Tout au long de cet été, Daniel Paz, l’un des deux dessinateurs vedettes du quotidien Página/12, a publié, avec son complice dialoguiste, Rudy, quelques vignettes bien senties sur des questions d’actualité relues à la lumière du passé ou vice versa et inversement... Je vous en ai sélectionné trois qui m’ont fait mourir de rire...
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Au sujet de la toute récente expulsion d’Argentine de l’évêque intégriste et négationniste anglais (quelle liste !), directeur (relevé de ses fonctions par ses supérieurs, tout aussi intégristes que lui pourtant) d’un séminaire de la Fraternité Pie X installé dans le Gran Buenos Aires, le tristement célèbre Williamson, qui a fait acte de soumission... conditionnelle au Pape. (1)
Le journaliste : Monseigneur Williamson a été expulsé d’Argentine.
Le prélat : Oui... Les valeurs traditionnelles se perdent !
Le journaliste : Comment ça ?
Le prélat : Ben tiens ! On suppose que les gouvernements péronistes devraient accueillir les nazis, pas les expulser.
Página/12 aujourd'hui
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Ce dialogue est très drôle mais il est aussi très injuste envers l’Eglise catholique actuelle en Argentine (en général, Daniel Paz s’en prend à une Eglise catholique plus fantasmatique que réelle, surtout lorsqu’il prend pour tête de turc l’Archevêque de Buenos Aires, un homme de fait très ouvert). L’Archidiocèse de Buenos Aires a d’ailleurs clairement fait savoir son accord avec la décision d’expulsion prise par la Présidente de la République à l’encontre de ce négationniste îlien et n’a pas caché qu’il en était soulagé, les agissements du bonhomme créant autant de scandale à Buenos Aires chez les fidèles catholiques qu’à Paris ou Bruxelles et troublant gravement, là-bas aussi, le dialogue judéo-chrétien. Et cette case est aussi très sévère pour Juan Domingo Perón, car c’est bien lui qui est visé et non pas le Gouvernement actuel (dont Daniel Paz approuve très certainement la décision). Comme on va le voir un peu plus bas, Perón a été élu Président en 1946 contre la volonté des Etats-Unis, aux intérêts économiques et géo-politiques desquels il s’opposait frontalement. Pour se maintenir au pouvoir dans ces conditions peu confortables, entretenir sa propagande, développer les oeuvres de bienfaisance d’Evita, il lui fallait de grosses rentrées d’argent à une époque où personne ne se souciait de "moraliser le financement des partis politiques". Perón n’a pas fait la fine bouche devant l’argent que plusieurs criminels nazis, poursuivis par les Etats-Unis, lui ont offert pour pouvoir se réfugier en Argentine. Eichmann a ainsi négocié un sauf-conduit en livrant les clés d’un coffre suisse, ce qui a valu à l’Argentine l’affront de voir un jour le Mossad intervenir en pleine rue au coeur même de la capitale pour enlever Eichmann...
Pourtant on chercherait en vain la moindre parenté idéologique entre le péronisme, celui d’aujourd’hui et celui d’hier, et le nazisme ou le fascisme, même si les Argentins anti-péronistes traitent Perón de fasciste et c’est bien leur droit. Cette position fait partie du débat démocratique (comme celle des manifestants français qui scandent "CRS-SS !" sous le nez des forces d’ordre républicaines). On peut reprocher beaucoup de choses à Perón surtout dans le domaine des Droits de l’homme, mais d’avoir été porteur d’une idéologie totalitaire, non...
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L’Argentine se prépare à une année électorale. Il y a des élections locales dans plusieurs provinces, la Province de Catamarca dans une dizaine de jours par exemple. La Ville de Buenos Aires va aussi renouveler la moitié de son Parlement (Legislatura). Et en octobre, il y aura des élections législatives de mi-mandat au niveau fédéral. De tous les côtés, les partis s’organisent. A la fin de l’année 2008, on a vu se rapprocher tous les partis d’opposition, l'UCR (parti du Vice-Président, qui appartient à une mouvance dissidente) censée être à gauche, la CC (Coalición Cívica, de centre-droit, autour d’une transfuge de l’UCR, Elisa Carrió), certains partis socialistes (le socialisme n’a jamais fait son unité en Argentine) et la droite dure de Mauricio Macri (la majorité au pouvoir dans la ville de Buenos Aires)... Ces alliances improbables rappellent des souvenirs !
