De
nouveau sous la plume de sa correspondante à Rome, Elena
Llorente, qui semble exercer son métier avec
professionnalisme, en écartant méthodiquement les
préjugés usuels des libres-penseurs alors que
personnellement, elle ne semble guère versée ni dans la
théologie ni dans le fonctionnement de l'institution ni dans
son histoire (1), Página/12 rend compte ce matin de la
nomination par le Pape d'une commission de huit cardinaux de tous les
continents qui assurera à ses côtés une forme de
gouvernement collégial de l'Eglise et concevra avec lui cette
réforme de la Curie que l'Eglise attend depuis la mort de
Jean-Paul II. L'article est complet, informatif, aussi objectif qu'on
peut raisonnablement et démocratiquement le souhaiter (2).
Juste
après l'installation du Pape le 19 mars, Página/12 avait dit qu'il attendait celui-ci au tournant des actes concrets avant d'adhérer ou
non au programme de gouvernement que dessinaient ses discours
inauguraux et ses premiers gestes symboliques qui ont surpris et
enchanté le monde entier. C'est avec une grande satisfaction
que je me fais un devoir de constater que face aux actes
effectivement posés par le Souverain Pontife, le quotidien
agit avec loyauté en dépit d'un résidu
persistant d'erreurs d'interprétation au sein de la rédaction
quand il s'agit des affaires d'Eglise (comme on l'a vu hier). C'est
d'autant plus remarquable que sur ce sujet, l'objectivité
n'était pas le point fort de ce journal lorsque le Pape était
encore archevêque de Buenos Aires.
Dans
la presse francophone, l'info est étouffée par les
scandales qui agitent actuellement la France (3). La décision
pontificale n'est traitée que par un petit nombre de journaux dans l'Hexagone, au nombre desquels La Croix, bien sûr, et en
Belgique La Libre Belgique (4). Le Vatican propose aussi un service
d'information dans notre langue auquel les francophones peuvent se
référer.
Osservatore Romano, édition d'hier (dimanche 14 avril 2013) |
(1)
Sur ces questions-là, elle ne se réfère jamais à
sa propre connaissance mais rapporte les propos publics qu'elle a lus
dans la presse spécialisée (notamment la presse
italienne, ce qui n'est pas étonnant pour quelqu'un qui vit à
Rome), qu'elle a entendus dans la bouche des évêques ou
de leur porte-parole ou les propos qu'elle a pu recueillir,
publiquement ou dans un dialogue singulier, auprès de
théologiens qu'elle croise dans la Ville Eternelle (où
ils sont assez nombreux).
(2)
Il ne comporte qu'une petite erreur : Elena Llorente fait de la
renonciation de Benoît XVI une conséquence directe du
scandale de Vatileaks, ce qui est en contradiction avec toutes les
déclarations du Pape émérite lui-même sur
le sujet et ne repose sur aucun élément de preuve
capable d'invalider les propos de l'intéressé.
(3)
Affaire Cahuzac et tout le scandale de l'évasion fiscale de
la part de personnalités culturelles, politiques et
économiques du pays, manifestations anti-mariage homosexuel
qui tournent à la violence de rue, voire à la
dénégation du fonctionnement des institutions
démocratiques, et la piètre réaction, qui creuse la crise au lieu de la résoudre, du côté du Gouvernement
sur les deux sujets. Cela fait beaucoup en l'espace de deux semaines.
(4)
qui attribue la paternité de la décision de François
au Cardinal Daneels, ancien archevêque de Malines-Bruxelles
(grand prélat s'il en fût), dont une partie de la
Belgique catholique aurait volontiers fait un papabile (une autre
partie, assez agressive, le tient pour responsable de certains scandales sexuels au
sein du clergé national)... Bien qu'on ne soit jamais si bien
servi que par soi-même, il n'est pas impossible qu'en effet
l'idée du cardinal ait joué son rôle dans la mise
en place des nouvelles institutions dans le chef du Pape mais la
manière de l'affirmer manque un peu de nuance.