dimanche 26 septembre 2010

Sortie en août d'un catalogue philatélique sur Gardel [Disques & Livres]


Luis Alposta (à gauche) lors de la présentation officielle de Carlos Gardel y la filatelía.
L'auteur, José Campoy Fernández, est de l'autre côté de la table, en train de rajuster sa cravate.

En août dernier, le vendredi 20 août 2010 à 19h, en son siège de Perón 1479, dans le quartier de San Nicolás, la FAEF, la Fédération Argentine des Entités Philatéliques, publiait un tout premier catalogue des timbres consacrés à Carlos Gardel dans le monde entier depuis 1974 jusqu'à cette année, un travail colossal de recension dû au talent d'un Espagnol, José Campoy Fernández, qui présentait l'ouvrage ce soir-là, avec le président de la FAEF, un représentant de Correo Argentino et Luis Alposta (1), qui en a rédigé la préface...


Luis Alposta a fait ce soir-là un laïus qui a beaucoup intéressé les philatélistes rassemblés dans la salle, sur toutes les originalités de Gardel, qui fut un pionnier dans de très nombreux domaines, artistiques, techniques et même symboliques : il est en effet le premier Argentin (2) à avoir connu une gloire internationale qui perdure bien au-delà de sa mort.

Ce catalogue, où la France, pourtant terre natale de Carlos Gardel comme l'attestent les documents de l'état-civil du département de la Garonne (3), n'est que peu représentée (4), commémore le 75ème anniversaire de la mort de l'artiste et accompagne la sortie presque conjointe d'un timbre commémoratif de Correo Argentino et d'une carte postale pré-timbrée émise elle aussi par cette institution, avec pour chacun d'entre eux une oblitération spécifique (matasello, "qui tue le timbre", en Argentine).



Au sujet du timbre, dont le motif est de la main de Luis Alposta, voir mon article du 24 juin 2010. Au sujet de la carte pré-timbrée, dont l'illustration est due au peintre et caricaturiste de presse uruguayen installé à Buenos Aires (5) Hermenegildo Sabát, voir mon article du 9 juillet 2010.

Le catalogue est en vente au siège de la FAEF, Perón 1479, 4ème étage, à Buenos Aires, au prix public de 40 pesos argentins (voir le site de la FAEF)

Ci-dessus : la première page du libre, dûment oblitéré avec les deux cachets et la dédicace de l'auteur à votre servante...