Le journaliste : Le rapprochement entre Carrió, le macrisme, les socialistes et l’UCR provoque des commentaires.
Le rédac chef : Par exemple ?
Le journaliste : Les descendants de Braden jurent qu’ils n'y sont pour rien, eux !
Página/12, du 12 janvier 2009
(Traduction Denise Anne Clavilier)
En 1945, après le 17 octobre (voir mon article à ce sujet), quand il a été évident que Juan Perón allait se présenter à l’élection présidentielle et qu’il avait de bonnes chances de l’emporter, Spruille Braden, un homme d’affaires qui était aussi l’Ambassadeur des Etats-Unis à Buenos Aires, a coalisé contre Perón l’UCR, toute la droite, le PC, divers PS, l’UCR et un certain nombre d’organisations syndicales, corporatistes et patronales pêle-mêle. Et il l’a fait d’une façon si impudente, avec toute la suffisance que la victoire contre l’Allemagne et contre le Japon, la puissance atomique donnaient alors aux Etats-Unis sur ce continent, que Perón a joué sur du velours : le choix laissé à l’électeur argentin, c’était ou Perón ou les Etats-Unis.
Ça a été Perón.
A 56%. Au premier tour...
L’opposition s'est trouvé KO debout pour plusieurs années. Jusqu’au renversement de Perón en septembre 1955... par un coup d’Etat commandé officiellement par la Marine argentine et en sous main par la CIA (plus de 600 morts à Buenos Aires même pendant les 3 jours d’affrontement).
Il y a quelques jours, le rapprochement électoral Macri-Carrió-UCR s’est concrétisé dans une conférence de presse où Elisa Carrió a surpris les journalistes par un sens de l'humour et une gaité d'humeur qu'on ne lui connaissait guère. Les coalisés iront ensemble à la bataille avec un programme commun. La partie socialiste s’était faite excuser. Mais il paraît que même portée pâle, cette mouvance du socialisme argentin est d’accord avec ses partenaires... Qui vivra verra !
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La nationalisation d’Aerolineas, reprise de force à la société Marsans, une société privée de capitaux espagnols, a tendu les relations entre l’Espagne et l’Argentine au dernier trimestre 2008 (voir mes articles sur cette renationalisation). La crispation était d’autant plus forte que l’économie espagnole s'est effondrée avec l’industrie du bâtiment en vue du tourisme alors que l’économie argentine tient nettement mieux le coup. Le 10 janvier 2009, juste avant que les relations s’améliorent vraiment grâce au récent voyage officiel de Cristina Fernández à Madrid, Daniel Paz a commenté la tension diplomatique...
Personnage 1 : L’Espagne s’inquiète pour son futur.
Personnage 2 : L’Argentine aussi.
Personnage 1 : Depuis quand ?
Personnage 2 : dans le genre 1810. (2)
Página/12 le 10 février 2009
(Traduction Denise Anne Clavilier)
(1) Ce triste sire a en effet besoin qu’on lui présente des preuves de la destruction des Juifs d’Europe dans l’Allemagne nazie dans les années 40, pour revenir sur ses propos, comme l’exige le Saint Père pour que son excommunication personnelle soit levée de facto.
L'individu a fini par quitter l'Argentine cet après-midi même. Il a acheté un billet aller pour Londres pour un départ immédiat, directement au comptoir de British Airways à Ezeiza, et avant de s'embarquer immédiatement après, il a tenu à laisser un petit souvenir aux Argentins : son poing dans la figure d'un journaliste de télévision, qui travaille pour TN. A mon avis, si vous allez sur TN entre ce soir et demain matin, vous allez en entendre parler !
Le lien avec la chaîne Todo Noticias se trouve dans la Colonne de droite, partie inférieure, rubrique Actu.
(2) Et si vous ne savez pas pourquoi 1810, il faut vous plonger d’urgence dans de bons livres d’histoire. Car qui dit 1810 dit qu’il y a peut-être un bicentenaire en vue.
(2) Et si vous ne savez pas pourquoi 1810, il faut vous plonger d’urgence dans de bons livres d’histoire. Car qui dit 1810 dit qu’il y a peut-être un bicentenaire en vue.
Premier élément de réponse dans la Colonne de droite, en partie centrale, dans la rubrique Petites chronologies (le "s" du pluriel, c’est de l’anticipation : j’ai deux autres chronologies en cours de construction). Mais celle qui est déjà là suffit pour comprendre un peu pourquoi 1810...