En cette fin de la saison estivale, le Museo Casa Carlos Gardel, établi dans la dernière maison où vécut le chanteur à Buenos Aires et donc situé dans le quartier de l'Abasto, rue Jean Jaures 735, reçoit en ces deux derniers jeudis du mois de février le chanteur Esteban Riera, à 17h30. Le concert prend place dans un cycle appelé Mis tardes con Gardel (mes après-midis avec Gardel). L'entrée au spectable est comprise dans l'entrée au musée, d'un montant symbolique (1 $).
Esteban Riera est un jeune chanteur qui monte, comme on dit en français. Il est la voix de l'ensemble Vale Tango, fondé en 1999 par le pianiste Andrés Linetsky, l'un des musiciens, compositeurs et arrageurs d'un autre orchestre, El Arranque (beaucoup de musiciens appartiennent à plusieurs formations simultanément). Il y a peu, Esteban Riera a sorti un disque, Tal vez será su voz (peut-être c'est sa voix) (1). En ce moment, au Carnaval de Gualeguaychú, dans la Province de Entre Ríos (entre deux rivières), il est le principal chanteur de la Comparsa Los Papelitos (les confettis), dans ce qui est réputé être l'un des carnavals les plus spectaculaires de la région (2). Il se produit dans cette comparsa (3) tous les samedis de carnaval, jusqu'au 7 mars (le carnaval de Gualeguaychú dure plus d'un mois).
Esteban Riera a participé à de nombreux événements de prestige, comme les adieux de Julio Bocca, danseur classique argentin, qui fit une tournée mondiale en 2005-2006 avec un spectacle intitulé Boccatango, Cien años no es nada (100 ans, ce n'est pas rien), le spectacle qui marqua les 100 ans du Teatro Maipo à Buenos Aires, les festivals de Cosquín (qui accueille tous les genres musicaux argentins) et de La Falda (essentiellement consacré au tango). Vous pouvez le voir sur YouTube partageant la scène du feu Club del Vino à Palermo avec le Sexteto Raúl Garello. Vous pouvez aussi l'écouter sur la page My Space du groupe Vale Tango.
En ce moment, le musée propose aussi deux expositions thématiques, l'une sur le poète et dramaturge Alberto Vaccarezza (dans le cadre d'une série d'exposition intitulée Gardel y sus compositores) et une autre, intitulée Discos y partituras, 1912-1925 (Disques et partitions, 1912-1925). L'entrée au musée coûte donc 1$, sauf le mercredi (le musée est alors gratuit). Le Museo Casa Carlos Gardel dépend de la Ville de Buenos Aires. Il dispose d'un mini-site sur le portail de la capitale, où vous pouvez écouter quelques enregistrements cultes de Carlos Gardel et visionner quelques passages de ses films.
(1) Tal vez será su voz est le titre d'un tango de Lucio Demare et Homero Manzi écrit, composé, publié et créé en 1943. Ce titre est celui sous lequel il est le plus souvent connu de nos jours. C'est le titre qui est utilisé généralement sur les pochettes de disques. Pourtant son titre original était Tal vez será mi alcohol. En 1944, le gouvernement argentin institua une censure du lunfardo et de toutes les mauvaises moeurs qu'il était censé encourager et les références à l'ivresse, au suicide, à l'adultère, aux amours hors mariage, à la prostitution etc furent bannies des ondes, des disques, de la presse, de l'édition et des planches. Pour le gouvernement, un gouvernement de fait installé à la suite d'un coup d'Etat le 4 juin 1943, il s'agissait de rallier une certaine opinion bien pensante et sa caution morale qu'était l'Eglise, puisque ce gouvernement voulait garder l'Argentine hors du conflit mondial et avait besoin de l'appui le plus large en Argentine, étant donné le poids des pressions formidables que les Etats-Unis exerçaient alors sur tous les pays latino-américains pour obtenir leur engagement militaire. L'Eglise exigea cette mesure, particulièrement idiote, puisque, selon un dicton francophone, ce n'est pas en cassant le thermomètre qu'on fait baisser la fièvre. L'Eglise obtint gain de cause et les artistes furent contraints de faire disparaître de leurs oeuvres le lunfardo, les argentinismes et les descriptions trop crues d'une réalité que tout le monde avait pourtant sous les yeux. Cette censure officielle fut levée en 1949 et il ne resta plus qu'une censure endémique qui dura, elle, jusqu'en octobre 1983.
(2) Gualeguaychú est une ville argentine sise sur les rives de l'Uruguay, au nord de son embouchure dans le Río de la Plata. C'est une ville qui fait beaucoup parler d'elle depuis plusieurs années parce qu'elle commande un pont international, qui traverse l'Uruguay et relie donc l'Argentine et la République Orientale de l'Uruguay. Or ce pont est régulièrement occupé et bloqué par des commandos d'écologistes argentins qui protestent depuis des années d'abord contre l'installation et désormais contre le fonctionnement d'une papeterie finlandaise, Botnia, installée sur la rive uruguayenne. L'industrie papetière est très polluante et ces écologistes craignent pour l'avenir du fleuve. Gualeguaychú est devenu leur fortin et il ne se passe pas de semaine sans qu'ils organisent un happening quelconque pour attirer l'attention de la presse et relancer leur combat.
(3) Une comparsa est un groupe organisé qui participe aux défilés des différentes fêtes en Argentine et en Uruguay. Les défilés de carnaval mais aussi ceux de certaines fêtes patriotiques ou locales. C'est ce mot qui a servi de titre au plus célèbre tango du monde, La Cumparsita, composé comme une marche pour une comparsa, celle des étudiants de l'Université de Montevideo pour le carnaval de 1913 (selon les auteurs, la date varie de 1913 à 1917). Mais aussitôt après ce carnaval, le morceau tomba dans l'oubli et c'est Carlos Gardel qui le rendit populaire au niveau mondial en le chantant sur le texte de Pascual Contursi lors de sa première tournée en Europe en 1924 puis Juan D'Arienzo qui en fit le morceau rituel de la fin du bal (milonga) avec son arrangement de 1937.