jeudi 28 octobre 2010

Veillé à la Casa Rosada pour la première fois de l’histoire [Actu]

C’est à la Casa Rosada, dite aussi Casa de Gobierno, où le couple présidentiel argentin ne résidait d’ailleurs pas, qu’est veillé depuis 10h ce matin (heure locale) le corps de Néstor Kirchner, décédé dans la matinée d’hier. Le cercueil, exceptionnellement fermé (c’est vraiment très rare dans le monde hispanique), est entouré des portraits de Juan Domingo Perón et de Salvador Allende, deux chefs d’Etat de gauche, profondément opposé à la mainmise des Etats-Unis sur leur pays respectifs et qui furent tous les deux renversés par des coups d’état fomentés par la CIA. D’ordinaire, les funérailles d’Etat ont pour cadre le Palais du Congrès (el Congreso), qui est le siège de la représentation nationale avec ses deux chambres, la chambre des députés, dite Chambre basse, et le Sénat, la Chambre haute, dont la constitution veut qu’elle soit présidée par le Vice Président de la Nation. Le premier personnage protocolaire du Congrès est donc le Président du Sénat. Or le président du Sénat, actuellement, c’est Julio Cleto Cobos, ancien allié électoral de Cristina de Kirchner, la Présidente de la République, mais qui s’est éloigné d’elle en juillet 2008 à partir de son refus de voter une loi de taxes douanières indexées sur le cours mondial des produits et affectant les exportations de céréales et de soja (voir mon article du 19 juillet 2008, qui a inauguré ce blog). On se souvient aussi (en tout cas les lecteurs de Barrio de Tango, eux, s’en souviennent, s’ils connaissaient déjà ce blog à cette époque) que lors de la veillée du Président honoraire Raúl Alfonsín, et alors que Néstor Kirchner était en représentation de sa femme, en déplacement à l’étranger, les deux hommes, Néstor Kirchner, l’homme fort du PJ, et Julio Cobos, alors l’un des hommes forts de l’UCR (sa cote a beaucoup baissé au sein de son propre parti depuis quelques mois) s’étaient soigneusement évités (voir à ce sujet mes articles au sujet de Raúl Alfonsín, le précédent ancien chef de l'Etat à avoir reçu des funérailles nationales depuis le retour de la démocratie en 1983)

Avec Cristina (une photo publiée par El Mundo, quotidien espagnol)

La raison officiellement donnée pour justifier ce changement de lieu, pour cette cérémonie d’Etat, est la plus grande facilité qu’il y aurait à recevoir la très grande foule attendue au Salon des Patriotes Latino-Américains au Palais du Gouvernement plutôt qu’au Congrès. Et le fait est que ce matin, la file d’attente à l’entrée de Balcarce 50 était déjà très, très, très longue. Cependant, la disposition de la chapelle ardente est bigrement politique et on s’imagine bien que Cristina Fernández de Kirchner n’ait pas vu d’un bon œil la perspective d’un protocole où Julio Cobos aurait eu si belle place… Julio Cobos a d’ailleurs annoncé qu’il s’abstiendra de paraître à la veillée funèbre et il a appelé au téléphone le Premier Ministre pour le charger de transmettre ses condoléances à Madame Kirchner, ce qui en dit long sur l’impossible réconciliation politique entre la Présidente et son Vice-Président et augure bien mal de ce qu’il reste à courir de leur mandat commun ! On a connu Julio Cobos plus élégant dans son comportement public.

Lors de sa prestation de serment présidentiel, en décembre 2003 (photo publiée par Die Welt, quotidien allemand)

Un certain nombre de chefs d’Etat de la région sont déjà arrivés ou sont en train d’arriver à Buenos Aires pour participer à cette veillée et aux obsèques qui suivront. Les Etats-Unis, en pleine campagne électorale de mi-mandat, envoient Hillary Clinton pour les représenter. Tous les chefs d’Etat du sous-continent font le déplacement eux-mêmes.

Madres de Plaza de Mayo hier sur la Plaza de Mayo, rassemblement en soutien à Cristina

Côté journaux (ci-contre la foule sur la Plaza de Mayo, côté Cabildo, à l'opposé du palais présidentiel, attendant de pouvoir se recueillir devant le catafalque), la presque totalité de l’édition de Página/12 est consacrée à un hommage au disparu, y compris les pages culturelles qui ne contiennent que des articles sur Néstor Kirchner signés par des artistes reconnus : le poète communiste Juan Guelman, l’auteur-compositrice-interprète de folklore Teresa Parodi, le rockeur Gustavo Santaolalla (auteur du film El café de los Maestros)…
Sur Clarín, vous trouverez une multitude de vidéos et d’articles relatant les différents événements des journées d’hier et d’aujourd’hui et des archives, des montages de toutes sortes. Attention : Clarín joue sur la vague de l’émotion (c’est l’un des journaux anti-kichneristes les plus virulents). Pour les amateurs d’émotions fortes, vous pouvez assister à l’arrivée de la dépouille sur le tarmac de l’Aeroparque Jorge Newberry, l’aéroport national de Buenos Aires, réservé aux vols intérieurs.

