Le Tribunal fédéral, jugeant en dernière instance, vient de rejeter une demande de semi-liberté, sous régime de résidence surveillée (prisión domiciliaria), faite par la défense de l’auteur du coup d’Etat du 24 mars 1976, Jorge Rafael Videla (il était général mais il a été déchu de tous ses titres militaires il y a bien longtemps).
Videla avait bénéficié d’une amnistie accordée par Carlos Menem, alors Président de la République. Cette amnistie avait ensuite été déclarée nulle par un tribunal, il avait alors été à nouveau arrêté et placé en régime de résidence surveillée au titre de la détention préventive, en attente d’un second procès sous de nouveaux chefs d’inculpations pour des crimes commis pendant la Dictature et non encore jugés. Le 10 octobre dernier, à la demande du Sous Secrétaire national aux Droits de l’Homme, il avait été écroué dans un établissement de droit commun, toujours sous le régime de la préventive. Et son avocat, qui n’est autre qu’un ancien ministre de la Justice de la Junte, avait réclamé son retour à la maison.
Il vient d’être débouté. Il attendra donc son second procès derrière les barreaux. Au grand soulagement des associations de droits de l’homme argentines.
Au tout début de l’année, Daniel Paz (Página/12, édition du 16 janvier 2009) a eu cette idée de mélanger deux informations sans aucun lien l’une avec l’autre, d’un côté l’augmentation du titre de transport en commun à Buenos Aires le 1er janvier (ce qui posait un gros problème : les tickets de bus ne s’achètent qu’en faisant l’appoint, l’ancien prix était de 0,90$, le nouveau est de 1,10 ! Le problème sera bientôt du passe : la ville est en train de mettre en place un système de carte à puce prépayée et rechargeable qui devrait être généralisé en mai...) et le régime pénal très favorable obtenu par plusieurs criminels de la Dictature (represores), libérés pour dépassement du délai de préventive ou raison de santé et autres motifs tout aussi difficiles à accepter pour la population.
Cela donne le dialogue suivant :
Elle : Et alors, les criminels qui ont été libérés, ils vont aller et venir librement en ville ? Lui : Ouais, mais ils iront pas loin...
Elle : Pourquoi ça ? Lui : Ben, tu sais bien comment c’est difficile de trouver de la monnaie pour le bus. (1)
(Traduction Denise Anne Clavilier)
(Traduction Denise Anne Clavilier)
De l’autre côté du Río de la Plata, en Uruguay, l’actuelle opposition, qui se met en ordre de bataille pour l’élection présidentielle d’octobre, fait actuellement des pieds et des mains pour empêcher l’annulation de l’amnistie ("amnistía a represores") accordée, dans un souci d’apaisement et de réconciliation civile, aux criminels de la dernière dictature (1973-1985). La majorité de gauche (Frente Amplio) a fait inscrire à l’ordre du jour du parlement la déclaration d’inconstitutionnalité de cette amnistie pour demain, mercredi 25 février. Le parti conservateur représentant la droite dure (el partido blanco) et le parti libéral regroupant centre-droit et démocratie chrétienne (el partido colorado) discutaient ce week-end de la meilleure tactique à adopter : boycott de la discussion, calcul savant de présence pour empêcher le quorum, participation au débat pour voter non et dire pourquoi et/ou bataille procédurale pour empêcher discussion et vote.
L’opposition estime en effet que ce débat est ouvert pour faire diversion aux vrais enjeux des élections qui auront lieu le 25 octobre (il y a une raisonnable probabilité aujourd’hui que la majorité gagne ces élections, même si elle n’a pas encore désigné son candidat définitif). L’actuelle majorité de gauche, de son côté, veut qu’un certain nombre de responsables de la dernière dictature, dûment identifiés, des militaires et des policiers, passent en jugement pour plusieurs arrestations arbitraires et disparitions individuelles, nominatives. Pour cela, elle a besoin que la loi soit modifiée.
Pour situer ces événements, voir les grandes dates de l’Argentine et de l’Uruguay et plus largement les articles de Barrio de Tango sur l’histoire (voir le raccourci en Colonne de droite, dans la section Quelques rubriques thématiques).
Sur les élections en Uruguay, se reporter aux articles que j’ai consacrés à l’actuel Président de la République de ce pays, Tabaré Vázquez.
Sur les questions des droits de l’homme en Argentine, lire mes articles sur les 25 ans du retour de la Démocratie et visiter les sites des Mères de la Place de Mai, des Grands-Mères de la Place de Mai et de H.I.J.O.S. (les liens sont accessibles dans la Colonne de droite, sous la rubrique Cambalache), ainsi que les articles de Barrio de Tango portant sur les combats terribles et nécessaires que mènent ces associations, sous les raccourcis Abuelas de Plaza de Mayo et Madres de Plaza de Mayo.
(1) El bondi : un terme de lunfardo qui désignait le tramway. Maintenant qu’il n’y a plus de tram, le mot désigne le bus (colectivo).