(1) Ce portrait succinct de Carlos Gardel réalisé par Luis Alposta l'a été dans le cadre d'un concours franco-argentin de caricature pour les 50 ans de la disparition du chanteur. Il a été à ce titre la première caricature argentine à franchir l'Atlantique par fax, ce qui est l'une des originalités, posthume celle-là, du Zorzal Criollo. Cette caricature, Luis m'a autorisée à la reproduire dans mon livre, Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, ed. du Jasmin, p. 98. Elle est aussi reproduite dans ce blog, dans l'un des articles sur Luis Alposta et les voeux de fin d'année (ou de début d'année). Je vous laisse fouiller dans les archives, à l'aide des raccourcis de la Colonne de droite et du moteur de recherche interne, en haut, à gauche.
(2) La nationalité de Gardel fait l'objet d'une polémique sans fin. Sur le plan strictement juridique, Carlos Gardel est resté français toute sa vie. Sur le plan psychologique, culturel et individuel, Carlos Gardel est incontestablement argentin. C'est en Argentine et précisément à Buenos Aires qu'il a passé toute son enfance, sauf les 28 premiers mois vécus à Toulouse. Politiquement et à titre posthume, il est revendiqué autant par l'Argentine, qui l'a donc vu grandir et vivre, que par l'Uruguay, pour des raisons que j'explique dans la note suivante. Le procès de naturalisation argentin achevé en 1924 par la remise d'un passeport argentin et d'un livret militaire (à un homme de 34 ans qui n'avait jamais porté les armes) est entaché de vices de forme, puisqu'il a été conduit à partir d'un certificat de naissance délivré par les autorités consulaires uruguayenne et lui-même invalidé pour vice de forme par la justice uruguayenne à la fin de 1935, après la mort de Gardel.
(3) La naissance de Carlos Gardel à Toulouse est une réalité historique abondamment documentée (11 décembre 1890, à l'hôpital Saint-Joseph des Grave, aujourd'hui hôpital des Graves) mais que de très nombreux Uruguayens contestent. Eux préfèrent croire que Gardel est bel et bien né à Tacuarembo, dans le nord de leur pays, suivant en cela les informations contenues dans les documents d'identité dont l'artiste était porteur au moment de sa mort. Carlos Gardel, né en France et donc indubitablement français de ce seul fait, n'a pas répondu à l'ordre de mobilisation générale d'août 1914. Il ne pouvait donc plus se faire faire de passeport par les services du Consultat de France à Buenos Aires. Il a donc eu recours, jusqu'à la fin de sa vie, à des papiers de complaisance qui le faisaient naître en Uruguay, un pays qui pratique comme la France et comme l'Argentine le droit du sol mais qui ne disposait pas (et ne dispose peut-être toujours pas) d'accord d'extradition avec la France. Ce pour quoi Jacques Médecin, ancien maire de Nice, avait fini par s'y réfugier lorsque la justice française commençait à s'intéresser d'un peu trop près à certains de ses agissements. Ce pour quoi il est possible qu'il ait été choisi, ainsi si Carlos Gardel était convaincu d'avoir fraudé dans son procès de naturalisation, il aurait encore pu être réclamé en tout point de la planète par l'Uruguay, comme l'un de ses ressortissants, et donc échapper ainsi au triste sort que la justice française réservait alors aux déserteurs de la Grande Guerre.
(4) Les deux seuls timbres qui rendent hommage à Carlos Gardel et qui aient été émis par la Poste Française l'ont été dans le cadre d'une opération conjointe avec Correo Argentino, le 24 juin 2006, pour les 71 ans de sa mort (date tordue s'il en est) et ont été confiés, côté français, au peintre argentin installé en France, Antonio Segui. L'un des timbres représente un bandonéoniste difforme et sinistre, et l'autre les jambes, tout aussi difformes, d'un couple de danseurs dans une posture où la sensualité subtile du tango brille par son absence et sur le plan technique comme sur le plan du style on ne peut plus fausse (les jambes sont fléchies et les fesses saillantes). A l'issue de la présentation officielle, avec des visages effarés et une tristesse incroyable dans les yeux, plusieurs Argentins sont venus vers moi pour me prendre à témoin de la laideur des timbres français (son los sellos más feos de todos) et de leur très lointain rapport avec le tango et avec Gardel... Que la France, ce pays qu'ils admirent tant, ne soit pas capable d'abandonner les clichés et la pensée unique artistico-bien pensante des salons parisiens pour rendre un hommage simple et digne à l'enfant du pays leur fait mal au coeur et cause un dommage inutile et durable à l'image de notre pays, déjà bien assez mise à mal par les comportements du Président de la République actuel qui font rigoler tout Buenos Aireds... Que vouliez-vous que je leur dise ! A moi aussi, une maison d'édition (qui n'est pas le Jasmin, bien entendu) avait voulu m'imposer Antonio Segui pour la couverture de Barrio de Tango. J'avais refusé (j'ai rudement bien fait, la couverture de Jorge Muscia a une autre authenticité, et ça s'est vu à Buenos Aires !) On m'avait répondu, comme si c'était un argument suffisant en soi : "Mais c'est un peintre très coté" Et alors ? On peut être argentin, et peintre très coté (ou un prof de tango très présent parmi les annonceurs des sites de tango), vendre très cher ses oeuvres (ou ses cours de danse) et ne rien connaître pour autant au tango des tangueros... Ces réactions de ces philatélistes portègnes découragés par cette page consacrée à la Poste française m'ont réconfortée face au souvenir déplaisant que j'avais conservé de ce bout d'une conversation par ailleurs fort agréable sur tout le reste. Dans ce catalogue philatélique, ni la Belgique ni la Suisse ne sont présentes. En font partie l'Argentine et l'Uruguay (ça, on s'en doutait), la Colombie (c'est normal, c'est dans ce pays qu'est mort Gardel le 24 juin 1935), le Salvador, le Niger, la République de Sao Tomé, l'Espagne et le Mexique, la demi-présence française n'étant elle-même nichée que dans cette émission bilatérale avec l'Argentine et donc dans les pages consacrées à ce pays.
(5) Hermenegildo Sabát travaille à la rédaction du quotidien Clarín.