 |
En photo centrale, l'attentat sur l'aéroport de Kaboul En haut : "Mis en cause pour l'anniversaire, Alberto offre une compensation sous forme de mensualités", dit le gros titre Tout en haut, l'adieu au café La Paz qui fait l'objet d'un autre article dans Barrio de Tango Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Les procédures sur les affaires
politico-judiciaires qui pullulent en Argentine ne semblent pas
ralentir, ni dans un sens ni dans l’autre, du fait de l’imminence
du premier scrutin des élections de mi-mandat (les PASO, primaires
obligatoires, entre ce week-end et la mi-septembre).
La première de toutes vient de passer une étape :
le président, Alberto Fernández,
la Première dame, Fabiola Yañez, et leurs dix invités viennent de
se voir notifier une mise en cause pour la fête d’anniversaire de
Madame en plein confinement le 14 juillet 2020. Au moment même où
tombait la décision du procureur, le président, par l’intermédiaire
de son avocat, présentait des conclusions demandant un non-lieu et
proposant de donner pendant plusieurs mois la moitié de son
indemnité présidentielle à l’Institut Malbrán,
qui effectue les tests anti-covid et orchestre la recherche de
traitements médicamenteux contre le fléau. Cette argumentation qui
n’a pas convaincu le procureur (qui n’a pas eu le temps d’en
prendre connaissance et cela vaut sans doute mieux pour lui) agace,
et c’est un faible mot, l’opposition, qui n’avait déjà pas
besoin de cela pour montrer toute son agressivité contre le
gouvernement. Par ailleurs, il est fort peu probable qu’elle soit
de nature à convaincre les indécis, ce qui risque donc de peser sur
les élections, malgré des sondages qui ne devaient pas être si
mauvais que l’opposition le laisse entendre, puisque celle-ci
n’aurait pas à ce moment-là répandu les sornettes dont elle
parsème la campagne. Cette mise en cause politiquement
malencontreuse a fait perdre son calme à l’avocat du président
qui n’a rien trouvé de mieux à faire publiquement que de mettre
en doute la probité du magistrat, ce qui lui a valu de perdre sur le
champ son illustre client, lui-même spécialiste de droit pénal.
Les personnes mises en cause par le procureur
dépendent donc maintenant de la lecture de l’affaire que fera le
juge d’instruction puis l’instance de jugement devant laquelle il
est probable qu’ils devront comparaître dans un délai qui reste
indéterminé mais que les deux principaux prévenus, le président
et sa femme, n’ont sans doute pas intérêt, politiquement parlant,
à retarder. L’infraction est manifeste, elle est reconnue. En
l’absence d’une immunité présidentielle qui ne figure pas dans
la constitution, mieux vaut conclure vite, payer l’amende, sans
doute salée, qui sera prononcée et verser à l’institut de
recherche médicale les sommes déjà proposées, sans assujettir ce
don à la clémence du juge.
 |
"Le procureur a mis en cause le Président, Fabiola et neuf invités" En bas, Biden en pleurs à l'évocation de l'attentat de Kaboul Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
De l’autre côté, dans
le camp anti-Kirchner et anti-Fernández, la justice poursuit son
travail sur
l’anniversaire de Elisa Carrió, révélé
quelques jours après celui de Fabiola Yañez.
Le parquet vient
d’entendre en qualité de témoins les mariachis qui ont animé la
fête avec 70
invités, dont les principales têtes de l’opposition au niveau
national, bonaerense et portègne. Le chef de l’exécutif de la
Ville autonome de Buenos Aires, clairement reconnaissable sur les
photos (il faut dire que son physique singulier passe
difficilement inaperçu), vient de se voir
notifier à son tour une mise en cause pour violation des règles du
semi-confinement qui régnait en décembre dernier. Ce qui discrédite
ses critiques acerbes contre le président et le « Olivosgate »,
puisqu’il
est désormais lui-même mouillé dans le
« Carriógate » (1).
 |
Une d'hier : elle annonçait la mise en cause éminente du président Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Par ailleurs, un procureur
national vient de s’opposer à la famille Macri sur le transfert à
une chambre d’appel de la justice portègne (justice locale) de
l’instruction puis du jugement de la faillite de Correo Argentino,
la poste nationale, que la holding de la famille s’était vu
adjugée il y a vingt ans en concession publique et pour laquelle
elle n’a jamais rempli ses obligations vis-à-vis de l’État.
