosa. La Negra est son surnom (à traduire comme "La
brave", "la grande" ou pourquoi pas même "la petite". En tout cas,
c'est affectueux et cela n'a pas grand-chose à voir avec une
couleur de peau). A son sujet, reportez-vous à mon article du 5 octobre 2009.
(4)
Les Portègnes ont beaucoup d'admiration pour les gens qui
savent siffler. C'est une approche de la musique très
appréciée et très populaire. Cela s'entend dans
la rue(pas à tous les coins de rue, mais tout de même,
plus qu'en France par exemple).