Querida viejita: aquí me tenés como siempre, muy contento porque sé que estás bien y contenta. (...) Yo gracias a Dios (toco madera), me encuentro muy bien de salud, de espíritu y de trabajo, todo muy importante en estos tiempos. Bueno mamita, ya sabés, saludá a todos de mi parte. De mi viejita no puedo decir nada pues cada vez la encuentro más guapa y fuerte, total todavía nos quedan 50 años de vida a cada uno”.
Carlos Gardel, 13 février 1935, New York
Chère Maman (1) : me voilà come toujours, très heureux parce que je sais que tu te trouves bien et heureuse [...] En ce qui me concerne, grâce à Dieu (je touche du bois), je suis en bonne santé, j’ai bon moral et le travail avance, toutes choses très importantes par les temps qui courent. Eh bien, Maman, te voilà au courant, donne le bonjour à tous de ma part. De ma chère maman, je n’ai rien à dire puisque chaque fois je la trouve plus belle et plus forte. Bref, il nous reste encore 50 ans de vie à chacun.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Ce sont 160 lettres écrites par Carlos Gardel entre 1932 et 1935, quelques contrats signés et quelques photos, inédites elles aussi, dont une où on le voit à 3 ans à Buenos Aires, l’année de son arrivée dans le pays, qui vont prochainement être publiés, sous la forme d’un livre, sous le titre Archivo Gardel. Ce beau livre, de 304 pages, édité par Proa Editories, a fait l’objet d’une présentation officielle avant-hier à la Legislatura de Buenos Aires. Il sera vendu à un prix prohibitif pour beaucoup en Argentine puisqu’il avoisinera les 300 $.
La plupart des documents ont été découverts en 2008, dans la cave de la maison que possédaient Armando Delfino et son épouse, Adela Blasco, à Córdoba, par les filles d’Adela, qui souhaitaient mettre cette maison en vente peu de temps après le décès de leur mère. Et en vidant la cave, elles découvrirent une valise sur lequel étaient inscrits les mots Cosas de Gardel (affaires de Gardel). Comme Armando Delfino était un homme très méticuleux, les affaires en question furent trouvées remarquablement bien enveloppées et en parfait état de conservation. Delfino fut le dernier homme de confiance de Gardel et son conseiller juridique durant les deux dernières années de sa vie. A ce titre, il fut son exécuteur testamentaire puis l’héritier de Berta Gardés, la mère du chanteur lorsqu’elle décéda à Buenos Aires en juillet 1943. Une petite partie des éléments étaient déjà en possession du Centre d’Etudes Gardeliens sans avoir encore jamais été publiés.
Une nouvelle source pour les historiens, les biographes et les admirateurs.
Les documents ont été rassemblés et mis en forme par Enrique Espina Rawson, le président du Centro de Estudios Gardelianos, qui les rend publics dans le cadre des 120 ans de la naissance de Gardel, qui seront fêtés le 11 décembre prochain, Día Nacional del Tango, et alors qu’on vient de commémorer les 75 ans de sa mort par toute une série de concerts, d’émissions philathéliques, de disques etc (voir mes articles du mois de juin 2010 et les articles rassemblés sous le mot-clé Carlos Gardel, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus ou le raccourci Carlos Gardel dans la rubrique Les artistes, dans la partie supérieure de la Colonne de droite).
Le co-auteur de ce livre est un illustrateur uruguayen, Alfredo Echániz, gendre de Adela Blasco. Une bonne manière peut-être d’apaiser la querelle incessante entre Argentins et Uruguayens autour de la personne de Carlos Gardel que les deux pays réclament comme leur avec autant de passion l’un que l’autre.
Pour aller plus loin :
(1) Si vous regardez bien le texte original, vous constaterez que Gardel emploie le terme populaire et familier de vieja, viejita (vieille, petite vieille, en traduction littérale) tout comme il écrit le plus commun mamita. A l’inverse du phénomène argotique francophone et surtout parisien, où l’emploi du vocable vieille, vieux en lieu et place de mère et père, est des plus irrespectueux, le terme vieja et son diminutif, viejita, est totalement acceptable et même incontestablement affectueux. J’ai pour ma part entendu de très nombreux amis portègnes me parler de leur viejo ou de la vieja sans même soupçonner un seul instant comment l’expression pouvait sonner dans ma sensibilité française. Maintenant mon oreille autant que mon cerveau se sont habitués et c’est à peine si lorsque je me trouve là-bas, je ne les utilise pas pour parler de mes propres parents.