La justice portègne serait plus accommodante, pense la famille. Ce
qui est en soi scandaleux et encore plus lorsque ce sont des proches
d’un ancien président de la République qui font ce calcul
sordide. Où l’on voit que tous les procureurs ne sont pas
nécessairement vendus à la droite. Si les choses avancent comme
elles le doivent dans un État
de droit, il est possible que ladite holding soit dans un délai
raisonnable redevable envers la République d’une somme colossale
composée de la somme des dettes accumulées pendant ces deux
décennies et des pénalités y afférentes, ce qui pourrait
entraîner sa faillite (d’où la recherche désespérée de
solutions douteuses). Comme cette information est un caillou dans la
chaussure de l’opposition, elle n’apparaît pas dans les journaux
de droite. Curieux, non ?
N’y apparaît pas non plus une autre étape
judiciaire qui au lieu de charger la droite comme ci-dessus allège
la gauche : le magistrat de jugement qui vient d’entendre les
conclusions des parties dans l’affaire du Mémorandum avec l’Iran
a retenu leur validité. Il a donc accepté de les examiner. Cristina
Kirchner, hier présidente et aujourd’hui vice-présidente, a en
effet demandé un non-lieu en sa faveur et en faveur de ses anciens
ministres pour absence de faits délictueux dans le cadre de cet accord diplomatique qui aurait permis à un magistrat argentin
d’aller entendre en Iran des hommes soupçonnés par la justice
argentine d’avoir commandité un attentat antisémite à Buenos
Aires. Accord ratifié par le Congrès argentin (dans ce cas,
pourquoi poursuivre pour haute trahison le chef de l’État ?)
mais jamais entré en vigueur puisque le parlement iranien ne l’a
pas ratifié. Quel crime peut-on donc imputer à Cristina et son
gouvernement ?
La situation judiciaire affaiblit donc les deux
camps mais elle semble moins lourde à gauche, sans que l’on puisse
douter de la probité des juges qui semblent prendre plus au sérieux
l’indépendance de leur pouvoir. C’est plutôt le signe que la
démocratie, toute boiteuse qu’elle soit par définition, progresse
dans le pays.
Les médias mainstream se chargent de rectifier le
tir et s’y prennent fort habilement en période électorale. Ils se
taisent !
© Denise Anne
Clavilier
Pour aller
plus loin :
Ajouts du 31 août 2021 :
lire
cet
article de Página/12
sur la réouverture de l’enquête sur la totalité des 70
personnalités ayant bénéficié d’un passe-droit pour une
première dose de vaccin à la discrétion de l’ancien ministre de
la Santé (qui a démissionné au milieu du scandale). Cette nouvelle
étape judiciaire est le résultat d’un appel interjeté contre un
non lieu pour inexistence d’infraction prononcé, il y a déjà
plusieurs mois, au profit de 65 des copains du ministre qui avaient
bénéficié d’une vaccination en douce, ce qui leur avait épargné
les procédures ordinaires, beaucoup plus fastidieuses. Or le
président s’est prévalu de ce premier jugement, pourtant frappé
d’appel, pour demander un non lieu à son profit, dans l’affaire
de l’anniversaire de son épouse. Voilà qui tombe très mal pour
la majorité en cette fin de campagne pour les primaires de
mi-mandat !
lire
cet
article de Clarín
lire
cet
article de La
Nación
Ajout du 7 septembre 2021 :
En
suivant sa propre jurisprudence, un tribunal fédéral vient de
rejeter l’un des arguments présentés par la défense du
président. Selon son raisonnement, comme personne n’était tombé
malade après l’anniversaire, il n’y aurait pas eu mise en danger
de la santé publique. Cela ne tient pas, répond le tribunal
compétent.
Pour
aller plus loin :
lire
l’article
de La Prensa
(1) Pour le
président, les faits se sont produits dans la ville de Olivos, où
il a sa résidence officielle. Pour Carrió, ils se sont produits
dans un village baptisé Exaltación de la Cruz. C’est très
compliqué de créer un néologisme avec ce suffixe gate !