La Nación (opposition libérale) se joint à l’hommage (ils ne peuvent pas faire autrement, tant l’émotion de la rue est forte) avec beaucoup d’effets techniques sur leur site (en particulier un diaporama automatique en une). Ils ont choisi des images très vivantes, surtout des images du couple présidentiel, avec des éclats de rire partagés et des moments de tendresse… Ils jouent sur le sentiment mais avec tact pour autant que j’ai pu le constater. La Nación rapporte même les propos d’un premier ministre qui semble personnellement touché (il y aurait de quoi), Aníbal Fernández (aucun lien de famille avec la Présidente) qui déclare que "Después de la partida de mi viejo, nunca tuve un día tan triste" (Après le départ de mon père, je n’ai jamais vécu un jour aussi triste).

Les quotidiens uruguayens eux aussi rendent hommage à l’ancien chef d’Etat voisin, avec de nombreux articles et des titres favorables, malgré les tensions qui avaient opposé il y a à peine quelques années Néstor Kirchner et Tabaré Vázquez au sujet de l’implantation de la papeterie Botnia à quelques kilomètres de la rive du fleuve Uruguay dans le nord de la République orientale.

Le couple présidentiel tel que The Guardian (quotidien britannique) a choisi de les montrer

Dans une telle abondance d’hommages et devant ce déferlement d’émotion que la presse amplifie peut-être (1), il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, de faire un choix d’articles vraiment significatif et lisible pour le lecteur francophone. Je vous invite donc à vous connecter vous-mêmes sur les sites des journaux, tant argentins qu’uruguayens et à faire votre propre exploration. Vous trouverez les liens dans la rubrique Actu de la partie inférieure de la Colonne de droite, en bas de laquelle vous accédez aussi au traducteur en ligne Reverso, qui peut vous aider en l’espèce (vous pouvez faire traduire en traduction automatique des articles complets). Cependant, il est possible que vous ayez quelque mal à vous connecter aux sites des quotidiens de Buenos Aires : ils sont pris d’assaut par la diaspora argentine et sud-américaine partout dans le monde et ils ne sont pas prévus pour être aussi sollicités. Donc parfois, ça rame, comme on dit en français populaire.

Voici à titre tout à fait indicatif et pour vous aider dans votre navigation dans la presse argentine quelques liens avec des articles ou des blocs d’articles qui me paraissent éclairants :

Mais une fois n’est pas coutume, commençons par les réactions en français :

Quotidiens français :
L’article matinal du Monde (paru très tôt sur le site du quotidien) Attention : les articles du Monde ne restent que quelques jours en accessibilité gratuite. Il en va de même pour la plupart des quotidiens d’information francophones en Europe.
L’article du Figaro (qui écrit entre guillemets que Kirchner est mort "subitement". On se demande à quel doute font allusion ces signes de ponctuation pour le moins inélégants dans cette occasion)
L’article de Libération

Quotidiens belges :
L’article du Soir, qui propose tout un cahier thématique en renvoyant à divers articles plus anciens, un fait exceptionnel dans cette revue de presse francophone
L’article de La Libre Belgique
Un entrefilet dans L’Avenir, qui reproduit la dépêche Belga.

Quotidiens suisses :
L’article du Temps
L’article de La Tribune de Genève
24 Heures, quant à lui, est muet : on y parle bien d’une mort significative, mais c’est celle du poulpe Paul. Un poulpe allemand, ça doit être plus important, même pour des Suisses romands !

Et côté argentin :
L’article de Juan Guelman dans Página/12
Le cahier culturel du jour dans Página/12
La déclaration poignante de Aníbal Fernández dans La Nación

Ne pas oublier les autres quotidiens importants d’autres pays (en dehors de l’Uruguay, dont vous avez un lien avec les principaux quotidiens nationaux, tous eux aussi remplis de la même nouvelle, dans la rubrique Actu de la Colonne de droite) :

Quotidiens espagnols :
Le cahier publié par El País à la une de son site internet (le journal de Madrid, à ne pas confondre avec celui de Montevideo)
L’article (pas très aimable) de El Mundo
Le cahier de ABC (vraiment pas en une mais bien fourni néanmoins)

Quotidiens italiens (beaucoup d’Argentins sont d’ascendance italienne)
L’article du Corriere della Serra
L’article de La Stampa
Le diaporama de La Stampa
La Repubblica, quant à elle, n’accorde qu’un rapide entrefilet et il faut bien chercher pour le trouver.

Et le New York Times, qui donne le la de la côte Est, celle du gouvernement fédéral des Etats-Unis. Son article vient du correspondant permanent à Sao Paolo qui s’est déplacé à Buenos Aires pour l’occasion. Ils n’ont même pas de correspondant à Buenos Aires !
A noter aussi que les grands quotidiens allemands, à diffusion nationale, parlent tous du décès de l’ancien président argentin (Die Welt, Die Presse, Die Zeit, Die Süddeutsche ZeitungDie Frankfurter Allgemeine Zeitung…). C’est aussi le cas de la plupart des grands quotidiens britanniques et d’au moins un journal irlandais (The Irish Times).

(1) Même les opposants font taire leur acrimonie habituelle devant la brutalité de l’événement et sa portée symbolique et politique.