Hier, une centaine de musiciens indépendants, parmi lesquels l’auteur-compositeur-interprète de folklore Liliana Herrero, directrice du Centre ECuNHi, l’espace culturel de Madres de Plaza de Mayo, ont manifesté devant le siège du Gouvernement portègne, à l’embouchure de Avenida de Mayo sur Plaza de Mayo, pour réclamer des lieux où il leur soit possible de jouer en public.
Depuis l’effondrement du bar Beara à Palermo, il y a dix jours (voir mon article du 11 septembre 2010), une trentaine d’espaces privés où avaient lieu des spectacles ont été interdits d’activité comme je l’annonçais dans un autre article quelques jours plus tard (voir mon article du 15 septembre)
Le manque de lieux véritablement ouverts aux artistes et où ni les musiciens ni le public ne se fassent arnaquer par le patron (1) est un véritable problème dans cette ville énorme (3 millions d’habitants) qui connaît une vitalité artistique sans commune mesure avec ce que nous pouvons connaître en Europe et surtout à Paris, qui est désespérément terne en comparaison (2), alors que le Gouvernement local s’acharne à laisser pourrir la situation sans même servir vraiment, comme le dénonce la gauche (à tort à mon avis) les intérêts du tourisme, contrairement au discours très pro-tourisme qui est tenu officiellement à longueur d’année. Le tango for export par exemple n’est pas plus aidé par le Gouvernement que ne le sont les artistes authentiques, qui s’attachent à dire des choses essentielles, difficiles, complexes et à tirer vers le haut l’ensemble de la population. En bientôt trois ans de gouvernement macriste, la politique culturelle de la capitale s’est peu à peu vidée de sa substance au profit des affaires, les vraies, celles des grands hôtels et des promoteurs immobiliers (qui mettent à mal les immeubles avoisinant leurs chantiers), des annonceurs de grandes marques (nord-américaines la plupart du temps) et des publicitaires. Et tout le discours triomphaliste de Mauricio Macri autour du Tango Patrimoine de l’Humanité n’est qu’un slogan à visée clairement électoraliste, qui ne servira même pas les desseins du tango commercial mais dont il se servira, lui, sans retenue, pendant la campagne présidentielle l’année prochaine, si la Justice ne décide pas d’ici là de mettre un terme à cette aventure qui s’annonce mal.
Quel dommage qu’il n’y ait eu que 100 personnes devant le Siège du Gouvernement. La cause valait une plus grande foule. Mais dans la journée, les artistes travaillent, il faut bien manger.
(1) Les restaurants, les cafés et même certaines salles de spectacles qui acceptent des artistes sont parfois tenus par des propriétaires qui ne mettent pas à la disposition des artistes ce dont ils ont besoin, exigent une commission très élevée, montent le prix des consommations et des plats ou interdisent aux artistes de prélever un droit au spectacle, les réduisant ainsi aux aléas du show a la gorra, sympathique pratique bohême mais qui nourrit mal son homme (spectacle au chapeau) et participe à déresponsabiliser le public qui ne se rend pas toujours compte que le travail des artistes est bel et bien un travail qui mérité d’être rétribué à sa juste valeur. Lors de mon séjour à Buenos Aires, j’ai entendu des anecdotes salées sur les pratiques malhonnêtes de certains patrons et pas toujours ceux qu’on pourrait le plus facilement imaginer.
(2) Non pas qu’il ne se passe rien à Paris mais ce qui s’y passe est essentiellement du spectacle à consommer et non pas de l’art à partager et à vivre. Il s’agit d’un marché des biens culturels, y compris lorsqu’il s’agit de spectacles vivants, et non pas de la respiration de la ville et de la participation de tous les habitants quelque soit leur niveau de vie. La vie culturelle à Paris est réservée à des gens qui ont les moyens de se l’offrir. Ce n’est pas le cas à Buenos Aires, où continue d’exister et de se développer une authentique culture populaire.