C'était
trop beau. Página/12 ressort ce matin les vieilles rumeurs
autour de Orlando Yorio, jésuite en rupture de ban (et aujourd'hui décédé) qui a cru avoir été
trahi par son ancien Provincial, le Père Jorge Bergoglio, à
la suite d'un différend disciplinaire et doctrinaire grave qui
s'est élevé entre eux au milieu des années 1970,
au moment où par ailleurs, l'Argentine basculait dans la dictature
militaire.
Mais
cette fois-ci, Página/12 ne revient pas à l'attaque à
travers un article de Horacio Verbitsky, qui s'est fait prendre à
parti au sein de son propre camp il y a quelques jours dans une
émission de la télévision publique (sur ses positions intransigeantes, voir mon article du 25 mars 201). Le journal le fait à travers un
apparent débat, qu'il ferait mieux de définir
comme un double éditorial, puisque les deux auteurs vont à
peu près dans le même sens, confié pour les
questions historiques sur le rôle, ambivalent, de l'Eglise en
Amérique du Sud depuis le début de la conquête
ibérique, à un journaliste bardé de titres professionnels, Carlos Ciappina, et pour les questions liées
aux actes posés par ou attribués à Jorge Bergoglio, avant qu'il ne devienne le Pape
que nous connaissons à présent, à un théologien
qui m'est inconnu (1), Rubén Dri, dont ni les titres
universitaires ni les titres ecclésiaux ne sont exposés
(alors que ceux du journaliste le sont en intégralité,
une différence de traitement qui n'est pas anodine –
Pourquoi ne pas dire qui est cet auteur ?), et qui tient des propos qui relèvent moins de la discipline annoncée (la théologie)
que de l'enquête journalistique sur les faits et gestes
supposés et surinterprétés comme à
l'ordinaire de Bergoglio pendant la Dictature, ce qu'il a dit à
Yorio tel jour à telle heure puis à tel ou tel évêque à propos de celui-ci après qu'il avait choisi de quitter la Compagnie de
Jésus, etc. le tout reposant encore et toujours sur des
déclarations d'opposants idéologiques à l'ancien
archevêque de Buenos Aires qu'une preuve soit apportée (2). On fait du surplace, on n'avance pas d'un pouce.
Qu'est-ce
que vous voulez que je vous dise ! Le dialogue était engagé
et les positions évoluaient, ce qui est un signe de vie. C'est
dommage qu'ils reviennent en arrière mais je suppose aussi que
ça se reproduira souvent avant qu'ils n'acceptent d'abandonner
leur proie (ou alors qu'ils fournissent des preuves une bonne fois pour
toutes).
Pour
aller plus loin :
lire
le double éditorial de ce matin (3)
(1)
J'ai donc fait ma petite recherche. Rubén Dri est un
philosophe, chercheur et professeur à l'Université de
Buenos Aires dans le département des Sciences Sociales. Il a
été ordonné prêtre chez les Salésiens
et appartient aujourd'hui au Mouvement des Prêtres pour le
Tiers Monde (mais je peine à découvrir quel est son
ministère actuel, tant et si bien que je me demande s'il en a
toujours un, or dans l'Eglise catholique, tout prêtre en a un,
tant qu'il est d'âge actif et apte au travail. Lorsqu'un prêtre
n'a pas de ministère, ce peut être qu'il est sous le
coup d'une mise à l'écart, ce qui n'intervient pas sans
raison très grave. Même Mgr Gaillot a un ministère,
celui d'un diocèse disparu certes mais c'est tout de même
un ministère épiscopal). En philosophie, Dri a beaucoup
étudié Hegel ainsi que les relations entre pouvoir
politique et Eglise en Argentine (ce qui relève davantage de
l'histoire de l'Eglise, voire de l'histoire tout court, que de la
théologie). Il a manifesté une certaine défiance
vis-à-vis du Pape François très tôt après
son élection, avec des formules que je trouve un peu
embarrassées. Ce qui est curieux dans ce débat
aujourd'hui, puisque Página/12 l'appelle ainsi alors que les
deux auteurs vont peu ou prou dans le même sens, c'est
l'absence de toute mention de l'UBA accolée au nom de Dri.
D'ordinaire, le quotidien indique très scrupuleusement les
titres de ces éditorialistes ponctuels, d'autant plus s'ils
appartiennent à l'UBA.
(2)
Le type de discours qu'en France tient un Christian Terras, de la
revue Golias, mélenchonesque tribun au verbe haut, pas
désagréable dans le style rhétorique (il a même
parfois de très efficaces formules qui font mouche) mais tout de
même un peu faible côté doctrinal. Et
surtout ça manque terriblement de tolérance et de
bienveillance envers les autres puisque le discours tend à se
résumer de manière simple : tous ceux qui ne
pensent pas comme moi ont tort. Dans ce cas, où est la
diversité de l'Eglise dont ce courant exige à corps et à
cris le respect par la si décriée hiérarchie
romaine ?
(3)
Par manque de temps, je n'entre pas dans le travail fastidieux de
cette traduction. Hier, j'ai déjà dû retarder la
publication de l'article sur Marcela Bublik et son livre sur Rosa
Roisinblit, car je n'avais pas pu le terminer à l'heure. Je
ne peux pas tout faire. Pour lire les articles de Página/12,
n'hésitez pas à recourir au traducteur en ligne
Reverso, dont vous trouverez le lien dans la Colonne de droite, dans
la rubrique Cambalache (casi ordenado). Cet outil est là pour
ça.